Dans les pays en développement, la hausse des températures et les catastrophes environnementales qui en découlent poussent les gens à quitter leur foyer. GlobalDev a publié une série d’articles sur le défi toujours plus grand que représente la migration climatique : son impact sur le travail, le bien-être et la sécurité alimentaire – et la nécessité d’une action politique urgente.
Dans la petite ville d’Avignon, dans le sud de la France, le ciel vire au rose orangé, teinté de gris. Je n’ai jamais vu un coucher de soleil aussi beau, et pourtant il est trop tôt pour que le soleil se couche. Alors que je traverse le pont dans la chaleur de l’été, avec le goût salé de ma sueur sur les lèvres, je tourne la tête à droite, puis à gauche : des deux côtés, d’énormes nuages de fumée se frayent un chemin dans le ciel.
Autour d’Avignon, les forêts brûlent. Alors que j’entre dans la ville, les cendres commencent à tomber du ciel comme de la neige. Mon estomac se noue : le changement climatique n’a jamais semblé aussi réel – ni aussi effrayant.
Alors qu’Avignon et de nombreuses autres villes du monde connaissent des températures record – obligeant certains à changer leurs habitudes estivales et d’autres à quitter leur maison – GlobalDev se concentre sur un sujet qui ne fait pas assez souvent la une des journaux : la migration climatique.
Les migrants climatiques désignent les personnes qui ont été contraintes de quitter leur foyer en raison de perturbations environnementales. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que, depuis 2008, environ 21,5 millions de personnes par an ont été déplacées de force en raison d’événements liés au climat – tels que des inondations, des tempêtes, des incendies de forêt ou des températures extrêmes. Ce chiffre ne devrait pas diminuer, et l’Institute for Economics and Peace (IEP) prévoit que 1,2 milliard de personnes pourraient être déplacées dans le monde d’ici 2050 en raison du changement climatique et des catastrophes naturelles. Voici ce que nos auteurs nous ont appris sur la migration climatique.
Dans son article intitulé Une politique migratoire avisée dans un monde perturbé par le climat, Robert McLeman explique que, bien que nous disposions de suffisamment de données pour pouvoir prévoir avec certitude l’avenir des migrations climatiques, la plupart des gouvernements choisissent de ne rien faire face au risque grandissant que représentent des millions de personnes migrant pour des raisons liées au climat.
Comme il l’explique, nous disposons des connaissances scientifiques nécessaires pour comprendre et prévoir les phénomènes que le changement climatique va provoquer, et nous connaissons également avec une grande certitude les endroits les plus exposés aux pires impacts du changement climatique, le nombre de personnes qui y vivent actuellement et le nombre de personnes qui y vivront lorsque les pires impacts se feront ressentir.
Nous savons également que « sans une action immédiate pour inverser les facteurs sous-jacents du changement climatique, les impacts physiques s’accéléreront et deviendront bien pires au cours des 50 prochaines années si nous sommes chanceux, et des 20 prochaines années si nous ne le sommes pas ». Pourtant, les gouvernements restent passifs.
McLeman appelle à une action immédiate et formule plusieurs recommandations. Avant tout, il exhorte les gouvernements à effectuer le plus vite possible la transition vers une économie à faible émission de carbone.
Il appelle également à assouplir les politiques migratoires afin de permettre aux personnes vivant dans des zones à haut risque de migrer dans la dignité. Les gouvernements devraient cesser de traiter les migrants comme des menaces potentielles à la souveraineté et à la sécurité, affirme-t-il : en effet, comme le montrent les recherches, les migrants environnementaux s’intègrent facilement dans leur pays d’accueil.
Dans leur article intitulé Élévation des températures : impact sur l’emploi et la migration dans les zones rurales du Mexique, Katrina Jessoe et ses collègues illustrent parfaitement les prévisions mentionnées par McLeman avec l’exemple du Mexique.
Le nombre de jours extrêmement chauds dans les régions rurales du pays est en augmentation, et cette tendance va se poursuivre. En analysant près de 30 ans de données d’enquêtes auprès de ménages représentatifs à l’échelle nationale, les auteurs constatent que la chaleur extrême réduit la probabilité de travail local dans de nombreuses régions du Mexique. En conséquence, certains travailleurs locaux, principalement des agriculteurs, ont émigré, soit vers les zones urbaines du pays, soit vers les États-Unis.
Les auteurs utilisent ces données pour projeter les changements dans l’emploi rural. Ils constatent que « scénario d’émissions modérées, on note une réduction de l’emploi au niveau local pouvant atteindre 1,4 % et une augmentation de la migration vers d’autres régions du Mexique et vers les États-Unis pouvant atteindre de 1,4 % et 0,25 %, respectivement ». Les ménages les plus pauvres souffriront le plus de ces changements car « leurs possibilités d’emploi local sont les plus sensibles à la chaleur extrême ».
Les ménages pauvres sont également les plus menacés dans les villes qui accueillent des migrants climatiques issus des zones rurales. Dans son article intitulé Sécurité alimentaire dans les mégapoles : migrations climatiques et systèmes alimentaires informels, Mohammad Moniruzzaman explique que la migration climatique entraîne une urbanisation croissante, qui accroît à son tour le risque d’insécurité alimentaire chez les populations urbaines pauvres.
Il cite l’exemple de la capitale du Bangladesh, Dhaka, qui accueille chaque année un demi-million de migrants en provenance des régions côtières et rurales. Ces déplacements, principalement causés par des événements météorologiques, déplacent le problème de l’insécurité alimentaire des zones rurales vers les zones urbaines.
Moniruzzaman explique qu’à Dhaka, les événements climatiques perturbent la chaîne d’approvisionnement alimentaire formelle. Ce sont les systèmes alimentaires informels, plus résilients, qui permettent à la ville de fonctionner en cas de catastrophe. En outre, les marchés informels sont plus accessibles et plus abordables pour les citadins pauvres : une étude montre qu’à Dhaka, « un citadin sur deux dépend de ces marchés informels pour son approvisionnement alimentaire ».
Moniruzzaman appelle les gouvernements des mégapoles comme Dhaka à considérer l’approvisionnement informel comme une partie de la solution pour réduire l’insécurité alimentaire et à les intégrer dans le système alimentaire urbain formel.
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Cet article a été initialement publié le 3 août 2022.