De l’amélioration des prédictions météorologiques à la gestion intelligente des réseaux électriques, l’IA offre des solutions pertinentes pour relever certains défis de la transition énergétique, en particulier dans les pays en développement.
Dans un monde où la demande en énergie ne cesse de croître – la consommation mondiale d’électricité a augmenté de 2,5 % par an entre 2010 et 2019 (AIE, World Energy Outlook 2022) –, l’intelligence artificielle (IA) émerge comme un outil clé pour répondre à cette augmentation et optimiser l’exploitation des sources renouvelables. Ces technologies permettent non seulement de surmonter les obstacles liés à la variabilité des énergies renouvelables, mais aussi de rendre l’accès à l’énergie plus fiable et abordable dans les zones rurales.
Les pays en développement doivent relever un double défi dans leur transition énergétique : répondre à une demande croissante tout en limitant leur dépendance aux énergies fossiles, souvent coûteuses et polluantes. Par exemple, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande énergétique en Afrique devrait augmenter de 60% d’ici 2040 (AIE, Africa Energy Outlook 2022), tandis que le coût moyen du pétrole importé dans ces pays a atteint 80$ par baril en 2022 (AIE, World Energy Outlook 2023). Dans ce contexte, les énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien, apparaissent comme une solution clé, mais leur intégration demeure complexe en raison de leur intermittence et de la fragilité des infrastructures.
L’IA peut jouer un rôle clé en améliorant la gestion des énergies renouvelables, en optimisant leur production, leur stockage et leur distribution. D’après l’AIE, son utilisation pourrait accroître l’efficacité des réseaux électriques de 20 % en minimisant les pertes et en perfectionnant la répartition de l’électricité, favorisant ainsi une meilleure intégration de l’énergie solaire et éolienne aux infrastructures nationales. Grâce à ses capacités d’optimisation, l’IA constitue un outil stratégique pour allier expansion énergétique et transition durable.
L’IA pour prédire la production d’énergie renouvelable
L’un des principaux défis des énergies renouvelables est leur dépendance aux conditions naturelles, comme l’ensoleillement ou la force du vent. Par exemple, une journée nuageuse peut réduire considérablement la production d’énergie solaire, tandis qu’une absence de vent rend les éoliennes inefficaces. Pour surmonter cette variabilité, l’IA propose des modèles prédictifs capables d’anticiper ces fluctuations avec une grande précision.
Des études récentes montrent que les algorithmes de machine learning peuvent analyser simultanément des données historiques et des informations météorologiques en temps réel. Par exemple, en Afrique subsaharienne, où l’énergie solaire est abondante mais sous-exploitée, des projets pilotes utilisent l’IA pour prédire les périodes de fort ensoleillement et ajuster la production en conséquence. Un exemple concret est le projet pilote de Zagtouli au Burkina Faso, où une centrale solaire de 33 MW utilise des algorithmes d’IA pour optimiser la production en fonction des prévisions solaires. Ces prédictions permettent aux gestionnaires de réseaux électriques de mieux planifier la distribution d’énergie, réduisant ainsi les risques de pénurie ou de surplus.

L’IA pour la gestion des réseaux électriques (smart grids)
Dans les zones rurales des pays en développement, les réseaux électriques sont souvent fragiles et peu étendus. L’intégration des énergies renouvelables dans ces réseaux pose des défis techniques, notamment en raison de leur intermittence. C’est là que les smart grids (réseaux électriques intelligents) entrent en jeu. Ces systèmes utilisent l’IA pour optimiser la distribution d’énergie en temps réel, en fonction de la demande et de la production disponible.
Par exemple, en Inde, des projets de smart grids combinant énergie solaire et stockage par batterie ont été déployés dans des villages isolés. Un cas notable est le projet de micro-réseaux solaires dans l’État de l’Uttar Pradesh, où des systèmes alimentés par l’énergie solaire et gérés par l’IA ont été installés dans plus de 100 villages, fournissant une électricité fiable à environ 40 000 foyers et réduisant les pannes de 70 %. Grâce à l’IA, ces systèmes peuvent équilibrer la charge énergétique, éviter les pannes et garantir un approvisionnement stable. De plus, l’IA permet de connecter des micro-réseaux locaux à des sources d’énergie renouvelable, offrant une solution durable pour électrifier les zones rurales sans dépendre de coûteuses infrastructures centralisées.
La maintenance prédictive des infrastructures énergétiques
La maintenance des installations d’énergie renouvelable, comme les éoliennes ou les panneaux solaires, est souvent coûteuse et complexe, surtout dans les régions éloignées. L’IA propose une solution innovante : la maintenance prédictive. En analysant des données provenant de capteurs installés sur les équipements, les algorithmes d’IA peuvent détecter des anomalies et prédire les défaillances avant qu’elles ne surviennent.
Par exemple, une étude menée au Maroc (Unimagec, 2023) a montré que l’utilisation de l’IA pour surveiller les éoliennes a permis de réduire les coûts de maintenance de 20 % tout en augmentant la durée de vie des installations. Cette approche est particulièrement pertinente pour les pays en développement, où les ressources financières et techniques sont limitées. En évitant les pannes imprévues, l’IA contribue à rendre les énergies renouvelables plus fiables et économiquement viables.
L’intelligence artificielle n’est pas seulement une technologie d’avenir. C’est un outil essentiel pour relever les défis actuels de la transition énergétique. En améliorant la prédiction de la production d’énergie, en optimisant la gestion des réseaux électriques et en réduisant les coûts de maintenance, elle offre des solutions concrètes pour accélérer l’adoption des énergies renouvelables dans les pays en développement. Pour les décideurs politiques, investir dans ces technologies représente une opportunité supplémentaire pour favoriser un développement durable, améliorer l’accès à l’énergie et contribuer à la lutte contre le changement climatique.
Cependant, cet essor ne doit pas occulter l’empreinte énergétique et environnementale du déploiement de l’IA elle-même. Les datacenters, par exemple, consomment environ 2 % de l’électricité mondiale selon l’Agence internationale de l’énergie, nécessitant des métaux rares pour les équipements et une occupation au sol croissante. Une étude du Boston Consulting Group estime que l’IA pourrait réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 5 à 10 %, soit 2,6 à 5,3 gigatonnes de CO2 équivalent, mais cette économie doit être mise en balance avec les 460 TWh consommés annuellement par les centres de données en 2022, un chiffre en hausse avec l’essor de l’IA.
En intégrant l’IA dans leurs stratégies énergétiques, les gouvernements peuvent non seulement répondre aux besoins immédiats de leurs populations, mais aussi poser les bases d’un avenir plus résilient et respectueux de l’environnement, à condition de veiller à un équilibre entre les bénéfices escomptés et les coûts environnementaux induits. L’heure est venue de saisir cette opportunité et de faire de l’IA un pilier de la transition énergétique mondiale, tout en développant des approches sobres et durables pour limiter son propre impact écologique.