Les efforts visant à lutter contre le déclin de la biodiversité sont essentiels dans les villes, où les gens affluent de plus en plus en quête d’une vie meilleure. Les « solutions fondées sur la nature » permettent de préserver la nature dans les environnements urbains, tout en luttant contre la pollution, le changement climatique, la pauvreté et les inégalités. Mais comme l’ont expliqué les intervenants de la Conférence mondiale sur le développement 2023, ces solutions doivent être solidement intégrées dans les politiques publiques, les pratiques commerciales et les discussions de la société civile.
« Dans un monde où les villes se développent et s’étendent à un rythme sans précédent, il devient de plus en plus évident que nous devons faire des investissements stratégiques dans l’urbanisation verte pour assurer un avenir durable… Pour que nos villes restent saines, propres et prospères, la biodiversité doit être une priorité et les financements doivent suivre. »
Tels sont les mots de David Cooper, secrétaire exécutif par intérim de la Convention sur la diversité biologique, à l’occasion de la Journée mondiale des villes en octobre 2023. Son appel à l’action a coïncidé avec sa participation à la conférence 2023 du Global Development Network (GDN) à Quito, en Équateur, où des chercheuses et des chercheurs, des responsables politiques et des praticien(ne)s de divers horizons ont discuté de la menace que la perte de la variété et de l’abondance des espèces et des écosystèmes fait peser sur le développement durable. Le potentiel du cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, qui vise à promouvoir des actions permettant de protéger 30 % des terres, des océans, des zones côtières et des eaux intérieures de la planète d’ici à 2030 et de parvenir à « un monde en harmonie avec la nature d’ici 2050 » a été au centre de l’attention lors de cet événement.
Dans le contexte des environnements urbains, dans lesquels deux tiers de la population mondiale vivront probablement d’ici le milieu du siècle, la clé de la réalisation de ce dernier objectif réside dans les « solutions fondées sur la nature ». Ces éléments de l’infrastructure verte peuvent comprendre des arbres, des plantes, des zones humides, des parcs et des espaces ouverts qui produisent de l’oxygène, absorbent le carbone, atténuent la pollution de l’air, absorbent les précipitations et fournissent un habitat à la faune et à la flore. En général, ils favorisent à la fois un environnement sain et le bien-être des habitants.
Cet article présente les principaux enseignements politiques tirés de la conférence du GDN sur la manière d’intégrer les solutions basées sur la nature dans la vie quotidienne et dans nos villes pour un avenir plus durable.
Avenirs urbains
L’importance de la préservation des espèces et des écosystèmes ne concerne pas seulement les océans et les forêts tropicales. Lors de la séance plénière d’ouverture de la conférence, Thomas Elmqvist, de l’université de Stockholm, a fait état d’un consensus émergent : dans notre « siècle urbain », la santé de la Terre dépend de la coexistence des villes en croissance rapide et du monde naturel.
L’une des stratégies permettant de guider les villes vers l’objectif de conservation de la nature au bénéfice de la biodiversité et du bien-être humain consiste à faciliter un processus de planification fondé sur des visions positives des systèmes urbains parmi les parties prenantes. Elmquist a décrit le Urban Nature Futures Framework, qui permet d’élaborer des visions et des scénarios alternatifs pour la gestion de la nature dans les villes, sur la base de trois ensembles de valeurs.
Tout d’abord, il y a « la nature urbaine pour la nature ». Elle repose sur les valeurs intrinsèques de la biodiversité et soutient, par exemple, le repeuplement des parcs urbains par des espèces indigènes. Ensuite, il y a la « nature urbaine pour la société », qui repose sur les valeurs utilitaires de ce qui est le mieux pour le bien-être humain et qui encourage les solutions naturelles, telles que les infrastructures vertes, les toits verts et les zones humides artificielles pour améliorer le climat, la qualité de l’air et de l’eau, ainsi que le bien-être physique et mental. Enfin, il y a « la nature urbaine en tant que culture ». Fondée sur des valeurs relationnelles – les valeurs des interactions entre les personnes et la nature, ainsi qu’entre les individus dans la société – elle se manifeste dans les parcs, les jardins botaniques et l’agriculture urbaine, et est célébrée par des festivals et des œuvres d’art.
