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Une politique migratoire avisée dans un monde perturbé par le climat
Droits fondamentaux et égalité

Une politique migratoire avisée dans un monde perturbé par le climat

8 min

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GlobalDev Team

Des millions de personnes dans le monde entier risquent d’être contraintes à migrer en raison de l’élévation du niveau de la mer et d’autres effets des changements climatiques. Cette chronique plaide pour une action immédiate – non seulement pour faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, mais aussi pour se préparer à une « migration climatique » potentielle, afin que ceux qui doivent abandonner leurs foyers puissent « migrer dans la dignité » et pas en tant que réfugiés. Cela implique l’assouplissement des lois sur la migration de travail de manière à ce que les personnes concernées puissent émigrer avant que les pires scénarios ne se produisent, et la création d’un cadre mondial pour traiter les migrants climatiques équitablement et avec compassion.

Le ministre des finances jeta un coup d’œil sur ses collègues du Cabinet assis autour de la table. Tous les regards étaient fixés sur lui. Les principales banques centrales du monde avaient prévenu qu’une crise financière mondiale était imminente. Le premier ministre avait convoqué cette réunion du Cabinet pour discuter des mesures à prendre afin de réduire au minimum le préjudice économique potentiel. Le ministre des finances se racla la gorge et dit : « Étant donné que nous ne pouvons pas être certains du déroulement de cette crise financière, je propose de ne rien faire pour l’instant. Nous devrions attendre que le pire se soit produit, ensuite, nous ferons de notre mieux pour nous en sortir. » Tout le monde acquiesça d’un signe de tête et quitta la séance pour le thé.

Cette scène vous semble absurde ? Elle devrait. Il s’agit évidemment d’une fiction. Les ministres des finances de Washington à Wellington et de Londres à Lima n’attendent jamais une information parfaite sur l’avenir avant d’établir des politiques financières ou monétaires. Ils prennent leurs décisions en utilisant les meilleures prévisions, estimations et données dont ils disposent, reconnaissant que l’économie est une science imparfaite et que l’on ne peut jamais être certains de ce que l’avenir réserve. Leur objectif est de réduire leur exposition aux pires risques et de maximiser leur potentiel de croissance en cas d’opportunités.

Nous disposons de bien meilleures données, de bien meilleurs scénarios et d’une plus grande certitude sur les futures migrations climatiques que les meilleurs économistes du monde ne pourraient jamais fournir sur les tendances économiques futures. Alors, pourquoi la plupart des gouvernements choisissent-ils de ne rien faire face au risque très réel et croissant du déplacement de millions de personnes dans le monde pour des raisons climatiques d’ici quelques décennies ?

Après avoir travaillé pendant une douzaine d’années dans la diplomatie, et un nombre égal d’années en tant que professeur menant des recherches sur la migration climatique, je suis de plus en plus convaincu que la réponse à cette question est que la migration climatique est un problème qui n’a pas de solution facile. Tant que le pire n’est toujours pas arrivé, les élus préfèrent boire du thé et espérer le meilleur.

Pour ceux d’entre vous qui préfèrent sauter le thé et s’attaquer de front au défi de la migration climatique, voici un bref résumé de ce que nous savons déjà sur la migration climatique, et les prochaines étapes les plus logiques à franchir pour les décideurs politiques aux niveaux national et international.

Commençons par des faits simples, faciles à démontrer et à mesurer. La consommation indiscriminée des combustibles fossiles et le défrichement des forêts ont provoqué une accumulation dangereuse de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, à un rythme qui s’accélère rapidement (GIEC, 2013). Cela a provoqué un réchauffement des températures moyennes sur la surface de la Terre. Et cela entraîne à son tour une sécheresse accrue dans les régions continentales, une expansion thermique de l’eau de mer et la fonte des calottes glaciaires.

Nous pouvons vérifier en ligne le niveau exact de dioxyde de carbone atmosphérique à n’importe quel moment (406,75 ppm au moment de la rédaction de cette chronique) et nous connaissons le taux moyen actuel d’augmentation du niveau de la mer (un peu plus de 3 mm par an, un taux en accélération – GIEC, 2014). Nous savons également que le réchauffement des températures à la surface de la mer crée des cyclones avec des vitesses de vent plus élevées (Knutson et al., 2010) et que la fréquence et la gravité des sécheresses en Afrique sahélienne étaient beaucoup plus élevées au cours des 50 dernières années que durant les 50 années précédentes en raison de l’impact humain sur l’atmosphère (Held et al., 2005).

Nous savons également que sans une action immédiate pour inverser les facteurs sous-jacents du changement climatique, les impacts physiques s’accéléreront et deviendront bien pires au cours des 50 prochaines années si nous sommes chanceux, et des 20 prochaines années si nous ne le sommes pas (GIEC, 2013). La seule véritable incertitude est de savoir si, tôt ou tard, les gens prendront ces risques au sérieux et commenceront à transiter vers une économie sobre en carbone. Pour le moment, il semble que ce sera plutôt tard, beaucoup plus tard, et peut-être même trop tard.

