Environnement, énergie et nature

Impact des maladies infectieuses sur la biodiversité : un point de vue politique

6 min

by

Muhammad Hassnain and Waqas Ahmad

Les maladies animales infectieuses constituent une menace importante pour la biodiversité et ont des implications majeures pour les écosystèmes, le bien-être humain et l’économie. Cet article explore la relation entre les maladies infectieuses et la biodiversité, en soulignant comment les politiques intégrées qui visent à protéger le monde naturel permettront de prévenir les épidémies et les pandémies à venir.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance de comprendre la relation entre les maladies infectieuses et la biodiversité, ainsi que les implications de ce lien pour le développement économique.

Cet article rassemble des travaux de recherche portant sur l’influence des maladies infectieuses sur la biodiversité, et vice versa, et examine les implications de cette relation pour la société et la politique.

Les conséquences de la perte de biodiversité pour les écosystèmes et la vie humaine

La perte de biodiversité causée par les maladies infectieuses a des conséquences considérables. Dans la nature, le déclin d’espèces clés perturbe les chaînes alimentaires, affectant les espèces qui dépendent d’elles pour se nourrir et provoquant des déséquilibres. Les fonctions de l’écosystème, telles que la pollinisation, la dispersion des graines et le cycle des nutriments, sont perturbées par les changements dans les populations d’espèces sauvages et sont donc à leur tour susceptibles de provoquer un déséquilibre de l’écosystème.

Pourquoi ces déséquilibres concernent-ils de près les êtres humains ? Des écosystèmes sains sont à la base de sociétés et d’économies saines. Par exemple, la disparition d’espèces qui fournissent des services écosystémiques essentiels, tels que la lutte contre les parasites et la pollinisation, peut augmenter considérablement le coût de l’agriculture et réduire le rendement des cultures. En outre, la propagation des zoonoses (maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme) peut présenter des risques importants pour la santé publique et l’économie, comme l’a démontré le COVID-19.

Le lien entre maladies infectieuses et biodiversité

La recherche a montré que les maladies infectieuses peuvent considérablement affecter la biodiversité. Par exemple, le champignon chytride (Batrachochytrium dendrobatidis) a causé un grave déclin des populations d’amphibiens (dont les grenouilles et les crapauds) dans le monde entier, entraînant l’extinction de plusieurs espèces. Les amphibiens sont essentiels au maintien de l’équilibre des écosystèmes aquatiques, et leur disparition peut perturber les réseaux alimentaires et la qualité de l’eau en affectant la croissance des algues et des nutriments.

Par ailleurs, le syndrome du nez blanc, causé par le champignon Pseudogymnoascus destructans, a dévasté les populations de chauves-souris en Amérique du Nord. Les chauves-souris jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les insectes et dans la pollinisation des plantes. Leur déclin a des conséquences écologiques et économiques importantes, notamment l’augmentation des populations d’insectes nuisibles – ce qui signifie que les agriculteurs doivent utiliser davantage de pesticides – et la diminution du rendement des cultures.

La rage est une zoonose qui a des répercussions considérables sur l’homme, les animaux (domestiques et sauvages), l’environnement et la biodiversité. Les épidémies sont souvent associées à des populations d’espèces qui évoluent en liberté, notamment les chauves-souris et les renards. La rage est potentiellement mortelle pour l’homme et l’animal. Dans la nature, elle peut entraîner un déclin important des espèces prédatrices, ce qui perturbe les réseaux alimentaires et les écosystèmes. La mauvaise gestion des déchets, qui consiste à laisser de grandes quantités de détritus dans les rues et les décharges à ciel ouvert, favorise également la population et la propagation des chiens en liberté qui se nourrissent des déchets dans les communautés en développement d’Asie et d’Afrique. Ce scénario pose également de graves problèmes de santé publique quant à la propagation de la rage des chiens à l’humain.

Comment une plus grande biodiversité empêche la propagation des maladies

L’hypothèse de « l’effet de dilution » suggère qu’une plus grande biodiversité peut réduire la transmission des maladies de l’animal à l’homme. Dans des écosystèmes diversifiés, les maladies rencontrent une variété d’espèces hôtes qui peuvent limiter leur propagation. Par exemple, dans les zones où la diversité des animaux sauvages porteurs de tiques est plus importante les taux d’infection de la maladie de Lyme sont plus faibles chez l’homme. Cela s’explique par le fait que la maladie de Lyme est causée par une bactérie transmise par les tiques, et que cette bactérie ne se développe pas bien chez certains animaux sauvages.

À l’inverse, lorsque la biodiversité disparaît, l’homme risque d’être davantage exposé aux maladies. Des études sur la forêt amazonienne, par exemple, ont montré que la déforestation et la fragmentation de l’habitat augmentent la prévalence du paludisme, car les moustiques se développent dans des environnements perturbés.

Implications politiques

L’impact des maladies infectieuses sur la biodiversité a de profondes répercussions sur l’élaboration des politiques. Les efforts de conservation qui protègent et restaurent la biodiversité ne visent pas seulement à sauver les espèces ; ils sont également essentiels pour prévenir les épidémies chez l’être humain.

Comme nous l’avons vu, des écosystèmes sains et diversifiés agissent comme des tampons naturels contre la propagation des maladies, réduisant ainsi le risque qu’elles se propagent de l’animal à l’homme. L’intégration de la conservation de la biodiversité dans les stratégies de santé publique contribuera donc à protéger l’humanité. Par exemple, la protection des forêts peut contribuer à prévenir l’émergence de nouvelles zoonoses. Les approches intégrées renforcent la résilience des systèmes naturels et humains, ce qui constitue un scénario gagnant-gagnant pour la santé et l’environnement.

La recherche propose différents moyens d’atténuer la perte de biodiversité due aux maladies infectieuses. Les politiques de conservation devraient par exemple être renforcées afin de protéger et de restaurer les habitats naturels et de promouvoir des écosystèmes résistants. Les pratiques d’utilisation durable des sols peuvent éviter la fragmentation des habitats en petites parcelles et limiter la propagation des maladies. Par exemple, les pratiques agricoles durables, telles que la rotation des cultures et la préservation de la végétation naturelle, maintiennent les habitats connectés. Cela favorise la prospérité de la faune et réduit la propagation des maladies. L’investissement dans la recherche interdisciplinaire – par exemple, les collaborations entre écologistes et experts médicaux – améliorera notre compréhension de la biodiversité et de la dynamique des maladies. Des systèmes robustes de surveillance des maladies de la faune sauvage sont essentiels pour détecter les maladies à un stade précoce et y faire face. Enfin, la sensibilisation du public au rôle de la biodiversité dans la prévention des épidémies peut encourager le soutien aux initiatives de conservation.
Conclusion

Il est essentiel de comprendre l’impact des maladies infectieuses sur la biodiversité pour élaborer des politiques de réponse efficaces. En sauvegardant la biodiversité, nous ne préservons pas seulement le monde naturel, mais nous protégeons également la vie humaine et la société. Reconnaître les liens entre les maladies, les écosystèmes et la société nous permet de prendre des mesures proactives en faveur d’une planète plus saine et plus résiliente.

Muhammad Hassnain
Étudiant, Université des sciences vétérinaires et animales, Lahore
Waqas Ahmad
Professeur adjoint, Collège universitaire des sciences vétérinaires et animales, Narowal