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Comment les think tanks des pays du Sud ont-ils réagi à la pandémie ?
Science, finance et innovation

Comment les think tanks des pays du Sud ont-ils réagi à la pandémie ?

6 min

by

Vaqar Ahmed

Comment les think tanks des pays du Sud ont-ils réagi à la crise du Covid-19 ? Cet article, écrit par un leader expérimenté de la recherche et de l’engagement politique au Pakistan, présente sept réponses efficaces.

La pandémie a entraîné de nombreux défis sans précédent pour les think tanks des pays du Sud. Entre les confinements et les flux de trésorerie incertains, ils se sont retrouvés surchargés de responsabilités tant au niveau de la recherche politique que de l’aide sociale. On leur a demandé de produire rapidement des données sur divers aspects du Covid-19, et de s’engager plus activement aux côtés des organisations gouvernementales et non gouvernementales.

En termes de fonctionnement interne – et comme toute autre entreprise, les think tanks indépendants ont fait de leur mieux pour éviter les licenciements et poursuivre leurs enquêtes sur le terrain afin d’évaluer l’impact de la pandémie tout en veillant à ne pas menacer la vie et la santé de leurs membres.

Certains collaborateurs se sont retrouvés licenciés suite à la fermeture des bureaux, et trouver un nouveau travail (souvent à court terme) est encore un défi. Certains ont été contaminés sur le terrain et ont dû être pris en charge médicalement. Tous ont dû s’adapter pour faire face à l’irruption du Covid-19.

Un programme de recherche transdisciplinaire

Les exigences supplémentaires imposées par la crise sanitaire et économique ont permis de tirer le meilleur de l’innovation. Si la plupart des think tanks comprenaient déjà l’importance de promouvoir des approches plus transdisciplinaires dans la recherche, la sensibilisation et le renforcement des capacités, certains n’avaient jamais été contraints de sortir de leurs spécialités habituelles avant la pandémie.

Tout à coup, le secteur du développement a compris la véritable importance des approches multisectorielles et transversales dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). L’une des principales demandes reçues par mon organisation – le Sustainable Development Policy Institute – portait sur la manière dont les autorités pouvaient regrouper des ensembles de données épidémiologiques et économiques pour établir des prévisions éclairées en matière de viabilité budgétaire.

Trouver et générer des données dans des délais serrés 

Les outils de recherche rapide ont toujours existé. Mais les nombreux décès et les taux élevés de tests positifs enregistrés au cours de la première vague de la pandémie ont montré que les méthodes d’enquête existantes allaient se révéler inadéquates.

Même les enquêtes téléphoniques et en ligne n’ont pas été très révélatrices durant cette période, car de nombreuses personnes interrogées étaient réticentes à révéler la vérité par crainte d’être stigmatisées ou de voir leurs informations utilisées pour les faire sortir de chez elles en vue d’un dépistage et d’une quarantaine forcés.

Des méthodes d’apprentissage profond (deep learning) sont désormais employées afin d’améliorer la triangulation de grandes quantités de données et d’informations provenant à la fois des citoyens et du secteur public.

Travailler avec des organismes du secteur public

La plupart des think tanks et des réseaux de recherche se sont manifestés pour partager leurs connaissances et leurs expériences, fournir des conseils politiques et même mettre à disposition leurs effectifs pour aider le secteur public à atténuer le choc initial de la crise. Depuis lors, ils ont travaillé collectivement à une approche conceptuelle (design thinking) afin de fournir de meilleurs systèmes et procédés pour exploiter les données probantes dans l’élaboration des politiques.

Dans la plupart des pays, le secteur public a également réalisé que les connaissances autour du Covid-19 étaient loin d’être suffisantes. De plus en plus de données, d’informations et de renseignements seront nécessaires à l’avenir pour gérer l’impact et le rétablissement post-pandémique. L’ODD 17 – « Renforcer et revitaliser les partenariats mondiaux pour réaliser l’objectif de développement durable » – fait désormais l’objet d’une attention particulière de la part de tous les organismes impliqués dans l’amélioration de la gouvernance mondiale, y compris les think tanks.

