Environnement, énergie et nature

Solutions fondées sur la nature et les savoirs autochtones : le cas du Bengladesh

7 min

by

Muhammad Abdur Rahaman

Alors que le climat mondial continue de changer et que les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplient, les décideurs politiques du monde entier se doivent absolument de mettre tout en œuvre pour atténuer les nouveaux risques et s’y adapter, en particulier dans le domaine de l’agriculture. C’est particulièrement vrai au Bangladesh, où un riche réservoir de solutions fondées sur la nature et les savoirs autochtones offre divers outils et méthodes pour gérer les ressources naturelles face à l’incertitude climatique.

Au Bangladesh, le changement climatique constitue une menace majeure. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les sécheresses, les cyclones et les inondations sont de plus en plus fréquents et intenses. Ces phénomènes affectent la vie et les moyens de subsistance des populations ; ils ont des répercussions sur l’agriculture, les systèmes de santé, les systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, et même la sécurité. Bien que cette situation affecte le monde entier, ces risques sont particulièrement marqués au Bangladesh

Pourtant, le Bangladesh est également riche en solutions fondées sur la nature et en savoirs autochtones. La culture bangladaise est imprégnée de méthodes et de pratiques qui permettent de prévoir et de s’attaquer aux phénomènes météorologiques extrêmes et à d’autres catastrophes, qui sont le résultat de siècles d’interaction humaine avec l’environnement et le climat locaux. 

Les termes « solutions fondées sur la nature » et « connaissances autochtones et locales » font référence à la sagesse, aux techniques, aux approches, aux compétences, aux pratiques, aux philosophies et au caractère unique des connaissances au sein d’une culture donnée. Ces idées et comportements sont développés par les communautés locales depuis de nombreuses années et reposent sur une compréhension intime de contextes uniques. 

Les connaissances autochtones et locales, en particulier, sont généralement transmises par le biais de traditions orales et pratiques. En matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets, où la résilience est nécessaire dans de multiples secteurs, les populations de différentes régions géographiques possèdent des connaissances différentes et mettent donc en pratique des compétences différentes. Par conséquent, à travers différentes zones climatiques sensibles, les communautés disposent d’un large éventail de méthodes et de techniques d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets.

Solutions fondées sur la nature et les connaissances autochtones pour la résilience de l’eau agricole

Le Bangladesh emploie depuis longtemps des méthodes et des outils autochtones pour la gestion de l’eau agricole. Ces pratiques jouent un rôle crucial dans l’irrigation, la lutte contre les inondations, la résilience face à la sécheresse et la gestion de la salinité, offrant des moyens durables et peu coûteux qui favorisent l’adaptation au changement climatique.

Gestion des inondations et de la sécheresse

Deux systèmes traditionnels largement empruntés sont le Jolpotti (également appelé Koloshi) et le Kuni. Le système Jolpotti achemine l’eau vers les cultures à l’aide de pots en terre cuite et de rubans de jute. Il s’agit d’une méthode efficace et résistante au climat, particulièrement adaptée aux cultures telles que les légumes potagers, les pastèques et les concombres. Quant au terme Kuni, il désigne de petits plans d’eau créés dans les rizières. Ces réservoirs stockent l’eau pour l’irrigation pendant les périodes sèches et abritent également des poissons, des canards et même du bétail, permettant ainsi un système agricole diversifié et durable.

Dans les régions sujettes à la sécheresse comme la zone de Barind, les agriculteurs font recours au Kunala (également connu sous le nom de Kulala ou Kulayla) pour conserver l’eau d’irrigation et protéger ainsi les cultures contre les nuisibles tels que les rats. Le paillage est une autre pratique courante qui consiste à recouvrir le sol de résidus de cultures ou de paille afin de réduire l’évaporation, de réguler la température du sol et de conserver l’humidité, ce qui est particulièrement efficace pour les pommes de terre et d’autres cultures sensibles à la chaleur. Les agriculteurs ont également recours à des puits pour puiser dans les nappes phréatiques lorsque les sources d’eau de surface s’assèchent.