Intégrer la biodiversité dans le développement durable
Plusieurs sessions de la conférence du GDN ont mis l’accent sur la nécessité d’élargir les discussions sur les valeurs et les avantages de la nature à un public aussi large que possible et à tous les niveaux de la société, du local au mondial. Gabriel Quijandría, de l’Union internationale pour la conservation de la nature, a expliqué qu’une telle « intégration » de la biodiversité signifiait la prise en compte des considérations relatives à la biodiversité dans les processus décisionnels et les politiques dans des domaines clés tels que la réduction de la pauvreté, l’atténuation du changement climatique, le commerce et la coopération internationale. Elle s’applique également aux plans sectoriels dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, de la sylviculture, de l’exploitation minière, de l’énergie, du tourisme et des transports.
Mais comme l’ont reconnu plusieurs participant(e)s, l’intégration de la biodiversité dans ces différents secteurs est une tâche complexe et exigeante. Elle peut consister à parler aux communautés locales de l’importance des dauphins de rivière dans les chaînes alimentaires et les écosystèmes d’eau douce de l’Équateur – comme l’a décrit Jessica Pacheco du WWF-Équateur – ou à persuader les investisseurs internationaux des avantages d’investir dans des obligations, des fonds fiduciaires et d’autres instruments financiers en faveur de la conservation – comme l’a expliqué Camilo Santa, de la Banque interaméricaine de développement.
L’OCDE a élaboré un « plan d’action » sur l’intégration des questions de biodiversité, dont le message central est que les gouvernements doivent « établir un dossier social et commercial solide ». Cela suppose une évaluation nationale des services écosystémiques et de l’ensemble de leurs avantages sociaux, y compris des valeurs monétaires, lorsque cela est possible, ainsi que de créer une base de données sur les facteurs, les pressions et l’état de la biodiversité. Le rapport recommande également d’élaborer des messages ciblés à l’intention des parties prenantes et de collaborer à l’identification de solutions, une idée qui a été reprise à maintes reprises au cours de la conférence.
Recherche, politique et éducation
Combler le fossé entre la recherche et la politique est un objectif central du GDN – et la conférence a donné lieu à de nombreuses discussions sur la manière d’y parvenir le plus efficacement possible dans les domaines de la crise de la biodiversité et du développement durable. Comme toujours, il est nécessaire d’intensifier la recherche. Les sciences naturelles doivent continuer à améliorer notre compréhension des écosystèmes et les sciences sociales doivent nous montrer comment le comportement humain, les structures sociales et les institutions influencent les efforts de conservation – ainsi que comment renforcer les capacités de recherche et l’impact politique dans les pays à faibles et moyens revenus.
L’ensemble des participant(e)s s’accordent à dire qu’un immense effort d’éducation est nécessaire, non seulement auprès des étudiant(e)s et du grand public, mais aussi auprès des responsables politiques. Gabriel Quijandría a mis l’accent sur l’un des principaux défis que pose l’intégration de l’environnement et de la biodiversité dans les politiques publiques : « Lorsque vous discutez des propositions avec un cabinet de responsables du secteur public, personne ne s’oppose à l’idée de protéger la biodiversité. Le problème réside dans la mise en œuvre des propositions. L’idée de traiter la question est limitée par les budgets, la bureaucratie et la peur de changer les choses. »
Mais il y a un espoir de changement. Les paroles prononcées par Carolina Rosero Cordero, de Conservation International Équateur, lors de la séance plénière d’ouverture, constituent un appel à l’action : « Nous devons être ambitieux et dévoués, et collaborer avec tous les secteurs pour aborder les questions de biodiversité et de développement. Et nous devons tous travailler ensemble – organisations non gouvernementales, entreprises commerciales, universités, organisations de la société civile et gouvernements, tout en intégrant les populations et les communautés autochtones dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. »
La photographie accompagnant l’article et intitulée « Geoffroy’s Cats Fate » a été prise par Santiago Sainz-Trápaga. Elle a remporté la deuxième place générale et la première place dans la section sur la perte de biodiversité du concours photo organisé par le GDN en collaboration avec le WWF Équateur lors de la conférence 2023 du GDN sur la biodiversité et le développement.