La recherche pour le développement est indispensable pour faire progresser la réalisation des objectifs de développement durable, à condition de mettre en œuvre les meilleures pratiques pour éviter les potentiels effets pervers des financements et promouvoir leur efficacité.
De nombreux bailleurs financent des activités de recherche scientifique pour mieux répondre à leurs missions de développement et à leurs priorités stratégiques. Il s’agit d’améliorer l’efficacité et l’impact des projets financés et d’enrichir les politiques publiques grâce à une meilleure connaissance des contextes et des dynamiques sectorielles. L’AFD ne fait pas exception. Afin de disposer de résultats de recherche de qualité, contextualisés et ancrés dans les réalités locales, elle confie ces travaux à des chercheurs et institutions issus et basés dans ses pays et territoires d’intervention. Cette démarche est notamment théorisée dans un policy paper de l’AFD.
Bien que légitime, ce besoin de travaux de recherche « utiles » nécessite une attention particulière pour (i) concilier les agendas des bailleurs de fonds avec ceux des acteurs de la recherche qu’ils financent, (ii) dépasser un décalage potentiel de priorités avec les décideurs, (iii) équilibrer la répartition des rôles et responsabilités entre les partenaires de recherche.
Fort de son expérience et d’échanges avec ses pairs et partenaires, l’AFD a identifié des principes et des bonnes pratiques visant à améliorer ses modalités de financement de la recherche. Cette note présente les résultats de cette réflexion autour de 6 enjeux.
Enjeu 1 : Travailler avec la recherche sans la dénaturer, en évitant de transformer les chercheurs en « consultants experts ». Pour y parvenir, il est impératif de connaître les écosystèmes de recherche, mais aussi de sélectionner les équipes selon leurs compétences et les objectifs de recherche, sans imposer des contraintes méthodologiques et en veillant à co-construire les questions de recherche. Ainsi, l’AFD favorise les appels à propositions de recherche sur des thématiques larges. Le partage des droits de propriété intellectuelle revêt aussi une importance cruciale, car il permet aux chercheurs de poursuivre des objectifs académiques indépendamment des finalités de recherche appliquée.
Enjeu 2 : Promouvoir, lorsque possible, la cohérence entre les objectifs du bailleur et ceux des acteurs locaux. Plusieurs pratiques peuvent contribuer à cet effort, telles que l’intégration des parties prenantes locales au sein des comités de pilotage et l’attention portée à la diffusion des résultats auprès des communautés concernées et des parties prenantes. L’évaluation des impacts des projets de recherche sur les acteurs et les politiques publiques contribue à cette cohérence, comme illustré par le papier de recherche « Qu’attendre de la recherche pour éclairer l’action publique ? »
Enjeu 3 : Promouvoir des partenariats équitables, en permettant aux partenaires de former librement des équipes de recherche ou des consortiums sans obligation de partenariats Nord/Sud. Il s’agît également d’assurer l’équité dans la composition de ces collaborations (définition des rôles et responsabilités des différents membres, répartition équilibrée des ressources budgétaires) et d’encourager l’application des principes des chartes de partenariat équitable, telles que celles établies par l’UKCDR ou la Research Fairness Initiative.

Enjeu 4 : Diversifier les partenariats de recherche pour encourager des collaborations fructueuses, en intégrant notamment des institutions moins visibles ou moins connues. Afin de maximiser l’efficacité de ces collaborations, il est préférable de privilégier des partenariats avec des institutions de recherche plutôt qu’avec des individus, et d’identifier des porteurs de projets à fort potentiel de coordination au niveau national ou régional. Par ailleurs, il est conseillé d’éviter des approches basées sur des logiques d’abonnement (faire appel systématiquement aux mêmes partenaires sans explorer les alternatives possibles) et de simplifier les modalités de financement. Pour renforcer les capacités des équipes et garantir un soutien financier adéquat, le recours aux institutions intermédiaires spécialisées dans le financement et le renforcement des compétences en recherche peut s’avérer stratégique. C’est le cas du programme « Renforcement des capacités de recherche en Afrique Francophone » financé par l’AFD et mis en œuvre par le GND.
Enjeu 5 : Diffuser les résultats de la recherche à des publics divers, par des formats adaptés et accessibles. Pour cela, il est souhaitable de promouvoir l’Open Access et la publication des résultats sous licence ouverte Creative Commons (comme le fait l’AFD), tout en veillant à la protection de la recherche contre les risques de prédation. D’autres pratiques vertueuses consistent à financer les traductions nécessaires, partager les données et réseaux, et valoriser les partenaires du Sud dans les publications.
Enjeu 6 : Promouvoir des principes d’éthique, d’inclusion et de durabilité, en se fondant sur les recommandations et les principes directeurs fournis par les institutions partenaires, lorsqu’ils sont disponibles. Parmi les bonnes pratiques figurent la sensibilisation des équipes de recherche aux enjeux d’éthique, ou l’organisation d’activités de soutien collaboratif entre pairs. Ces initiatives renforcent la cohésion et favorisent un environnement inclusif au sein des équipes de recherche et encouragent les pratiques durables et éthiques.
La prise en compte de ces six enjeux favorise le financement d’une recherche utile aux mandats de développement des bailleurs, dans le respect des spécificités du monde de la recherche tout en promouvant des pratiques vertueuses de partenariat, d’alignement et d’appropriation locale. En cohérence avec ces principes, il est important de mettre en débat et de nourrir des discussions autour de ces enjeux pour continuer à enrichir ces pratiques.