L’une des préoccupations mondiales grandissantes au sein des systèmes de financement de la recherche est la difficulté de saisir et de promouvoir l’impact sociétal, c’est-à-dire les avantages tangibles de la recherche au-delà de ses résultats académiques. En Afrique du Sud, la Fondation nationale pour la recherche (NRF) a reconnu que si ses investissements ont permis de démontrer l’impact des savoirs – comme le montrent son système d’évaluation des chercheurs et des résultats de la recherche – les preuves de l’impact sociétal restent limitées.
L’un des défis majeurs de l’écosystème de la recherche en Afrique du Sud est le manque de liens entre le financement et les avantages sociétaux démontrables. Les investisseurs, qui interviennent généralement au début du processus de recherche, n’ont souvent qu’une visibilité et une influence minimes sur les résultats en aval. En raison de cette limitation structurelle, le suivi de la recherche financée s’avère complexe en ce qui concerne sa contribution dans la réponse aux besoins de la société ou la progression des politiques publiques. Il devient de plus en plus urgent de combler cette lacune, non seulement pour garantir l’alignement sur les priorités nationales de développement, mais aussi pour rentabiliser les investissements dans la recherche. Un autre défi consiste à déterminer le potentiel en termes d’impact sociétal au stade du financement, avant même que la recherche n’ait commencé.
Pour relever ces défis et concrétiser la Vision 2030 de la NRF, axée sur la transformation, l’innovation, l’excellence et la durabilité de l’impact (TIES4I), la NRF a constitué une équipe chargée d’examiner les approches visant à faire progresser l’impact de la recherche en Afrique du Sud. Cette équipe a mené une étude portant sur le contexte national et les recherches et pratiques internationales sur l’impact de la recherche.
Les leçons tirées du Research Excellence Framework (REF) britannique ont mis en évidence l’importance des études de cas sur l’impact, combinant des récits qualitatifs et des indicateurs quantitatifs. L’approche Research Quality Plus du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada a alimenté la réflexion de la NRF sur les sphères de contrôle, d’influence et d’intérêt – un cadre particulièrement adapté aux financeurs dont le contrôle direct sur la mise en œuvre est limité. De même, le modèle néo-zélandais « pathways to impact » a permis d’articuler la manière dont la planification et l’engagement précoces peuvent façonner les résultats à long terme. La déclaration de principes 2019 du Conseil mondial de la recherche a formulé des recommandations supplémentaires pour structurer les évaluations d’impact tant ex ante qu’ex post.
Sur la base de ces données probantes, le NRF a élaboré son cadre d’impact de la recherche, conçu pour façonner la recherche depuis la conception du financement jusqu’aux méthodologies de recherche et aux partenariats, tout en intégrant également les piliers TIES4I de la NRF.
Définir l’impact et les voies d’impact
Le cadre d’impact de la NRF explique les bénéfices sociétaux de la recherche dans le contexte sud-africain. Il décrit les grands axes d’impact pour aider à identifier les opportunités de changement positif et présente une structure permettant d’évaluer les progrès réalisés tout au long de ces axes. L’impact est défini comme un « changement bénéfique dans la société ou une avancée des connaissances, résultant directement ou indirectement des interventions de soutien à la recherche de la NRF, qu’elles soient planifiées ou involontaires, immédiates ou à long terme. »
Contrairement à l’UKRI, qui a opté pour la suppression de l’obligation d’inclure des déclarations d’impact dans les demandes de financement, la NRF les considère comme essentielles. Ces déclarations incitent les chercheurs à définir clairement le défi sociétal auquel leur travail répond, à identifier les bénéficiaires et les partenaires potentiels, à décrire les actions nécessaires et à anticiper les résultats escomptés. Le but étant d’identifier rapidement le potentiel d’impact, d’encourager les approches les plus susceptibles de produire cet impact et de passer des résultats académiques à des changements significatifs dans le monde réel.
Mise en œuvre du cadre d’impact de la recherche
Pour rendre opérationnel son cadre d’impact et promouvoir une culture de l’impact, la NRF a identifié cinq domaines clés de mise en œuvre :
- Cohérence des politiques et des instruments : Réviser les politiques internes et les mécanismes de financement afin de créer une corrélation entre les objectifs et les méthodologies d’impact.
- Campagnes de sensibilisation à l’impact : Nommer des « champions de l’impact » dans les unités de la NRF, tout en veillant à coordonner l’engagement dans l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. La NRF a adopté une approche collaborative avec d’autres institutions, telles que Universities South Africa (USAf) et l’Académie des sciences d’Afrique du Sud (ASSAf), afin de garantir la co-création dans l’ensemble du secteur. En outre, elle a organisé un atelier sur l’impact avec l’organisation pour l’avancement et l’évaluation de l’impact sociétal de la science (AESIS), suivi d’une conférence organisée par l’AESIS et le Conseil sud-africain de la recherche en sciences humaines (HSRC).
- Incitations et reconnaissance : Créer des récompenses et des mécanismes de financement qui favorisent l’impact. En 2024, le prix NRF de l’impact sociétal a vu le jour, générant la première collection d’études de cas sur l’impact sociétal ex post. Cette initiative sera poursuivie et étendue en 2025.
- Innovation méthodologique : Encourager l’utilisation d’approches de recherche propices à l’impact sociétal, y compris la recherche finalisée, la recherche engagée et en partenariat, et les méthodes transdisciplinaires et intradisciplinaires. Cela inclut l’élaboration d’un cadre de recherche engagée de la NRF aligné sur l’impact.
- Évaluation de l’impact : Piloter des évaluations le long des axes de l’impact, en utilisant à la fois des évaluations ex ante (déclarations d’impact) et ex post (études de cas), ainsi que des rapports post-subvention sur les résultats et les retombées. La priorité est accordée aux études de cas qualitatives étayées par des preuves attestant de bénéfices et de changements pour la société.
Un changement de mentalité à l’échelle du secteur
Ces réformes marquent un changement dans la manière dont l’impact de la recherche est compris et visé au sein du système national d’innovation de l’Afrique du Sud. Plutôt que de considérer l’impact sociétal comme un sous-produit, l’approche de la NRF l’intègre dans le cycle de vie de la recherche. La mobilisation enthousiaste des chercheurs, des universités et des institutions témoigne d’une reconnaissance croissante de la valeur de ce changement et d’un mouvement collectif en faveur d’un système de recherche plus responsable et plus efficace.
Cet article fait partie d’une série organisée avec le UK Collaborative on Development Research (UKCDR) sur l’impact des approches de financement sur la recherche. Exceptionnellement, nous acceptons des contributions de chercheurs/euses mais aussi de bailleurs/euses de fonds pour cette série.