Environnement, énergie et nature

Le financement climatique peut-il résoudre le problème du méthane dans l’hémisphère Sud ? 

6 min

by

King Carl Tornam Duho and Wise Delight Duho

Les systèmes sanitaires sont une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre. Le financement climatique représente un potentiel énorme et inexploité pour mettre en place des systèmes d’assainissement plus durables qui non seulement émetteront moins de gaz à effet de serre, mais soutiendront également la santé publique, la récupération des ressources et la résilience face au changement climatique.

Les systèmes sanitaires, qui comprennent les toilettes, les réseaux d’égouts et les stations d’épuration des eaux usées, sont essentiels à la santé publique et à la durabilité de l’environnement. Mais ils contribuent à hauteur de 2 à 6 % aux émissions mondiales de méthane, dont 1 à 2 % pour les seules latrines à fosse simple, et à hauteur de 1 à 3 % aux émissions d’oxyde nitreux. Le méthane, un puissant gaz à effet de serre, contribue de manière significative au changement climatique, puisqu’il est responsable de plus de 20 % du réchauffement actuel.

Les décideurs politiques ont tendance à se concentrer sur l’atténuation des émissions de méthane provenant de secteurs tels que l’agriculture et l’énergie et négligent souvent le rôle des systèmes sanitaires. Cet article explore le potentiel que représente le financement climatique pour résoudre le problème du méthane dans l’assainissement, en particulier du point de vue des pays du Sud.

L’assainissement et le défi du méthane dans les pays du Sud

Dans les pays du Sud, les systèmes d’assainissement médiocres, associés à une mauvaise gestion, à une mauvaise planification des chantiers et des systèmes de drainage et à une utilisation inappropriée des zones humides, sont à l’origine d’émissions de méthane.

Nombre de ces systèmes d’assainissement sont également inefficaces tant en termes de santé publique que sur le plan de la protection de l’environnement. Par exemple, une étude récente des systèmes d’assainissement menée dans 15 villes du Sud a révélé que 62 % des eaux usées et des boues fécales sont gérées de manière dangereuse. Le danger vient en partie du fait que ces systèmes sanitaires reposent sur des latrines à ciel ouvert et des fosses septiques mal construites qui causent une contamination des eaux souterraines.

Comment le financement climatique peut relever le défi du méthane dans le secteur de l’assainissement

Le financement climatique peut servir à soutenir des infrastructures, des technologies et des outils de contrôle ciblés afin de mettre en place des systèmes d’assainissement générant moins d’émissions et soutenant d’autres objectifs politiques, notamment l’amélioration de la santé publique et de la qualité de l’eau.

Le financement peut provenir de sources publiques, privées et mixtes, au lieu d’utiliser uniquement des fonds privés ou publics. Le financement mixte crée un schéma d’investissement commun pour le financement du développement et les investisseurs privés afin d’apporter à un problème de développement, une solution réfléchie, efficiente, efficace et avec un risque d’investissement réduit.

Ce financement devrait cibler les initiatives en matière d’eau, d’hygiène et d’assainissement (WASH). Celles-ci favorisent la planification holistique des établissements sanitaires, la gestion des eaux usées et la réduction des émissions de méthane. D’autres efforts doivent être faits pour créer un système de suivi et d’évaluation de ces initiatives au niveau local.

Il faut également tenter d’utiliser, dans les zones rurales et urbaines, des technologies simples, peu coûteuses et susceptibles d’être transposées à plus grande échelle. Par exemple, le Janicki Omni Processor, soutenu par Bill Gates et expérimenté à Dakar, au Sénégal, transforme les déchets humains en eau et en électricité. Chaque usine coûte au moins 2 millions de dollars. Sans compter que les processus virtuels sont moins complexes que la réalité, ce qui constituera un obstacle supplémentaire.

