Droits fondamentaux et égalité

Intégrer les personnes handicapées à la transition vers la quatrième révolution industrielle en Afrique

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Elizabeth Naududu

En Afrique, la quatrième révolution industrielle (4IR) menace d’exclure encore davantage les personnes handicapées du marché de l’emploi. Cet article se penche sur la possibilité d’une transition équitable vers la 4IR en Afrique, qui tienne compte des besoins des personnes handicapées dans un environnement de travail high-tech et en constante évolution.

Qu’est-ce que la 4IR ?

Sous l’impulsion des pays développées, le monde s’est déjà engagé dans la quatrième révolution industrielle (4IR). La 4IR désigne une ère d’industrialisation caractérisée par la numérisation du secteur manufacturier.

Les principales caractéristiques de la 4IR sont l’intelligence artificielle (IA), le big data, l’internet des objets (IdO), la technologie blockchain, l’interaction homme-machine, la réalité virtuelle, l’impression 3D et la robotique.

Bien que considérée comme perturbatrice, la 4IR a profité aux principales économies mondiales. Elle a favorisé l’efficacité et la qualité de la production et considérablement réduit les coûts de production.

En Afrique, certains pays ont commencé à s’intéresser à la 4IR. Par exemple, l’Afrique du Sud introduit l’IA et l’impression 3D dans la médecine, l’IdO dans la fourniture de biens aux consommateurs et la technologie des drones pour livrer des médicaments dans les zones difficiles.

L’influence de 4IR sur les personnes handicapées sur le lieu de travail

Les technologies de la 4IR affectent le monde du travail de plusieurs manières :

  • la création d’emplois, en raison du développement de nouvelles niches de marché, telles que le commerce électronique.
  • la suppression/substitution d’emplois, en raison des pratiques d’automatisation qui pourraient rendre obsolètes les postes peu ou moyennement qualifiés à mesure que les machines prennent en charge des tâches qui étaient auparavant effectuées par des êtres humains.
  • la redéfinition/transformation des emplois, où de nouveaux styles de travail, tels que le télétravail, sont adoptés.

En Afrique, beaucoup de travailleurs fournissent une main-d’œuvre bon marché tout au long de la chaîne de valeur industrielle et manufacturière. Ces travailleurs risquent d’être très affectés par la 4IR, et plus encore les personnes handicapées qui sont déjà confrontées à des taux de chômage plus élevés.

La 4IR peut aussi créer un fossé entre les personnes hautement qualifiées et celles qui ne le sont pas. Il est également à noter que les personnes handicapées africaines sont plus susceptibles que les personnes valides d’offrir une main-d’œuvre non qualifiée, d’être à leur compte dans le cadre d’un emploi informel ou d’occuper un emploi formel à temps partiel. Par conséquent, elles ne possèdent pas les compétences avancées nécessaires à l’ère de la 4IR et les recherches montrent qu’elles peuvent facilement être évincées de l’emploi car moins compétitives. Il s’agit là d’un enjeu crucial, car plus de 80 millions de personnes en Afrique sont considérées handicapées pour des problèmes de santé mentale, des malformations congénitales, des maladies ou des déficiences physiques.

Les personnes handicapées africaines n’ont pas encore forcément réalisé qu’elles peuvent contribuer à la 4IR grâce à des compétences et des talents tels que la pensée critique, la créativité, l’intelligence émotionnelle et la flexibilité cognitive. Ces compétences peuvent également être utilisées dans un environnement de travail à distance, un domaine qui n’a pas été pleinement exploré par ce groupe. Cela les empêche par conséquent de s’engager dans un emploi en lien avec la 4IR.

Bien qu’un certain nombre de pays africains, comme le Kenya, le Ghana, l’Afrique du Sud et l’Égypte, aient développé et produit des technologies et des dispositifs d’assistance, ceux-ci sont souvent trop chers pour les personnes handicapées. Il est donc difficile pour ces dernières de bénéficier des technologies de la 4IR qui pourraient les aider sur leur lieu de travail. Les employeurs engagés dans la 4IR ont également peu de connaissances sur la manière de travailler avec les personnes handicapées, ce qui les empêche de contribuer de manière significative à la transition vers la 4IR.

Explorer le potentiel de la 4IR pour les personnes handicapée

Les chercheurs ont souligné que le manque de données sur les personnes handicapées en Afrique complique la formulation de politiques inclusives liées à la 4IR qui répondraient à leurs besoins. Il est donc nécessaire d’approfondir les recherches et de collecter des données sur les besoins spécifiques des personnes handicapées sur le lieu de travail. Cela permettra d’identifier leurs forces, leurs faiblesses et les opportunités de changement qui pourront être explorées afin d’éclairer les politiques liées à la 4IR et de faire progresser les technologies de la 4IR qui sont inclusives par nature.

Les talents des personnes handicapées, tels que la créativité, la pensée critique et l’intelligence émotionnelle, peuvent être exploités pour leur permettre d’obtenir et de conserver un emploi dans le monde de la 4IR. Ces compétences sont importantes pour une transition réussie. Il est également important d’éduquer et de responsabiliser les personnes handicapées quant à leur potentiel et aux technologies qui peuvent leur permettre d’assumer des rôles compétitifs sur le marché du travail, compte tenu des changements apportés par la 4IR.

Aider les personnes handicapées à adopter le télétravail leur permettra de bénéficier d’horaires de travail flexibles qui leur donneront les moyens de mettre en pratique leurs compétences particulières et de développer leurs points forts. Le travail à distance leur permettra également de s’acquitter confortablement de leurs tâches sans avoir à se rendre au bureau. Ceci est particulièrement important en Afrique où les entreprises de transport public ont mis en œuvre des stratégies minimales pour répondre aux besoins des personnes handicapées.

Des applications et des dispositifs d’assistance abordables favoriseront l’intégration des personnes handicapées sur le lieu de travail à l’ère de la 4IR. Les partenariats public-privé pour l’achat de ces technologies et dispositifs les rendront plus accessibles. Dans la mesure du possible, tous les employeurs devraient se procurer des technologies d’assistance pour garantir l’intégration et l’équité sur le lieu de travail.

Enfin, il est conseillé aux employeurs qui mettent en œuvre la 4IR de formuler des processus internes, des règlements et des lignes directrices sur la manière de travailler avec les personnes handicapées dans le contexte de la numérisation des lieux de travail. Cela améliorera leur intégration au sein des entreprises engagées dans la 4IR.

Elizabeth Naududu
Diplômée, Université de Nairobi