L’énergie utilisée pour cuisiner affecte le bien-être des enfants et des femmes de manière disproportionnée. Pour tirer pleinement parti des avantages sanitaires des énergies propres, il faut non seulement adopter des pratiques non polluantes, mais aussi abandonner celles qui le sont. De nombreux gouvernements ont accordé des subventions universelles pour le gaz de cuisine en pensant qu’un tel soutien permettrait aux plus pauvres de l’utiliser durablement, mais en pratique, les riches en profitent bien davantage. En prenant le gaz de cuisine comme illustration, cet article avance que si aucun gouvernement ne peut espérer atteindre l’accès universel en subventionnant simplement l’énergie propre, des progrès plus rapides peuvent être réalisés en étudiant mieux le comportement des ménages et les dynamiques du marché.
L’utilisation traditionnelle de combustibles polluants par les ménages a un coût économique élevé : la fumée émise est à l’origine de 3,2 millions de décès et d’encore plus de maladies par an, tandis que le temps passé à collecter la biomasse gratuite nuit à l’éducation des enfants et aux activités productives des adultes.
La moitié la plus riche du monde n’utilise que l’électricité et le gaz pour cuisiner, pour des raisons de commodité et de propreté. Pour les ménages qui le souhaitent, le gaz canalisé est préférable, mais à défaut, le gaz en bouteille est le plus souvent utilisé. D’autres technologies, comme les fours solaires, à éthanol et à biogaz sont beaucoup moins utilisées pour diverses raisons. Les poêles à biomasse à combustion avancée apparaissent comme une option propre et potentiellement moins coûteuse.
L’électricité peut ne pas être une option viable en cas de pénurie grave et de coupures de courant. Ces pannes et l’absence de gazoducs caractérisent l’Afrique subsaharienne, qui est à la traîne de toutes les autres régions en matière d’accès aux combustibles et technologies de cuisson propres.
Les limites du soutien fiscal
L’obstacle le plus important à la réalisation de l’objectif des Nations unies concernant l’accès universel à des services énergétiques abordables, fiables et modernes d’ici à 2030 est, de loin, d’ordre financier. Pour surmonter ledit obstacle, les gouvernements ont accordé des subventions universelles aux prix, et celles pour le gaz en bouteille restent courantes dans de nombreux pays en développement.
Mais des décennies d’aide fiscale de ce type montrent non seulement que les subventions universelles pour le gaz en bouteille sont hautement régressives et qu’elles profitent bien plus aux riches qu’aux pauvres, mais aussi qu’elles sont fiscalement inabordables et qu’aucun pays ne peut espérer « s’en sortir » en subventionnant le problème de l’accès. Récemment, plusieurs gouvernements sont passés des subventions universelles à des subventions ciblées, les rendant ainsi plus progressives et limitant la charge fiscale, mais les degrés de réussite sont variables.
Ces réformes des subventions ont été confrontées à de nouveaux défis, car les prix internationaux ont fortement augmenté de fin 2020 à mi-2022, alors que les devises de nombreux pays se dépréciaient. En conséquence, certains gouvernements sont revenus sur leurs réformes et ont rétabli les subventions universelles des prix, notamment le Salvador et le Pérou. En l’absence de subventions, les prix de détail se sont envolés, comme au Nigeria, où le coût de remplissage des bouteilles de gaz a doublé entre août 2021 et juin 2022.
Qu’en est-il des granulés densifiés ?
L’un des moyens d’éviter la volatilité des prix mondiaux du carburant est de s’appuyer sur des poêles à combustion lente brûlant des granulés densifiés à partir de biomasse d’origine locale. S’ils sont utilisés conformément à leur conception et entretenus, ces poêles réduisent les émissions de polluants nocifs. Ces poêles sont donc peut-être les plus prometteurs, en particulier pour les ménages ruraux.
Pour en tirer tous les avantages, il reste du travail. Si les utilisateurs finaux sont essentiellement des ménages, la réalisation des économies d’échelle nécessaires à la production rentable de granulés exige une adoption généralisée et une utilisation régulière. Pour éviter les émissions excessives de polluants, il est impératif d’utiliser les bons matériaux de départ et des granulés de taille correcte. Recharger les granulés pendant la cuisson et couvrir les cendres par la suite peut également augmenter considérablement les émissions.