En outre, le financement de la lutte contre le changement climatique devrait cibler les technologies qui capturent le méthane émis par les systèmes d’assainissement, une fois les efforts déployés pour rendre ces systèmes plus durables. Une étude récente montre que le méthane atmosphérique et de faible niveau peut être capturé à l’aide d’un catalyseur commun et moins coûteux, la zéolithe de cuivre biomimétique, qui pourrait être utilisée à grande échelle.

Quatre considérations politiques importantes pour le financement climatique des systèmes d’assainissement

Choisir les bons mécanismes de financement : Les mécanismes de financement qui pourraient s’attaquer au problème du méthane dans l’assainissement comprennent les subventions, les prêts concessionnels, la finance carbone et les partenariats public-privé. Chaque mécanisme a ses propres avantages et particularités, et le choix dépend du contexte et des besoins spécifiques de la région. Dans les pays africains, par exemple, dont les dettes publiques explosent actuellement, un financement climatique sous forme de subventions aura plus d’impact, mais devra s’accompagner d’une responsabilisation adéquate en ce qui concerne l’utilisation des ressources.

Recherche, renforcement des capacités et transfert de technologie : L’un des aspects essentiels du financement climatique est le transfert de technologie, qui permettrait aux pays du Sud de bénéficier d’un meilleur accès à des solutions innovantes en matière d’assainissement. Cependant, la recherche et les transferts de technologie sont encore rares dans les pays en développement et il y a peu de collaborations entre l’industrie et les universités ou entre les politiques et les universités. Pour s’attaquer au problème du méthane dans l’assainissement, il faut renforcer la collaboration mondiale et les échanges de connaissances grâce à des plateformes classiques telles que les forums, les conférences ou les communautés de pratique (par exemple, la communauté de pratique MRV sur le climat au Ghana).

Amélioration des politiques et de la gouvernance : Des structures de gouvernance et des cadres politiques efficaces sont essentiels au succès des initiatives de financement climatique dans le secteur de l’assainissement. Par conséquent, les gouvernements doivent donner la priorité à la mise en place d’un système sanitaire durable dans leurs plans de développement nationaux et créer un environnement propice aux investissements climatiques. Les autorités locales doivent être impliquées dans ce processus pour avoir un impact sur le terrain et faciliter le changement culturel nécessaire à l’adoption et à l’acceptation des nouvelles initiatives. En outre, des mécanismes de gouvernance transparents et responsables sont essentiels pour assurer l’efficacité, car il a été démontré que les pays recevant davantage de financements pour le climat présentent un risque élevé de corruption.

Principes de l’économie circulaire : Le financement climatique peut contribuer à intégrer les principes de l’économie circulaire dans les systèmes d’assainissement. Le concept d’économie circulaire met l’accent sur l’utilisation efficace et la réutilisation des ressources, en réduisant au minimum la production de déchets. Une économie circulaire permet donc de cibler l’ensemble de la chaîne de l’assainissement. En encourageant la récupération des ressources, comme la production de biogaz à partir des déchets, le financement climatique peut soutenir davantage les projets qui réduisent non seulement les émissions de méthane, mais génèrent également de l’énergie renouvelable et des sous-produits de valeur.

Priorités politiques et mesures à prendre

Le financement de la lutte contre le changement climatique est en pleine expansion et les organisations régionales et mondiales de développement constituent de nouvelles sources de financement. Les décideurs politiques des pays en développement peuvent contribuer à la réalisation d’un large éventail d’objectifs de développement durable en allouant une partie de ces fonds à l’assainissement.

En adoptant une approche systémique, les pays du Sud peuvent œuvrer en faveur d’un avenir durable et adapté aux modifications du climat, où les systèmes d’assainissement contribuent à la fois à la durabilité de l’environnement et à la santé publique. Le potentiel est là, mais il faut que les acteurs politiques, le secteur privé et les parties prenantes locales conduisent le changement.

Cet article fait partie d’une série sur le financement climatique organisée en partenariat avec l’institut de l’Université des Nations Unies pour l’environnement et la sécurité humaineà la Munich Climate Insurance Initiative (MCII) et à LUCCC/START

Wise Delight Duho
Scientifique de laboratoire médical