Plus de 40 % de la population mondiale n’a pas d’accès à l’internet mobile, ce qui limite leur choix en matière d’opportunités d’emploi, de conseils de santé, de contenus éducatifs et de ressources gouvernementales. Pour que personne ne soit laissé pour compte dans notre monde de plus en plus connecté, nous devons comprendre les obstacles et les facteurs qui favorisent une véritable connectivité.
L’internet mobile offre des avantages économiques majeurs, réduit la pauvreté et transforme les conditions de vie. Cependant, 43 % de la population mondiale, soit 3,4 milliards de personnes, ne sont toujours pas connectées. Le problème n’est pas la disponibilité du haut débit puisque la plupart des personnes qui n’utilisent pas l’Internet mobile vivent dans des zones à haut débit mobile. Cet « écart d’utilisation » représente 38 % du monde, soit 3 milliards de personnes.
La connectivité varie énormément d’une région ou d’un pays à l’autre mais aussi au sein d’une même région ou d’un même pays. 95 % des personnes non connectées résident dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où les téléphones mobiles constituent la principale passerelle vers Internet. Dans cet article, j’analyse cinq facteurs qui expliquent l’écart d’utilisation de l’internet mobile afin d’aider à orienter les politiques qui visent à ce qu’un plus grand nombre de personnes puissent accéder au monde virtuel.
- L’accessibilité financière
Le caractère financièrement abordable des appareils compatibles et des forfaits de données est essentiel pour développer l’adoption de l’internet mobile dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Dans la plupart de ces pays, le coût des appareils mobiles et des données reste prohibitif, faisant de l’utilisation régulière de l’internet un luxe plutôt qu’une nécessité.
Un rapport récent sur l’état de la connectivité Internet mobile montre que 41 % des 129 pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas encore atteint l’objectif d’accessibilité de la Commission sur le haut débit, qui stipule que le haut débit d’entrée de gamme devrait coûter moins de 2 % du revenu national brut mensuel par habitant d’ici à 2025. On notera que plus de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne, qui représentent un quart de la population non connectée, n’ont pas atteint cet objectif d’accessibilité. Si l’on considère les 40 % les plus pauvres de la population, 66 % des pays à revenu faible ou intermédiaire n’ont pas atteint l’objectif.
Ce problème d’accessibilité est aggravé par le fait que les smartphones d’entrée de gamme, qui sont souvent la seule porte d’accès à l’internet mobile dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, restent financièrement inabordables pour beaucoup. Un appareil d’entrée de gamme coûte 16 % du revenu mensuel moyen dans les pays à revenu faible et intermédiaire, ce qui équivaut à 40 % du revenu pour les 40 % les plus pauvres. Pour les 20 % les plus pauvres, le coût atteint 55 % du revenu mensuel. En Afrique subsaharienne, un appareil d’entrée de gamme coûte 95 % du revenu mensuel moyen des 20 % les plus pauvres.
- Connaissances et compétences numériques
Les connaissances et les compétences numériques sont essentielles à la maîtrise de l’internet mobile. Environ un cinquième des adultes des pays à revenu faible ou intermédiaire ne connaissent pas l’internet mobile et ses avantages, y compris certains qui possèdent déjà un appareil mobile. Les personnes les plus susceptibles de rencontrer cet obstacle sont les femmes et les personnes vivant dans les zones rurales. Les inégalités structurelles affectent de manière disproportionnée l’accès de ces groupes à une éducation de qualité et aux possibilités d’acquérir des compétences numériques.
Sans compétences numériques essentielles, les gens ont du mal à naviguer sur les plateformes en ligne, ce qui limite leur accès aux informations et aux services essentiels. Les conseils en matière de santé, les contenus éducatifs et les ressources gouvernementales restent hors de leur portée. Cette fracture numérique exacerbe les inégalités existantes, car celles et ceux qui n’ont pas les compétences numériques n’ont pas accès aux opportunités d’emploi, au travail en freelance et aux marchés en ligne.
La participation civique diminue également, car la culture numérique permet aux citoyens et citoyennes de s’engager dans la vie du pays, d’accéder aux services gouvernementaux et de participer à la vie démocratique. En outre, l’apprentissage à distance repose largement sur les compétences numériques. Les étudiants qui ne possèdent pas ces compétences ont du mal à accéder aux ressources éducatives en ligne, ce qui perpétue les disparités en matière d’éducation.
- Pertinence perçue
Beaucoup de gens ne comprennent pas bien les avantages que représente l’internet mobile pour leur vie. Cette méconnaissance découle d’une seule question : est-ce qu’ils et elles considèrent le contenu, les applications ou les services Internet comme utiles sur le plan personnel ? Lorsque les individus ne perçoivent pas de pertinence personnelle, ils sont moins enclins à explorer et à utiliser le monde numérique.
