Avec la fermeture des écoles dans de nombreux pays et l’obligation pour les enfants d’étudier à la maison, la pandémie mondiale a particulièrement perturbé l’éducation. Cet article revient sur les données issues d’évaluations à grande échelle des systèmes éducatifs pour mettre en lumière certains des défis éducatifs révélés par la crise du Covid-19. Entre autres : l’initiation des jeunes à l’informatique et l’accès aux appareils numériques depuis le domicile, les écoles comme lieux de soins et d’éducation, ainsi que la distribution de repas scolaires gratuits pour les élèves défavorisés.
Nous savons tous que l’éducation est un processus en constante évolution. Nous nous efforçons constamment de l’améliorer, de nous tenir au courant des changements dans la pédagogie, la technologie et la société.
L’éducation exige l’évaluation des élèves, mais aussi des systèmes – ainsi qu’une réflexion constante si l’on veut qu’elle reste pertinente. Les évaluations à grande échelle du type de celles réalisées par l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA) sont utiles pour les éducateurs et les décideurs politiques, car elles jouent un rôle essentiel dans l’écosystème éducatif mondial. Elles fournissent également des informations précieuses sur les progrès vers la réalisation de l’ODD 4 (assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie).
Comme dans presque tous les aspects de nos vies, la pandémie du Covid-19 provoque d’énormes perturbations dans l’éducation – y compris au niveau des évaluations à grande échelle réalisées dans les salles de classe. Mais, grâce aux données recueillies au fil des ans, nous ne sommes pas démunis. Nous avons à disposition une multitude d’informations qui nous permettent de voir comment les élèves, leurs enseignants et les écoles étaient préparés à cette crise. Nous connaissons les principales difficultés auxquelles ils seront confrontés et les questions auxquelles les décideurs politiques devront accorder une attention particulière lorsqu’ils planifieront la réouverture des écoles.
À l’IEA, l’une de nos premières tâches a consisté à nous repencher sur les questionnaires contextuels des études – pour voir quelles questions pourraient avoir une résonance particulière en ces temps étranges – et à consulter les rapports internationaux précédents pour voir dans quelle mesure le monde était préparé pour l’école à la maison.
Depuis la publication des résultats de l’étude internationale des compétences en littératie numérique et pensée informatique (ICILS) de l’IEA en novembre 2019, nous savons qu’il existe un lien étroit entre le milieu socio-économique d’un jeune et sa capacité à utiliser efficacement les technologies de l’information. La fermeture des écoles et le travail à domicile ont entraîné une analyse supplémentaire des données de l’ICILS, qui met en lumière la relation entre le statut socio-économique et la disponibilité des appareils numériques dans les foyers.
L’étude avait interrogé 46 000 élèves de 4e sur les appareils numériques auxquels ils avaient accès à la maison : ordinateurs portables et de bureau. L’analyse a montré que 24 % des élèves dont les parents avaient un emploi de statut supérieur avaient moins de deux ordinateurs portables ou de bureau à la maison, contre 41 % des élèves dont les parents avaient un statut professionnel inférieur. Cela suscite de sérieuses inquiétudes sur les possibilités réelles des élèves à avoir un accès suffisant à des appareils pour pouvoir étudier à la maison.
Concernant les écoles innovantes qui passent à l’enseignement en ligne, un autre aspect dont on ne parle pas est le suivant : nous savons maintenant grâce à l’ICILS que de nombreux jeunes – que beaucoup considèrent comme des « natifs du numérique » – ne sont tout simplement pas très instruits en informatique.
Les gens sont souvent choqués de constater que seuls 21 % des étudiants participant à l’ICILS se sont révélés être des utilisateurs d’ordinateur autonomes. Par exemple, 79 % des étudiants n’ont pas été en mesure de démontrer qu’ils pouvaient « évaluer la fiabilité des informations présentées sur un site Web participatif » ou « identifier les cas où le contenu publié sur Internet peut être biaisé en raison des directives de l’éditeur en matière de contenu ou des recettes publicitaires qui dirigent ledit contenu ». Ce sont des compétences essentielles à transmettre si nous voulons inciter une plus grande utilisation des ordinateurs à la maison.
La crise du Covid-19 a également montré que les écoles ne sont pas qu’un simple bâtiment où l’on enseigne, mais un lieu de soins et d’éducation. Nous nous sommes à nouveau penchés sur le questionnaire du dernier cycle de l’étude internationale de recherche en lecture scolaire (PIRLS) de l’IEA, qui demandait aux participants de CM1 (d’environ 10 ans) à quelle fréquence ils arrivaient à l’école en ayant faim.
Il est navrant de constater que plus d’un quart (26 %) des élèves déclarent avoir faim la plupart du temps et que, dans tous les pays, les élèves ayant faim obtiennent en moyenne de moins bons résultats que leurs camarades qui viennent rarement à l’école le ventre vide. Les résultats révèlent que près de 45 % des écoles dans 45 des systèmes éducatifs participant à l’étude fournissent des repas scolaires gratuits à certains de leurs élèves – un rôle qu’elles ne peuvent pas jouer lorsque leurs portes sont fermées.
Alors que nous surmontons la crise et que certaines écoles envisagent une réouverture progressive des salles de classe, les données de l’IEA, tirées cette fois de notre étude internationale sur l’évolution des acquis en mathématiques et en sciences (TIMSS), donnent un aperçu de la difficulté de cette tâche.
Parmi les questions posées aux enseignants, ils devaient dire dans quelle mesure ils étaient d’accord avec l’affirmation : « Il y a trop d’élèves dans la classe ». Parmi les enseignants des élèves de CM1, 62 % ont exprimé leur accord avec la déclaration, ainsi que 66 % des enseignants des élèves de 4e. Si les classes étaient déjà trop chargées avant la crise, cela posera certainement des problèmes aux écoles tentant de faire respecter une distance sociale à la réouverture.
Ce qui est devenu plus clair que jamais tout au long de la crise du Covid-19, c’est la valeur de la connaissance et des données. Les experts en santé publique ont fait pression pour obtenir des données sur les taux de virus à tester, non pas parce qu’ils pensent que cela guérira la maladie, mais pour qu’ils sachent à quoi ils sont confrontés et puissent planifier leurs réponses.
D’une certaine manière, les évaluations à grande échelle remplissent une fonction similaire. Elles mettent en lumière les nombreux et divers facteurs qui influencent la façon dont les jeunes peuvent apprendre et se développer. Sans ces connaissances, il sera difficile pour les systèmes éducatifs de sortir de cette crise non seulement intacts, mais meilleurs.