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Assurance climatique pour les agriculteurs sri-lankais : potentiel et modalités pratiques

5 min

by

Kanchana Wickramasinghe

Les agriculteurs et autres groupes particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique nécessitent des stratégies efficaces en matière de gestion des risques. Cet article présente le potentiel et les modalités pratiques de la mise en œuvre d’une assurance climatique pour les agriculteurs dans la zone aride du Sri Lanka. Des données récentes et précises sur les précipitations ainsi qu’un programme de formation pour les agriculteurs sur l’assurance climatique en général, et plus spécifiquement, sur l’assurance indexée sont essentiels à son succès.

 

Les communautés dont les moyens de subsistance dépendent des conditions climatiques sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. Les exploitants agricoles de la zone aride du Sri Lanka, par exemple, ont subi des perturbations considérables des régimes pluviométriques au cours de ces dernières années, ainsi qu’un accroissement du nombre de catastrophes naturelles. Leurs moyens de subsistance sont menacés par les cycles d’inondations et de sécheresses qui se sont succédés au cours des cinq dernières années.

Certes, les incertitudes sont inhérentes aux moyens de subsistance agricoles, mais les nouvelles tendances climatiques les aggravent, menaçant ainsi les pratiques agricoles traditionnelles du Sri Lanka. Cette situation requiert donc des stratégies efficaces de gestion des risques pour les exploitants agricoles – et un outil communément proposé est l’assurance basée sur des indices climatiques. Dans une  étude récente, son potentiel et ses modalités pratiques ont été examinés.

Obstacles

L’assurance climatique, sous forme d’assurance récoltes, existe depuis des décennies au Sri Lanka, principalement parce que c’est une obligation pour l’obtention de prêts agricoles auprès des institutions financières formelles. L’Office du développement agricole et agraire (Agriculture and Agrarian Development Board) est l’organisme qui s’occupe de l’assurance récoltes proposée par le gouvernement. Deux entreprises privées proposent également des produits d’assurance récoltes en combinaison avec des prêts agricoles accordés par leurs banques partenaires.

Les produits traditionnels d’assurance récoltes au Sri Lanka adoptent une approche fondée sur des indemnités, selon laquelle les indemnités d’assurance sont calculées sur la base de l’évaluation sur place des pertes résultant des catastrophes identifiées. L’évaluation sur place des pertes induit des coûts élevés en termes de temps et d’argent. Il existe également de nombreux problèmes de transparence pour les agriculteurs, ce qui entraîne une perte de confiance.

La quasi-totalité des problèmes liés à l’assurance fondée sur les indemnités est visible dans le contexte sri-lankais, y compris la sélection adverse et l’aléa moral. Ces problèmes pourraient entraîner de faibles niveaux de couverture de l’assurance récoltes au cours des années.

L’alternative est de passer à l’assurance basée sur des indices climatiques, qui fait usage d’un paramètre objectif tel que la pluviométrie qui est en étroite corrélation avec le rendement des cultures. Il est par conséquent possible de surmonter une série de problèmes avec l’assurance fondée sur les indemnités.

La faisabilité technique de l’assurance indexée

Nous avons conduit une série d’entretiens sur le terrain auprès d’exploitants agricoles sur les défis climatiques auxquels ils ont été confrontés au cours des deux ou trois dernières décennies. Nous avons été impressionnés par leur capacité à se remémorer les mauvaises années remontant jusqu’aux années 1980 et les difficultés spécifiques par lesquelles ils sont passés, en particulier à cause d’évènements induits par les changements climatiques.
La fréquence des mauvaises années a montré une tendance croissante, selon leurs souvenirs des dix dernières années.

 

Nous avons ensuite fait correspondre l’expérience des exploitants agricoles avec les données obtenues du Climate Hazards Group InfraRed Precipitation with Station (CHIRPS). Le CHIRPS est une base de données quasi mondiale sur les précipitations couvrant la période allant de 1981 à ce jour.

Les expériences des agriculteurs sri-lankais concernant les pluies, les inondations et les sécheresses au cours d’un mois donné pendant les mauvaises années sont directement comparables avec les anomalies de précipitations indiquées dans les cartes CHIRPS. Ce qui donne à penser que la mise en œuvre de l’assurance basée sur les indices climatiques au Sri Lanka est techniquement faisable.

Il est également encourageant de savoir qu’un prestataire privé d’assurance a testé l’assurance indexée pour les agriculteurs sri-lankais. De plus, les compagnies publiques d’assurance récoltes sont en train d’examiner la possibilité d’offrir une assurance indexée.

Perspective

La disponibilité de données récentes et précises est un facteur essentiel dans la mise en œuvre de l’assurance indexée. Les données de série chronologique sont essentielles pour la conception du produit d’assurance. Dans ce sens, la production des données et leur partage de façon efficace sont également importants.

La pluviométrie au Sri Lanka est généralement mesurée par le département de la météorologie. En outre, plusieurs institutions  mesurent les précipitations, y compris le département de l’irrigation et le département de l’agriculture. Cependant, le nombre de stations de mesure de précipitations est insuffisant pour mettre en œuvre une assurance indexée avec succès.

Des efforts ont été déployés pour installer des pluviomètres automatiques dans des zones sélectionnées qui devraient être aménagées ultérieurement. Il est également important d’établir un système de partage d’informations entre les organismes de production de données et les utilisateurs de données, y compris les prestataires d’assurance des risques climatiques.

Le virement de l’assurance basée sur l’indemnité vers l’assurance indexée nécessite des interventions efficaces sur le terrain. Les compagnies d’assurance publiques et privées doivent établir un bon programme de formation pour les agriculteurs sur l’assurance climatique en général, et plus spécifiquement, l’assurance indexée. Il est également primordial d’intégrer une participation significative de la communauté dans la conception et l’exécution de l’assurance.

 

Kanchana Wickramasinghe
Economist, Recipient of the Japanese Award for Outstanding Research on Development