La défaillance des composants, notamment des batteries, n’est pas rare, ce qui augmente les émissions et nécessite des réparations ou un remplacement qui peuvent être coûteux. L’automatisation de l’allumage initial et de l’alimentation continue en granulés augmentera le coût mais permettra de contrôler plus efficacement les émissions de polluants. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour résoudre ces problèmes et permettre l’adoption des poêles à grande échelle.
Utiliser uniquement des combustibles et des technologies propres
Pour protéger la santé des membres du foyer, ceux-ci doivent abandonner les pratiques polluantes. Il est largement prouvé que cela est beaucoup plus difficile à réaliser que l’adoption d’une énergie propre. L’abandon est également difficile à mesurer, raison pour laquelle pour suivre les progrès vers l’accès universel, on collecte des données sur l’utilisation de l’énergie primaire mais pas sur l’abandon. L’empilement des combustibles – où les ménages qui ont adopté des combustibles et des technologies propres continuent de cuisiner avec du kérosène, du charbon de bois, du bois et d’autres combustibles solides – est courant, même chez les riches, dans de nombreux pays en développement.
Une étude récente sur les ménages d’Afrique subsaharienne qui citent le gaz en bouteille comme principal combustible de cuisson révèle, sans surprise, que l’abandon se produit parmi les ménages les plus aisés. Ceux « qui abandonnent » ont également tendance à être plus petits que les ménages qui accumulent et qui conservent les combustibles polluants. Ces résultats pourraient suggérer qu’il est plus facile de cuisiner exclusivement avec du gaz en bouteille pour préparer de petits repas.
Mais le schéma observé ne peut être simplifié en disant que « plus le ménage est petit, plus il est susceptible d’abandonner ». La taille moyenne des ménages accumulant du combustible dans les 20 % des groupes de revenus les plus élevés était inférieure à la taille moyenne des ménages abandonnant le combustible dans les 20 % suivants, bien que les ménages abandonnant le combustible soient plus pauvres. En d’autres termes, des raisons autres que purement financières semblent expliquer qui abandonne et qui empile les combustibles polluants.
Outre les préférences personnelles et culturelles, l’une des explications possibles est l’état du marché, notamment la fiabilité de l’approvisionnement, la facilité et le coût de transaction de la recharge des bouteilles, et le degré de mauvaises pratiques commerciales sur le marché, comme le sous-remplissage généralisé.
Conclusion
Un défi politique crucial est de savoir comment promouvoir l’adoption de carburants et de technologies propres et, à terme, l’abandon des pratiques énergétiques polluantes. Les subventions universelles des prix ne sont pas rentables, même pour l’adoption, car les riches consomment beaucoup plus d’énergie que les pauvres. Comme l’abandon se produit principalement chez les plus aisés, les subventions gouvernementales seraient encore moins équitables et rentables.
En revanche, tout ce qui peut faire baisser les prix effectifs payés par les consommateurs et rendre l’achat de combustible plus pratique – en fixant des normes d’efficacité des poêles et en les faisant respecter, en fixant des pénalités pour sous-remplissage suffisamment élevées et en les appliquant intégralement pour que le jeu n’en vaille pas la chandelle, et en créant une concurrence saine et équitable sur le marché – contribuera à accélérer les progrès en termes d’accès et d’abandon universels sans entraîner de coûts budgétaires importants.
Pour ceux qui cuisinent avec de la biomasse, la combinaison d’un haut rendement de combustion – qui réduit les émissions de polluants – et d’un transfert de chaleur élevé permet aux ménages d’utiliser moins de combustibles tout en protégeant leur santé, ce qui réduit les charges financières et sanitaires liées à la cuisson. Les marchés des poêles à combustion lente n’en étant qu’à leurs débuts, une aide gouvernementale peut être bénéfique. Dans le cadre de cette action, les enseignements tirés des précédentes aides publiques en faveur de l’énergie domestique montrent qu’il est important de tenir compte de la viabilité budgétaire et d’éviter les distorsions économiques.