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Taxes pour financer l’enseignement supérieur : leçons du TETFund au Nigéria

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Catherine Otayek

Le sous-financement a été un défi majeur dans le secteur de l’enseignement supérieur au Nigéria, dont le financement est principalement assuré par le gouvernement. En 2011, le Tertiary Education Trust Fund (TETFund) a été créé pour servir de fonds d’intervention parallèle, financé par une taxe de 2 % sur les bénéfices des entreprises enregistrées au Nigéria. L’impact positif massif du TETFund sur la qualité de l’enseignement, de l’apprentissage et de la recherche institutionnelle suggère qu’il s’agit d’un modèle de financement durable dont d’autres secteurs de l’éducation et d’autres pays en développement pourraient s’inspirer.

Imaginez que vous soyez étudiant dans une université publique et que votre formation soit interrompue pour une durée pouvant aller jusqu’à huit mois. C’est exactement ce qui s’est récemment passé au Nigéria lorsque l’Academic Staff Union of Universities (Syndicat du personnel académique des universités ou ASUU) a cessé ses activités du 14 février au 11 octobre 2022 en paralysant les activités académiques dans le système universitaire nigérian (SUN), en particulier dans les établissements publics d’enseignement supérieur (EES).

Le problème est récurrent : le pays a connu environ 15 semestres (66 mois) d’actions syndicales similaires depuis 1999, l’ASUU citant toujours le flagrant sous-financement du SUN comme l’une de ses principales motivations pour se mettre en grève.

Les défis du secteur de l’enseignement supérieur au Nigéria

Le Nigéria compte la plus grande population noire, tant en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde. Son secteur éducatif est subdivisé en trois niveaux : l’enseignement primaire (six ans), l’enseignement secondaire (six ans) et l’enseignement supérieur (au moins quatre ans). C’est ce que l’on appelle le système 6-3-3-4, puisque le niveau secondaire est lui-même subdivisé en deux niveaux, le premier et le second cycle, d’une durée de trois ans chacun.

Dans l’ensemble, tous les niveaux du secteur éducatif du pays souffrent d’une certaine forme de crise, notamment de la dégradation des infrastructures, des mauvaises conditions de service et d’une réglementation inadaptée, ainsi que des faibles taux d’alphabétisation et de scolarisation. Bien que le secteur de l’enseignement supérieur (qui comprend principalement des universités publiques, des écoles polytechniques, des collèges d’enseignement et des centres de formation professionnelle) soit essentiel au développement national, il est largement sous-financé depuis des années.

Les EES publics du Nigéria sont principalement financés par le gouvernement, ce qui est la norme dans la plupart des pays en développement. Des réformes clés ont été proposées pour récupérer et réaffecter les fonds publics, encourager les prêts étudiants et les bourses, ainsi que la microgestion et la privatisation des établissements publics d’enseignement supérieur. Cependant, le budget alloué au financement de l’enseignement supérieur au Nigéria est actuellement l’un des plus faibles au monde, avec seulement 5,4 % environ alloués à l’ensemble du secteur de l’éducation en 2022, contre 8,4 % en 2019, ce à quoi s’ajoute la diminution du nombre de professeurs par étudiant.

En conséquence, l’enseignement supérieur nigérian est perturbé par des actions syndicales permanentes, un enseignement et une recherche assez médiocres, des taux d’abandon élevés, la fuite des cerveaux, des délais d’obtention de diplômes trop longs et, dans certains cas, des diplômés de piètre qualité.

TETFund : Instrument de financement durable des EES et évaluation de l’impact

Pour relever certains des défis auxquels est confronté le secteur des EES au Nigéria, le Tertiary Education Trust Fund (TETFund) a été créé en 2011 pour imposer, gérer et administrer la taxe sur l’éducation afin de fournir un financement complémentaire aux EES publics.

Le TETFund – une ramification de l’Education Trust Fund (ETF), qui a été créé en 1993 – est un fonds d’intervention mis en place pour lutter contre le sous-financement des EES publics au Nigéria. Le fonds provient d’une taxe sur l’éducation de 2 % imposée aux entreprises nigérianes et canalisée par l’agence fédérale de collecte des impôts, le Federal Inland Revenue Service (FIRS).

Le mandat de financement du TETFund est triple – financement de projets, formation et développement du personnel, et recherche institutionnelle (institutional-based research ou IBR) – institué pour bénéficier à tous les établissements publics d’enseignement supérieur, que ce soit au niveau fédéral, étatique ou local.

Pendant plus d’une décennie (2011 à 2021), le TETFund a fait ses preuves en tant qu’instrument de financement durable dans le secteur de l’enseignement supérieur au Nigéria. Le fonds a dépensé plus de 2,5 trillions de nairas (5,6 milliards d’euros) depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, avec un taux de bénéficiaires de 50 %, ce qui signifie qu’il a pénétré jusqu’à la moitié de ses institutions bénéficiaires depuis 2011.

L’impact le plus important a été le développement des infrastructures, avec plus de 152 000 projets initiés dans divers établissements d’enseignement supérieur depuis 2011. Ces projets comprennent la construction d’amphithéâtres, de laboratoires, de résidences étudiantes, de bureaux et de routes.

Un autre impact important du TETFund sur le secteur de l’enseignement supérieur nigérian au cours de la dernière décennie est le développement des capacités. Dans le pays, 10 632 enseignants ont obtenu un doctorat, et 9 072 ont obtenu un master. Sur la même période, le Fonds a accordé des bourses à 4 485 professeurs pour qu’ils puissent obtenir leur doctorat et à 3 192 autres pour qu’ils décrochent un master, en dehors du Nigéria.

Conclusion

Le développement massif des infrastructures et des capacités humaines observé au cours de la dernière décennie grâce au TETFund, comme le montre la figure 1, est un indicateur de l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans les établissements d’enseignement supérieur fédéraux au Nigéria.

Étant donné que le TETFund est complémentaire par nature et ne constitue pas une structure de financement exclusive pour les EES publics au Nigéria, il est essentiel que d’autres parties prenantes, telles que le ministère compétent, fassent correspondre le quota du TETFund à une augmentation de la part des budgets statutaires. Cela permettra de réduire les mouvements de grève incessants, qui continuent d’entraver les progrès majeurs réalisés grâce au TETFund.

En outre, il est nécessaire de porter le taux de bénéficiaires du Fonds à 100 % afin que toutes les institutions publiques puissent en bénéficier de la même manière. En outre, les contributeurs au TETFund devraient s’engager davantage pour augmenter le taux de collecte tout en s’alignant sur les allocations institutionnelles croissantes du fonds.

Les établissements d’enseignement supérieur devraient également aligner leur recherche institutionnelle sur l’évolution des tendances de la recherche et des besoins de l’industrie. Cela encouragera les partenariats et les collaborations stratégiques et contribuera à générer des fonds complémentaires.

L’impôt sur le revenu de l’éducation, tel qu’illustré par le modèle TETFund, devrait être considéré comme un instrument de financement durable qui pourrait servir de catalyseur de la transformation à tous les niveaux du secteur de l’éducation dans les pays en développement, à condition qu’il continue d’être administré et géré efficacement.

Figure 1 : Projets d’infrastructure et de développement du personnel dans les EES publics du Nigéria financés par le TETFund (2011 à 2021)

Catherine Otayek
Blog Manager, GlobalDev