Les invertébrés marins sont une source de subsistance et de revenus pour les communautés côtières du monde entier. En plus d’être une source alimentaire vitale, les crabes, crevettes et autres créatures jouent un rôle important dans beaucoup de traditions culturelles. Cet article présente des données provenant du Ghana, et plaide en faveur du développement de systèmes de gestion communautaires durables afin de préserver ces organismes et les moyens de subsistance des communautés côtières.
Tout le long de la côte ouest-africaine, les invertébrés marins tels que les crabes, les mollusques, les crevettes et les homards font non seulement partie de la biodiversité océanique, mais sont également profondément ancrés dans la vie quotidienne des communautés locales. Au niveau écologique, des études montrent que les invertébrés marins jouent un rôle crucial dans les réseaux trophiques, le cycle des nutriments et la régulation des populations d’autres organismes marins. Par exemple, les crabes participent au nettoyage des fonds marins, tandis que les bivalves, un type de mollusques, filtrent l’eau et maintiennent l’équilibre de l’écosystème. Les invertébrés marins servent également d’indicateurs de la qualité de l’habitat ; leur présence ou leur absence peut être révélatrice de la santé globale des écosystèmes côtiers, en particulier dans les zones fortement touchées par l’activité humaine.
Tout autour du monde, ces organismes contribuent de manière significative à la recherche sur la santé humaine et les maladies, au développement de médicaments, à la sécurité alimentaire et au patrimoine spirituel et culturel. Pourtant, leur importance est souvent sous-estimée tant par les chercheurs que par les politiques. Les communautés côtières du Ghana offrent un exemple frappant de cette relation entre biodiversité marine et êtres humains.
Le littoral ghanéen s’étend sur environ 550 kilomètres le long du golfe de Guinée. Il comprend des estuaires, des lagunes, des forêts de mangroves et des plages de sable, autant d’habitats qui abritent une grande diversité d’espèces marines. La côte abrite également plusieurs grandes communautés de pêcheurs, réparties dans quatre régions : Volta, Grand Accra, Centre et Ouest. Cette zone côtière joue un rôle essentiel dans l’économie du pays.
Le littoral ghanéen et les principales communautés de pêcheurs
De l’importance des invertébrés marins
Les invertébrés marins sont aussi essentiels au tissu écologique et que socio-économique des régions côtières du Ghana. Sur le plan économique, ils constituent la pierre angulaire de la pêche artisanale ghanéenne, qui représente environ 70 % de la production halieutique du pays et fait vivre près de 3 millions de Ghanéens, dont un demi-million de femmes. Des espèces telles que les crevettes, les homards et les céphalopodes (comme les calmars et les poulpes) sont pêchées toute l’année et vendues sur les marchés locaux et nationaux. Les femmes sont centrales à la chaîne de valeur, en particulier dans la transformation post-pêche et le commerce. Pour beaucoup, la vente de crabes ou de crevettes est la principale source de revenus, qui leur ouvre l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres besoins fondamentaux.
Sur le plan culturel, les invertébrés marins sont profondément ancrés dans les traditions et la vie quotidienne des communautés côtières. Des entretiens menés auprès de pêcheurs le long de la côte ghanéenne révèlent diverses utilisations traditionnelles. Par exemple, l’os de seiche géante africaine broyé et mélangé à du beurre de karité permet de traiter les gonflements corporels, et les carapaces séchées de crabes tachetés ajoutées à la nourriture des poulets vient renforcer les coquilles de leurs œufs, une pratique transmise de génération en génération. Quant aux coquilles d’escargots de mer, elles réutilisées comme décorations, reflétant le riche héritage artisanal de la région. Certaines espèces de crabes ont également une signification spirituelle, leur utilisation ou non-utilisation étant régie par des tabous.
