Dans un monde où plus de deux milliards de personnes n’ont toujours pas accès aux installations sanitaires de base, le changement climatique représente une contrainte supplémentaire, accentuant les vulnérabilités et les inégalités existantes en matière d’accès à l’assainissement. Cet article explique l’importance d’intégrer les questions liées au climat dans la planification des programmes d’assainissement durable pour tous, en présentant sept règles de bonne pratique.
Le changement climatique est clairement identifié comme une priorité absolue dans le secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH), comme en témoignent les engagements pris par les agences de développement mondiales, notamment le Sanitation and Water for All, l’UNICEF et WaterAid.
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Plus le temps passe et plus les installations sanitaires sont susceptibles d’être endommagées par des phénomènes climatiques de plus en plus extrêmes. Par exemple, les inondations et les fortes pluies endommagent les latrines et les rendent peu sûres : les allées inondées et boueuses rendent l’accès aux toilettes difficile pour les personnes âgées, handicapées et les femmes enceintes.
Par conséquent, les habitants des pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent être contraints de revenir à la défécation en plein air, notamment dans les zones rurales. Ajoutons aussi que les sécheresses et les contextes de pénurie d’eau peuvent entraîner une dégradation de l’hygiène, tels que le lavage des mains et la gestion de l’hygiène menstruelle.
Tenir compte des impacts du changement climatique dans les programmes d’assainissement en milieu rural peut sembler titanesque, surtout lorsqu’il est déjà si difficile de garantir que les plus défavorisés puissent accéder à des toilettes en toute sécurité et confortablement. Heureusement, les programmes d’assainissement sont déjà bien équipés pour faire face à ce genre de situation.
En nous appuyant sur un examen complet de la recherche sur l’adaptation des communautés, sur des entretiens avec des praticiens, sur les résultats de travaux antérieurs sur l’assainissement et l’hygiène et sur nos recherches récentes, nous proposons sept règles de bonnes pratiques.
Reconnaître que le changement climatique peut être intégré dans les programmes d’assainissement
La programmation et les services relatifs au changement climatique et à l’assainissement ne doivent pas nécessairement repartir de zéro ou constituer un nouvel effort distinct. La clé est de penser aux impacts climatiques dans le cadre des efforts actuels de programmation sur l’assainissement (tels que le traitement des chemins inondés vers les toilettes et les dommages causés aux latrines), de mobiliser les canaux établis et d’ajouter aux activités déjà en place (y compris la garantie de pratiques d’exploitation et d’entretien fréquentes, et le renforcement des capacités pour la modernisation des toilettes).
Faire confiance aux expériences des praticiens en termes d’engagement local
De nombreuses recommandations visant à faire face au changement climatique (telles que l’identification des personnes vulnérables, le renforcement de la capacité locale à affronter le problème, et la prise en compte des différentes expériences des chocs) sont déjà acceptées comme de bonnes pratiques de développement et de WASH. Il est important de reconnaître aussi que les praticiens traitent régulièrement les questions de risque (telles que le basculement ou le retour à la défécation en plein air, les dommages saisonniers aux infrastructures et la réduction des moyens de subsistance) pour assurer des résultats durables et équitables en matière d’assainissement et d’hygiène.
Ces experts s’intéressent déjà aux problèmes liés au climat, même s’ils formulent les questions différemment. En se basant sur les forces et les méthodes de travail existantes, ils pourront aborder les problèmes climatiques avec plus de confiance.
Valoriser et amplifier les connaissances et les expériences locales
Les perceptions locales du risque informent sur la manière dont les individus comprennent les impacts climatiques, et sur la manière dont ils appréhendent le problème, réagissent aux dangers climatiques et hiérarchisent leurs besoins. Il est essentiel de comprendre ces perceptions et de développer des relations solides avec les populations, les institutions et les parties prenantes locales.
Les actions sanitaires ont plus de chances d’être inclusives et équitables si elles reflètent les priorités et les souhaits des populations locales et si ces dernières s’en approprient la planification et la mise en œuvre.
Saisir les occasions de s’engager avec différents experts affrontant des situations similaires
L’apprentissage de pair à pair entre experts engagés dans des situations similaires (au sein d’un même secteur et entre les secteurs) est une source majeure de connaissances pratiques. Par exemple, ceux qui sont déjà impliqués dans la lutte contre le changement climatique dans les secteurs de l’eau, des moyens de subsistance et de l’agriculture peuvent être une grande source d’expérience et d’apprentissage pour les autres.
Ce processus peut également aider les praticiens à mieux appréhender les différents défis passés, présents et futurs et à établir des relations de travail en prévision d’efforts plus systématiques entre tous. Les réseaux existants peuvent être utilisés et de nouveaux réseaux peuvent être créés à différents niveaux, de manière formelle et informelle, pour collaborer, partager et apprendre des idées différentes – susceptibles d’être modifiées pour s’adapter aux contextes locaux.
Comprendre la différenciation entre les impacts et les réponses locales
Les risques climatiques affectent les individus et les communautés de différentes manières. Les réponses apportées varient donc en fonction de facteurs tels que la situation géographique, la saisonnalité, le type de maison et de latrines, les niveaux de revenus, le sexe, l’âge, la capacité de mobilité, etc.
Il est essentiel de faire l’effort de comprendre les impacts différentiels et de concevoir des initiatives pour répondre aux différents besoins.
Établir des relations locales et engager les parties prenantes au niveau régional et dans tous les secteurs
Une approche collaborative s’appuiera sur une variété de forces afin de consolider les efforts d’adaptation et de maintenir les résultats. En développant la confiance et des relations solides, les parties prenantes pourront se soutenir mutuellement et rester informées, tout en veillant à ce que les priorités et les besoins des communautés soient pris en compte et représentés dans les discussions et lors de la prise de décision.
Encourager et planifier des processus réguliers de réflexion et d’apprentissage
Les praticiens, les membres des communautés et les autres parties prenantes doivent engager régulièrement des réflexions et des évaluations des défis posés par les catastrophes climatiques sur l’utilisation et l’accès aux toilettes, ainsi que des moyens d’adaptation face à celles-ci.
Cette démarche doit se baser sur les efforts actuels et prendre en compte les différents compromis faits au moment de la prise de décision – par exemple, choisir entre une technologie durable mais coûteuse qui peut ne pas être facile à réparer et des latrines faites de matériaux facilement accessibles mais plus vulnérables face aux risques. De telles discussions peuvent contribuer à créer une culture de la flexibilité pour aider à minimiser les risques climatiques.