Cette situation reflète également le sous-développement des écosystèmes numériques locaux qui manquent de contenu, de produits et de services adaptés aux besoins des utilisateurs. Par exemple, environ 52 % du contenu des sites web n’est disponible qu’en anglais, alors que seuls 20 % de la population mondiale parlent cette langue. En outre, à peine 9 % des visites de sites web par des internautes africains se font sur des sites web locaux. La plupart (88 %) des visites depuis l’Afrique se font vers des sites américains et européens.
L’indice de connectivité mobile souligne l’importance d’un contenu pertinent au niveau local. Il évalue les applications produites localement, le contenu dans les langues locales et les services de la vie quotidienne, tels que les actualités, le divertissement, la finance, le commerce électronique et les services publics. Les données montrent qu’il existe un lien étroit entre les contenus/services disponibles et pertinents et l’utilisation de l’internet mobile. L’Afrique subsaharienne est à la traîne en ce qui concerne l’accès au contenu local, ce qui montre la nécessité d’un paysage numérique plus inclusif. Les scores des pays vont de 9,5 au Sud-Soudan à 73,4 à l’île Maurice, un score plus élevé reflétant un contenu plus accessible et plus pertinent au niveau local.
- Sûreté et sécurité
Les préoccupations liées à la sécurité, telles que le harcèlement en ligne, la désinformation et la fraude, empêchent les gens d’avoir une expérience positive sur Internet. Les problèmes de sécurité sont très fréquents dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui sont confrontés aux défis de la cybersécurité tout en poursuivant des objectifs numériques. Le dernier rapport sur l’indice mondial de cybersécurité fait état de scores et de classements variables, reflétant des engagements différents en matière de sécurité et des domaines à améliorer dans ces pays. Parmi les principaux défis à relever figurent l’absence de cadres juridiques, de mesures techniques, de structures organisationnelles, d’initiatives de renforcement des capacités, telles que des programmes de formation, et de la coopération nécessaire pour faire face aux cyber-risques.
Les femmes sont touchées de manière disproportionnée, car elles sont plus susceptibles d’être victimes de harcèlement et d’abus en ligne comme hors ligne. En outre, les femmes ont souvent moins de connaissances et de confiance numériques, elles ont moins de contrôle sur leurs appareils et leurs données, et elles se heurtent à davantage de barrières sociales et culturelles pour accéder aux services en ligne. Cela crée de la peur, de la méfiance et de la gêne, ce qui les empêche d’exploiter pleinement les possibilités offertes par le numérique. L’Union internationale des télécommunications (UIT) estime que, dans le monde entier, les femmes ont 5 % de chances de moins que les hommes d’accéder à Internet. Cet écart de genre atteint 11 % dans les pays les moins développés.
- Accessibilité
Au-delà de la couverture, l’accès à l’internet mobile comporte plusieurs exigences. C’est l’infrastructure, comme l’électricité, qui permet l’accès, de même que les appareils et les réseaux d’agents pour l’achat de données. Dans de nombreux pays, une pièce d’identité officielle est essentielle pour l’enregistrement de la carte SIM.
L’accès à l’électricité permet d’utiliser les appareils mobiles, en particulier les smartphones qui consomment beaucoup d’énergie. En Afrique subsaharienne, à peine 50 % de la population a accès à l’électricité. Ce chiffre tombe à 30 % dans les communautés rurales. Par conséquent, les habitants et habitantes de ces régions doivent faire face à des difficultés et à des dépenses considérables pour atteindre les stations de recharge de leurs appareils.
Des réseaux d’agents vendent des cartes SIM, des appareils et des données dans leurs kiosques pour le compte d’entreprises de télécommunications. Ils forment également les clients aux compétences numériques, en particulier les premiers utilisateurs d’Internet. Mais les femmes peuvent rencontrer des difficultés pour accéder à ces espaces physiques en raison de facteurs tels que les normes sociales ou les préoccupations en matière de sécurité qui, en fin de compte, limitent leur liberté de mouvement et d’accès.
Dans 157 pays, l’identification formelle est une condition préalable à l’abonnement à un service de téléphonie mobile ou d’argent mobile, ce qui souligne le rôle essentiel de l’identification formelle dans l’inclusion numérique et financière. Cependant, environ 850 millions de personnes, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, ne disposent pas des pièces d’identité nécessaires pour accéder à ces services.
Conclusions
Le moment est venu de réévaluer l’inclusion numérique et de donner la priorité aux besoins des utilisateurs. Compte tenu des écarts persistants en matière de taux d’adoption, les décideurs politiques doivent redoubler d’efforts pour lever les obstacles à la connectivité mobile. Ceux-ci doivent être abordés de manière globale et collaborative. L’édification d’une société numérique inclusive ne se limite pas à un seul secteur et nécessite une action unifiée menée par des gouvernements proactifs. Ce n’est qu’en partageant la responsabilité d’accélérer le processus d’adoption que nous pourrons nous assurer que personne n’est laissé pour compte dans notre monde connecté.