Du besoin d’une conservation durable basée sur les communautés
Le rôle essentiel des invertébrés marins souligne l’urgence d’une conservation durable reposant sur les communautés. Ces espèces sont confrontées à une multitude de menaces, parmi lesquelles la surpêche, la perte d’habitat due au développement côtier, la pollution, notamment l’accumulation de microplastiques dans les espèces benthiques telles que les moules et les crabes, et le changement climatique. Les invertébrés marins sont peu étudiés au Ghana, ce qui complique le suivi des populations et la mise en œuvre de pratiques de pêche durables. Ce manque de données augmente le risque de surexploitation, qui pourrait déstabiliser les écosystèmes et menacer les moyens de subsistance des communautés qui dépendent de ces ressources.
Une conservation à la fois durable et communautaire est donc cruciale. Les décideurs politiques devraient donner la priorité à l’intégration des connaissances et des pratiques culturelles locales dans les plans de conservation, en veillant à trouver un équilibre entre résilience écologique et stabilité économique. En responsabilisant les communautés, les décideurs politiques peuvent aligner les objectifs de conservation sur les besoins socio-économiques des habitants des zones côtières, prévenir l’effondrement des pêcheries et soutenir à la fois la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté.

Quelles stratégies pour réussir malgré les difficultés
Pour relever les défis qui menacent les invertébrés marins, il faut une approche multidimensionnelle combinant connaissances locales, recherche scientifique et innovation politique.
Tout d’abord, il est essentiel d’intégrer les connaissances traditionnelles dans la planification de la conservation. Les pratiques des pêcheurs, telles que le fait d’éviter les espèces de crabes qui ont pour eux une importance spirituelle, peuvent orienter l’élaboration de politiques sensibles à la culture et plus susceptibles d’obtenir le soutien des communautés.
En second lieu, combler les lacunes en matière de recherche grâce à des études sur les populations d’invertébrés, leurs rôles écologiques et les effets de la pollution, y compris les microplastiques, permettra de fournir les données nécessaires pour fixer des limites de pêche durables. Une étude de 2024 souligne l’importance des réglementations appliquées par les communautés, telles que les limites de prises et les zones marines protégées, pour réduire la surpêche.
Les communautés locales peuvent aussi être mobilisées autrement : l’organisation de nettoyages côtiers et l’amélioration de la gestion des déchets peuvent réduire la pollution par les plastiques et les eaux usées ; l’autonomisation des femmes dans le secteur de la pêche grâce à la formation et à l’accès au marché peut renforcer les économies locales tout en soutenant la conservation ; et les efforts d’adaptation au changement climatique, tels que la restauration des mangroves et l’adoption de pratiques de pêche résilientes au climat peuvent contribuer à protéger les habitats clés.
Quelle importance pour les communautés côtières
Les invertébrés marins sont essentiels à la survie des communautés côtières du Ghana, car ils fournissent nourriture, revenus et identité culturelle à des millions de personnes. Leur déclin aurait des conséquences dévastatrices, en particulier pour les groupes vulnérables, comme les commerçantes qui dépendent de ces espèces pour subvenir aux besoins de leur famille. La disparition de la vie marine menacerait la sécurité alimentaire et aggraverait la pauvreté du fait de l’effondrement des écosystèmes et de la baisse des rendements de la pêche. En revanche, une conservation efficace pourrait renforcer la résilience à long terme des communautés tout en préservant les traditions culturelles, en stabilisant les pêcheries et en augmentant la biodiversité.
Les invertébrés marins sont bien plus que de simples créatures vivant sous les vagues des côtes ghanéennes. Ils représentent la résilience écologique, des opportunités économiques et un héritage culturel. En intégrant les connaissances locales à la recherche scientifique et en donnant aux communautés côtières la possibilité de s’exprimer dans les décisions politiques, nous pouvons dessiner un avenir plus durable. Pour bon nombre de Ghanéens, les invertébrés marins sont bien plus qu’une simple source de nourriture : ils occupent une place centrale dans leur vie et leur culture, et ils méritent d’être protégés.