Nous connaissons également avec une grande certitude les endroits les plus exposés aux pires impacts du changement climatique, le nombre de personnes qui y vivent actuellement et le nombre de personnes qui y vivront lorsque les pires impacts se feront ressentir. Plus de 600 millions de personnes vivent actuellement à moins de 10 mètres au-dessus du niveau de la mer et sont donc potentiellement exposées aux risques côtiers, dont les trois quarts habitent en Asie, la plupart vivant dans les deltas des grands fleuves (McGranahan et al., 2007). Une élévation d’un mètre du niveau de la mer déplacerait plus de 50 millions de personnes dans les pays en développement (Dasgupta et al., 2009).

Nous pouvons être encore plus précis et tenir compte des migrations futures et des tendances démographiques. Par exemple, en 2030, 9,9 millions de personnes vivront dans les comtés du sud-est de la Floride, ce qui entraînerait une inondation partielle et un risque élevé de dommages causés par les ondes de tempête en raison d’une élévation même modeste (moins de 14 cm) du niveau de la mer (Curtis et Schneider, 2011).

Au fur et à mesure que les effets des changements climatiques s’accroîtront, les gens se déplaceront. Ils se déplacent déjà à divers endroits, notamment dans des communautés côtières de l’Alaska et du Bangladesh, sur de petites îles comme les Carteret et dans des régions d’Afrique sahélienne, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud exposées à la sécheresse et aux pénuries d’eau. Leur nombre est encore petit, mais ce n’est que le début. Beaucoup d’entre eux n’attendront pas que leurs maisons soient sous l’eau ou que leurs récoltes soient à nouveau mauvaises. Contrairement aux politiciens, ils n’attendent pas que le pire se produise avant d’agir. Ils s’adapteront en migrant vers des lieux moins exposés.

Sachant que cet avenir est proche, que pouvons-nous faire maintenant ?

Premièrement, nous devons faire une transition vers une économie à faibles émissions de carbone le plus rapidement possible. Plus vite nous le ferons, moins les étapes suivantes seront nécessaires.

Deuxièmement, nous devons non seulement atteindre le plus rapidement possible les objectifs de développement durable des Nations Unies, mais aussi les dépasser le plus possible, en particulier dans les pays et régions les plus exposés aux effets immédiats des changements climatiques. Des décennies de recherche sur les risques naturels ont montré que les personnes et les lieux qui disposent des moyens financiers et techniques nécessaires pour s’adapter à l’avance subissent moins de dommages et se rétablissent plus rapidement en cas de catastrophe. Il en va de même pour la migration climatique : les endroits qui ont une plus grande capacité d’adaptation sont moins susceptibles de connaître des déplacements à grande échelle et des migrations de détresse.

Troisièmement – et j’emprunte cette recommandation à Anote Tong, l’ancien président de Kiribati, un pays menacé par l’élévation du niveau de la mer – les personnes qui vivent actuellement dans des endroits qui devront être abandonnés devraient être autorisées à « émigrer dans la dignité » et pas en tant que réfugiés. Dans la pratique, cela signifie qu’il faut assouplir les lois internationales sur la migration de la main-d’œuvre afin que les gens puissent migrer avant que le pire ne se produise. Ils doivent être en mesure d’envoyer de l’argent chez eux pour aider à construire une infrastructure physique et sociale, et d’acquérir des compétences et une éducation qui les rendent employables et désirables dans les endroits où ils pourraient éventuellement avoir besoin de se réinstaller. Cela ne nécessite pas de nouvelles conventions ou de nouveaux traités internationaux ; des arrangements bilatéraux simples peuvent facilement être conclus.

Quatrièmement, nous devons modifier un accord international existant – ou en négocier un nouveau – afin de créer un cadre mondial pour traiter les migrants climatiques d’une manière équitable et compatissante. L’adaptation d’un accord existant sera sans doute plus facile, et l’article 50 de l’Accord de Paris permet de le faire grâce à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Nous devons commencer à avancer plus rapidement sur cette voie.

Cinquièmement, et enfin, les gouvernements doivent cesser de traiter les migrants internationaux comme des menaces potentielles à la souveraineté et à la sécurité, et accepter le fait qu’ils sont simplement des gens ordinaires qui cherchent la sécurité et une vie décente pour eux et leurs familles. Les recherches montrent que lorsque les migrants climatiques ont la possibilité de s’intégrer dans les communautés de destination, ils réussissent généralement à le faire sans nuire aux personnes qui y vivent déjà.

Si les gouvernements ne sont pas disposés à aider activement les migrants, ils devraient au mois libérer la voie aux organisations et membres de la société civile qui sont disposés et capables d’aider. Mariana Flores Castillo abordera ce point explicitement dans sa contribution à ce forum sur les expériences négatives des communautés de transit mexicaines ; de nombreux autres gouvernements du monde entier affichent une hostilité similaire envers les migrants. De telles attitudes doivent changer si nous voulons naviguer dans l’avenir, qui par notre faute, sera perturbé par le climat.

 

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GlobalDev Editorial Team