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La sécurité agricole : une composante essentielle du développement rural

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by

Julian Dyer

Dans les pays en développement, la productivité des petits exploitants agricoles est entravée par l’insécurité considérable à laquelle ils sont confrontés, tant en termes de régime foncier informel que de vol de récoltes. Cet article explore comment une meilleure protection facilite le développement agricole, en montrant que l’insécurité peut entraîner des déséquilibres dans l’utilisation des ressources productives. Le grand défi pour les décideurs politiques est de savoir comment réduire la précarité des petits exploitants afin d’accroître la productivité agricole.

Des travaux récents évaluant des initiatives de sécurité foncière évolutives, ainsi que la sécurité des exploitations agricoles contre le vol, suggèrent que la nécessité de protéger les terres et les cultures non sécurisées perturbe l’allocation des ressources agricoles.

Dans les lignes qui suivent, je vais expliquer comment la réduction de deux aspects de la vulnérabilité des petits exploitants agricoles – la fragilité du régime foncier et celle des cultures – leur permet de réduire le temps et les ressources qu’ils doivent consacrer à des activités improductives.

Les détails du contexte – en particulier les relations sociales des agriculteurs, leur accès aux opportunités économiques à l’extérieur de leur exploitation et leur accès aux marchés fonciers – sont essentiels pour comprendre comment les petits exploitants peuvent profiter des mesures visant à lutter contre l’insécurité.

Lutter contre l’insécurité foncière

Une évaluation du régime foncier au Ghana montre que l’enregistrement de revendications foncières informelles dans un cadre périurbain, avec des opportunités économiques en dehors de l’exploitation, ne conduit pas à une augmentation des investissements ou des emprunts agricoles. Au contraire, les ménages délaissent les propriétés foncières et réaffectent la main-d’œuvre à des activités économiques non agricoles, surtout lorsque le régime foncier dans lequel ils s’inscrivent est particulièrement vulnérable. De fait, la main-d’œuvre est en partie affectée à la prévention de l’expropriation des terres.

Or, une analyse de la formalisation des régimes fonciers – bien que le régime foncier soit garanti mais non négociable – révèle une augmentation des investissements dans les aménagements agricoles à long terme, tels que les cultures pérennes et la plantation d’arbres. Cela est particulièrement vrai pour les ménages dirigés par des femmes, qui ont généralement une sécurité foncière plus faible.

En ce qui concerne la réaffectation des ressources au sein de l’exploitation agricole entre les parcelles formalisées et celles qui restent informelles, l’étude montre que les ménages dirigés par des femmes sont plus susceptibles de laisser en jachère les parcelles dont la sécurité est assurée et de réaffecter la main-d’œuvre vers des parcelles relativement moins sûres. Les hommes, qui bénéficient d’une plus grande sécurité foncière, sont plus susceptibles de laisser en jachère les parcelles formalisées.

Ces études prouvent que la formalisation du régime foncier peut réduire avec succès l’un des deux aspects de la vulnérabilité dont souffrent les petits exploitants. En retour, cela affecte leur productivité en réduisant la nécessité d’affecter de la main-d’œuvre à la sécurisation des parcelles informelles.

L’impact dépend de l’accès aux marchés fonciers : lorsque les titres fonciers peuvent être transférés, la réaffectation entraîne une réduction de la production agricole et une augmentation de l’activité non agricole, tandis que la formalisation sans droits transférables entraîne une réaffectation de la main-d’œuvre de garde libérée des terres nouvellement sécurisées vers d’autres parcelles.

Lutte contre la vulnérabilité au vol et à l’incendie des récoltes

D’autres recherches montrent que la production agricole est encore perturbée par un aspect sécuritaire qui retient moins l’attention : la vulnérabilité des petits exploitants agricoles face au vol de leurs récoltes. Dans les pays en développement, ce type de vulnérabilité entraîne des coûts directs importants, les entreprises consacrant un montant non négligeable à un travail de surveillance improductif et les agriculteurs offrant des cadeaux à leurs voisins pour nouer des relations et décourager le vol.

La menace de vol peut également influencer d’autres décisions de production. Des travaux qualitatifs indiquent que les criminels cibleraient certaines denrées plus que d’autres, et notamment les cultures de grande valeur ou peu courantes. En outre, on considère que le fait de s’éloigner de l’exploitation agricole augmente le risque de vol, ce qui signifie que les agriculteurs peuvent manquer des opportunités économiques hors de leur exploitation. 

Dans une recherche récente, j’ai étudié les effets de la protection des fermes contre le vol au Kenya, en mettant en relation des agriculteurs avec des gardiens de ferme de confiance. Les agriculteurs bénéficiant d’une telle collaboration étaient plus susceptibles de commencer une nouvelle culture ou d’allouer plus de terres à une culture particulière et ils avaient, en outre, augmenté leurs ventes sur des marchés non agricoles. La raison de tout cela ? L’amélioration de la sécurité.

Cette dernière a permis d’augmenter la valeur de la production agricole par arpent, bien qu’il soit étonnant de constater qu’elle n’est pas due à une diminution des vols. L’effet le plus important provient des espèces peu vulnérables au vol – comme le manioc, une culture racine avec un arbuste, dont la récolte nécessite un certain effort.

En accord avec les études sur la sécurité des régimes fonciers, cela suggère que la réduction de la vulnérabilité des cultures qui risquent le plus d’être volées pourrait permettre aux agriculteurs de réaffecter leur temps, qui n’est plus consacré à la surveillance du travail, à d’autres cultures.

L’un des aspects les plus fascinants de ce type d’insécurité est qu’elle semble liée à des préférences sociales visant ceux qui expérimentent des pratiques agricoles. Une étude menée en Éthiopie montre que les pratiques de « money burning » dans un jeu expérimental impliquant des incitations ont une corrélation négative avec l’innovation agricole réelle. Cela suggère que ceux qui innovent et investissent dans des technologies rentables souffrent davantage d’insécurité.

Cela correspond aux résultats de l’étude sur les gardiens qui concluaient que les moyens de sécurité se concentrent principalement sur les cultures de grande valeur ou les pratiques qui sortent de l’ordinaire. Les initiatives susceptibles de réduire ce type d’insécurité permettraient donc aux agriculteurs de réduire le nombre de leurs gardiens, ainsi que le risque d’investir dans l’innovation agricole, et d’améliorer leur productivité.

 

Julian Dyer
Lecturer, University of Exeter