Dans les pays en développement, mobiliser les parents pour qu’ils s’impliquent davantage dans l’éducation de leurs enfants pourrait participer à améliorer l’enseignement et la gestion des écoles, ainsi qu’à améliorer les résultats des élèves, ce qui est l’objectif ultime. Cette article se penche sur la meilleure façon de parvenir à la responsabilisation, en s’appuyant notamment sur des exemples récents d’interventions politiques en Angola. Si les visites à domicile pour informer les parents peuvent accroître leur implication, elles n’ont aucun impact sur l’engagement à l’école, en revanche, les réunions de parents à l’école ont l’effet inverse. Après avoir mobilisé les parents, seule la conjugaison de ces initiatives permet d’améliorer l’enseignement et la gestion de l’école.
L’information et la mobilisation des parents peuvent améliorer la qualité de l’éducation grâce à la pression qu’elles imposent : en tant que bénéficiaires d’un service, les parents sont les mieux placés pour surveiller les écoles et il est dans leur intérêt de le faire. À cette fin, de nombreuses mesures ont été mises en œuvre dans les pays en développement ces dernières années. Celles-ci consistent généralement à donner aux parents des informations sur les résultats des écoles (ou des enfants) et/ou sur les moyens de participer au suivi plus large des enseignants ou du processus éducatif.
Les résultats de ces mesures sont mitigés, avec des impacts significatifs observés lorsque les parents peuvent transférer leurs enfants vers d’autres écoles, sont formés à organiser bénévolement des ateliers lecture en dehors de l’école, reçoivent des informations sur le détournement local de fonds dédiés aux écoles primaires ou se voient confier des responsabilités dans les conseils d’administration des écoles.
Alors que les enquêtes sur l’impact des informations tendent à constater des effets nuls (comme récemment au Kenya), il est difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de ce type de mesures, car les informations et la manière dont elles sont transmises varient considérablement d’une étude à l’autre.
En effet, l’ensemble des recherches sur les initiatives en faveur de la petite enfance, qui utilisent souvent des stratégies d’information et de mobilisation des parents, offre un certain nombre de résultats positifs (voir les résultats récents pour l’Inde).
En outre, une base de données réduite mais croissante sur les actions menées dans les pays développés pour accroître la participation des parents à l’éducation des enfants trouve des résultats encourageants. Parmi les exemples, on peut citer les réunions de parents d’élèves dans les collèges français des zones défavorisées, qui visent à apprendre aux parents comment aider leurs enfants à mieux réussir à l’école, les incitations financières offertes aux parents dans les écoles de Chicago pour qu’ils assistent aux réunions, et les informations incitant à de meilleures pratiques transmises par SMS à San Francisco.
Dans le cadre de travaux récents en Angola, nous avons évalué l’efficacité d’une action d’information et de mobilisation qui intègre la plupart des éléments des actions similaires précédemment mises en œuvre dans le secteur de l’éducation dans les pays en développement, tout en empruntant également des caractéristiques aux actions en faveur de la petite enfance.
Les parents d’écoles primaires choisies au hasard ont reçu des fiches d’évaluation comparant les performances de leur école en fonction de plusieurs paramètres – taux d’éducation et d’absence des enseignants, infrastructures et pratiques de gestion scolaires, ainsi que résultats des tests des élèves – par rapport aux autres écoles de la région.
En outre, on leur a présenté des bandes dessinées décrivant les comportements souhaitables des parents et des enfants à la maison et à l’école – une nouveauté de notre mission d’information (voir l’extrait de la figure 1). De plus, comme pour les programmes de développement de la petite enfance, cette action a été menée de la manière la plus intensive possible, c’est-à-dire par des interactions individuelles lors de visites mensuelles répétées à la maison pendant plus d’une année scolaire complète.
Figure 1 : Extrait de bandes dessinées (traduction anglaise)
Remarque : La version complète des bandes dessinées et la fiche d’évaluation sont disponibles sur le site web du projet.
Nous avons également voulu savoir si des résultats similaires pouvaient être obtenus en laissant les informations pertinentes émerger et circuler de manière endogène parmi les parents lors de réunions où aucune information externe n’est fournie. À cette fin, nous avons évalué une deuxième intervention de type Rencontres, menée dans un autre ensemble d’écoles sélectionnées au hasard, où nous avons organisé et facilité des réunions de parents où les participants étaient invités à faire part de leurs préoccupations concernant l’école de leurs enfants et à discuter ensemble des solutions possibles.
Enfin, dans une troisième action, nous avons mis en œuvre une combinaison des deux premières actions.
Nos résultats ne montrent pas d’amélioration des performances des élèves. Notre analyse des effets hétérogènes montre que les interventions ont effectivement amélioré les performances, mais seulement dans les écoles qui étaient globalement meilleures au départ, ce qui suggère qu’il faut peut-être plus de temps pour que les écoles moins performantes que la moyenne voient les changements de l’implication des parents (à la maison ou à l’école) se traduire par de meilleurs résultats scolaires.
Les effets limités sur l’apprentissage des élèves, en comparaison avec les résultats positifs de la mise en œuvre de bulletins scolaires au Pakistan, peuvent s’expliquer par la fragilité du marché de l’éducation dans les zones rurales de l’Angola. Les parents n’ont que peu de « second choix » à leur disposition, sans parler d’écoles privées, ce qui limite considérablement leur pouvoir de négociation.
Plus important, nous constatons que toutes les interventions ont été efficaces pour mobiliser les parents. Mais l’action Information n’a eu d’effet que sur la contribution des parents à la maison (par exemple, l’aide aux devoirs), tandis que l’action Réunions a permis d’accroître la participation des parents à l’école (via la présence de représentants au conseil d’administration).
Quant à l’action combinant l’information et les réunions de parents, elle a affecté les deux dimensions de la participation des parents, tout en améliorant les infrastructures et la gestion de l’école, la satisfaction des parents vis-à-vis des enseignants et l’attitude des enseignants envers les parents.
Nos résultats suggèrent que pour mobiliser les parents à l’école, l’information ne suffit pas, même si elle est très complète. Faciliter les réunions des parents semble nécessaire à cette fin, peut-être en raison de la nécessité pour les parents de développer des liens leur permettant de surmonter les problèmes d’action collective.
L’organisation de réunions de parents avec un programme ouvert peut suffire tout en étant beaucoup moins onéreuse à mettre en œuvre par rapport aux interventions de type « fiche d’évaluation ». Mais il semble nécessaire de combiner les réunions de parents avec une diffusion intensive de l’information pour améliorer la gestion des écoles et de l’enseignement.