Adopter la transformation numérique

Les technologies qui ont permis de sécuriser les opérations internes et externes des organisations pendant les périodes de confinement étaient disponibles bien avant l’épidémie de Covid-19. Mais la plupart des think tanks n’étaient pas disposés à recourir davantage à la technologie, même pour des tâches banales comme les séances menées en personne avec des groupes de discussion.

Ce n’est plus le cas. En élaborant leurs plans de travail pour 2021, les think tanks ont clairement indiqué que le passage aux technologies numériques serait permanent. La recherche a donc rapidement adopté les méthodes numériques, mais les opérations internes d’administration, d’approvisionnement, de finances et de ressources humaines ont également été automatisées. Constat réjouissant : ce passage au numérique a coûté beaucoup moins cher que ce que prétendaient les défenseurs du statu quo

Capitaliser sur les capacités individuelles

La demande d’approches transdisciplinaires plus poussées a obligé le personnel des think tanks à réfléchir à leurs compétences, à s’appuyer sur les capacités existantes et à se perfectionner ou à se réorienter dans le but de « reconstruire en mieux ».

Au niveau individuel, lorsque les individus ont vu leurs proches touchés par la maladie, ils ont porté une toute nouvelle attention à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, à l’importance du bien-être mental et à la question de la santé et du bien-être dans les objectifs individuels et les mesures de performance des organisations.

Lors de mes échanges avec divers collègues de la communauté des think tanks, j’ai été informé de la manière dont certains chercheurs créatifs ont été plus productifs pendant la crise ; certains ont été promus à de nouveaux postes et d’autres se sont vu offrir des rôles importants au sein du gouvernement.  Nombre d’entre eux se sont détournés de la publication classique dans des revues à comité de lecture pour consacrer du temps à la diffusion de solutions politiques par le biais d’articles d’opinion et de fils de discussion sur Twitter.

Résilience des systèmes de leadership et de gestion

On peut citer des exemples de groupes de réflexion dont les conseils opportuns ont été reconnus par les gouvernements et les acteurs de la crise. L’une des principales caractéristiques de ces organisations était la résilience du leadership et la manière dont les personnes à la tête des opérations ont pu trouver, dans cette crise aux multiples facettes, des opportunités à court et à long terme.

On attendait de ces dirigeants qu’ils agissent rapidement pour combler les lacunes en matière de données, et qu’ils mettent en place des approches permettant de guider le futur portefeuille d’activités. Comme de nombreuses organisations travaillaient à distance, il était important de donner aux équipes les moyens d’agir rapidement et de leur permettre de faire des erreurs au fil de ce processus.

Dans une large mesure, la pandémie a rendu obsolète le modèle économique de la plupart des groupes de réflexion. C’est alors devenu l’autre défi des dirigeants : anticiper le changement et la transition vers un avenir post-pandémique plus robuste grâce à une planification proactive.

Promouvoir le design thinking et favoriser l’agilité

Cet article ne serait pas complet si nous ne mentionnions pas que si certains financeurs traditionnels de think tanks ont fini par changer leurs priorités, d’autres sont allés de l’avant et ont renforcé la foi mondiale dans la production et l’utilisation de données probantes à un moment où les connaissances existantes ne révélaient pas grand-chose.

Les think tanks qui ont réagi rapidement entretenaient déjà des relations de confiance avec les bailleurs de fonds et les communautés de pratique qui voyaient l’intérêt d’investir du temps et des ressources dans le design thinking et de passer des questions tactiques aux questions stratégiques. À l’avenir, on attend des chefs de projet et du personnel en milieu de carrière qu’ils fassent preuve d’une plus grande agilité pour fournir de nouvelles connaissances et en assurer la diffusion par des méthodes non traditionnelles.

 

Vaqar Ahmed
Joint Executive Director, Sustainable Development Policy Institute (SDPI)