Gestion de la salinité et des marées

Dans les zones touchées par la salinité, les agriculteurs appliquent des pratiques traditionnelles pour protéger les cultures et renforcer la résilience. Le kol consiste à créer des couloirs de boue en couches pour bloquer l’intrusion d’eau salée, tandis que le Chemot associe du bambou et de l’étain pour fabriquer des outils résistants à la rouille. Le Konkona consiste à creuser des fosses profondes pour recueillir l’eau de pluie afin de l’utiliser pour l’irrigation pendant les périodes de sécheresse, et le Kaite Bera sert de barrière contre les marées et les dommages causés par le bétail. Les systèmes Kuni intégrés combinent la culture du riz avec l’élevage de poissons, de canards et la culture de légumes, favorisant ainsi un écosystème agricole durable et diversifié.

Intégrer les pratiques indigènes dans l’agriculture moderne et la gestion des terres

Ces pratiques sont plus que des stratégies de survie ; ce sont des systèmes adaptatifs qui allient conservation de l’eau et sécurité alimentaire. En prévoyant les conditions météorologiques, en régulant l’humidité du sol et en prévenant les dommages causés aux cultures par la salinité, les méthodes indigènes renforcent la résilience des communautés face à la variabilité climatique.

Malgré leur efficacité prouvée, plusieurs de ces pratiques restent non documentées ou négligées au profit des technologies modernes. Ceci pourrait entrainer l’interruption de la transmission de connaissances précieuses entre les générations. En combinant les systèmes indigènes et les innovations modernes, le Bangladesh pourrait créer des systèmes agricoles plus solides et résistants au climat

Pour y parvenir, les décideurs politiques, les éducateurs et les communautés doivent documenter, promouvoir et intégrer les pratiques traditionnelles dans la planification de l’adaptation. Ce faisant, le Bangladesh peut s’appuyer sur son patrimoine culturel tout en dotant ses agriculteurs de solutions durables pour relever les défis croissants du changement climatique.

Il existe, bien sûr, des écarts entre les connaissances autochtones et scientifiques. Cela vient de différences de contexte et de philosophies sous-jacentes ; les connaissances scientifiques étant souvent considérées comme universelles, tandis que les connaissances autochtones sont généralement perçues comme spécifiques à une culture. Cela représente un défi en ce qui concerne l’intégration de ces types de connaissances, car les disparités de pouvoir, la marginalisation, l’absence de cadres communs et la tendance des méthodes scientifiques à sortir de leur contexte les données relatives aux solutions autochtones et fondées sur la nature créent des obstacles supplémentaires.

C’est en surmontant ces différences que l’on pourrait identifier des solutions globales et durables à des problèmes tels que le changement climatique, en encourageant des innovations culturellement pertinentes où les communautés rurales, autochtones et agraires – y compris au Bangladesh – seront engagées en tant que collaboratrices à part entière dans la recherche.s, en régulant l’humidité du sol et en prévenant les dommages causés aux cultures par la salinité, les méthodes indigènes renforcent la résilience des communautés face à la variabilité climatique.

Malgré leur efficacité prouvée, beaucoup de ces pratiques restent non documentées ou négligées au profit des technologies modernes. Le risque que cela pose est l’interruption de la transmission de connaissances précieuses entre les générations. En combinant les systèmes indigènes et les innovations modernes, le Bangladesh pourrait créer des systèmes agricoles plus solides et résistants au climat

Pour y parvenir, les décideurs politiques, les éducateurs et les communautés doivent documenter, promouvoir et intégrer les pratiques traditionnelles dans la planification de l’adaptation. Ce faisant, le Bangladesh peut s’appuyer sur son patrimoine culturel tout en dotant ses agriculteurs de solutions durables pour faire face aux défis croissants du changement climatique.

Il existe, bien sûr, des écarts entre les connaissances autochtones et scientifiques. Cela vient de différences de contexte et de philosophies sous-jacentes ; les connaissances scientifiques étant souvent considérées comme universelles, tandis que les connaissances autochtones sont généralement perçues comme spécifiques à une culture. Cela rend difficile l’intégration de ces types de connaissances, car les disparités de pouvoir, la marginalisation, l’absence de cadres communs et la tendance des méthodes scientifiques à sortir de leur contexte les données relatives aux solutions autochtones et fondées sur la nature créent des obstacles supplémentaires.

C’est en surmontant ces différences que l’on pourrait trouver des solutions globales et durables à des problèmes tels que le changement climatique, en encourageant des innovations culturellement pertinentes où les communautés rurales, autochtones et agraires – y compris au Bangladesh – seront engagées en tant que collaboratrices à part entière dans la recherche.

Muhammad Abdur Rahaman
Director, Center for People and Environ (CPE), Bangladesh & Research Scholar, Tripura University, India