Environnement, énergie et nature

Les liens sociaux comme réponse au changement climatique

6 min

by

Richard Ramsawak

Comment les liens sociaux peuvent-ils aider les communautés vulnérables aux catastrophes environnementales causées pas le changement climatique ? L’auteur de cet article s’appuie sur des données provenant de l’Inde rurale pour montrer que les ménages investissent davantage dans les relations de familles et de caste, ainsi qu’avec les autorités locales. Cet investissement s’accompagne d’un niveau de collaboration plus élevé, de l’adoption de technologies d’irrigation, d’un meilleur accès au crédit et de niveaux de conflits moins élevés.

Comment le fait d’investir dans les liens sociaux peut-il aider les communautés vulnérables face aux catastrophes environnementales causées pas le changement climatique ? Mes recherches montrent que les foyers des parties rurales de l’Inde où les niveaux de précipitations sont inférieurs à la moyenne s’investissent davantage dans les relations familiales et de caste. Ils sont aussi en lien avec de hauts fonctionnaires et d’autres autorités dans le cadre de « réseaux verticaux ».

Ces résultats reflètent l’importance relative des réseaux relationnels en période de crise environnementale. D’autant qu’elles ont d’importantes implications sur les politiques d’adaptation au changement climatique, soulignant l’importance du renforcement des institutions familiales et des castes, ainsi que des liens avec les autorités locales. En effet, ces institutions peuvent être plus efficaces que les ONG et les institutions de développement traditionnelles pour atteindre les plus vulnérables.

De nombreux chercheurs ont étudié les manières par lesquelles une action collective et un réseau social solidaire peuvent atténuer les conséquences des événements climatiques extrêmes. Des études soulignent par exemple l’importance du capital social et de l’action collective pour faire face à des phénomènes météorologiques extrêmes comme les vagues de chaleurs, les tsunamis et les ouragans, ainsi que les mérites des approches communautaires dans la gestion des ressources naturelles partagées telles que les forêts, les stocks de poissons et les ressources côtières.

Des recherches nouvelles et émergentes ont commencé à s’intéresser aux façons dont les foyers s’adaptent aux changements climatiques à long terme, grâce à de meilleures techniques de plantation et d’irrigation ou en cultivant des plantes plus résistantes. Le plus souvent, ces décisions se fondent sur des événements climatiques passés ou des prévisions du climat futur, plutôt que sur des chocs climatiques observés sur une seule année.

Malheureusement, on en sait peu sur l’influence qu’aura la hausse de l’imprévisibilité des tendances climatiques sur l’établissement et le maintien des réseaux relationnels spécifiques des ménages. En effet, si les relations sociales peuvent être bénéfiques pour stabiliser les flux de revenus et apporter un soutien communautaire, les liens sociaux – de nature hétérogènes – peuvent s’étendre au-delà des relations familiales et ethniques (réseaux relationnels), et, parfois, jusqu’à des gens possédant une grande influence ou un grand pouvoir (réseaux institutionnels).

Il est important de comprendre quels sont les réseaux qui deviennent les plus importants pour les communautés face aux phénomènes climatiques négatifs – ainsi que les types de soutien qu’ils apportent.

Le cas de l’Inde est très intéressant pour deux raisons. D’abord, plus de 70 % des foyers ruraux dépendent d’une forme ou d’une autre d’agriculture pour vivre ou compléter leurs besoins alimentaires, tout en n’ayant que peu ou pas recours aux technologies d’irrigation. Ceci les rend particulièrement vulnérables aux événements climatiques.

Ensuite, des changements continuent d’être observés dans les conditions climatiques à long terme en Inde, en particulier des fluctuations de la pluviométrie inter-décennale entre les districts (voir Figure 1). En d’autres termes, dans certaines régions de l’Inde, les précipitations à long terme oscillent entre périodes de sécheresse et périodes pluvieuses. On estime que ces endroits présentent une plus grande variabilité de pluviométrie et donc des risques climatiques plus élevés.

Mon étude utilise la variation spatiale des régimes pluviométriques à long terme dans les districts indiens (voir Figure 2) pour identifier les éventuelles différences dans l’investissement social entre les ménages vivant dans des régions aux régimes climatiques variables et ceux qui vivent dans des régions où les régimes pluviométriques sont beaucoup plus stables. Ces mesures sont tirées de l’Enquête nationale sur le développement humain en Inde, qui recueille des données sur les caractéristiques des ménages, y compris les relations de réseau en 2004-2005 et en 2011-2012.

 

Text Box:  Figure 1– MOYENNE MOBILE DES ECARTS ANNUELS PAR RAPPORT AUX NIVEAUX DE PRECIPITATIONS A LONG TERME – INDE ENTIERE 1900 A 2015

 

 

 

 

L’analyse montre que les ménages qui vivent dans des districts dont la moyenne des chocs pluviométriques à long terme est plus élevée ont tendance à investir davantage dans les réseaux familiaux et de caste, ainsi que dans les réseaux verticaux. Il est intéressant de noter que les changements à long terme des niveaux de température n’ont que peu ou pas d’incidence sur les investissements en capital social, ce qui reflète la difficulté relative pour les collectivités rurales de s’adapter aux changements des niveaux de température à long terme.

Les investissements dans les réseaux familiaux et verticaux s’accompagnent également d’un niveau de collaboration plus élevé, de l’adoption de technologies d’irrigation, d’un meilleur accès au crédit et de niveaux de conflits moins élevés.

L’étude explore également le rapport entre le statut de caste et l’accès aux relations sociales. Les résultats montrent que la richesse mesurée au moyen du revenu moyen d’un village et de la propriété foncière déclarée par les ménages est un meilleur prédicteur de l’accès aux réseaux verticaux que le statut de caste (être membre d’une « caste et d’une tribu répertoriées » ou d’une « caste supérieure »). Cela peut refléter un changement progressif et positif dans les relations entre castes dans l’Inde rurale.

On peut vérifier la fiabilité de ces résultats en s’appuyant sur l’expansion des projets de grands barrages partout en Inde. Mes recherches étudient les conséquences de ces constructions après la première vague d’enquête de 2005 dans les collectivités touchées par la variabilité de pluviométrie.

Dans les communautés qui bénéficient d’un approvisionnement en eau plus fiable, l’investissement dans les réseaux familiaux et de caste sont beaucoup moins importants. Ce résultat reflète les conclusions d’une recherche qui montre que les réseaux de voisinage déclinent dès lors qu’augmente l’accès aux programmes de microcrédit dans les villages de l’Inde rurale.

 

 

 

 

 

 

 

Figure 3. – Nouveaux barrages construits après 2005, Inde entière

Dans l’ensemble, ces résultats soulignent l’importance des réseaux relationnels, en particulier familiaux, de caste et de réseau vertical, pour soutenir l’adaptation aux risques climatiques croissants. Ils soulignent l’importance des politiques qui renforcent les organisations informelles basées sur la famille ou la caste, ainsi que les liens avec les autorités locales, en particulier en période de risques climatiques accrus.

 

Richard Ramsawak
Head of the Center of Strategy and Competitiveness – Arthur Lok Jack Global School of Business, UWIDr. Richard Ramsawak is Head of the Center of Strategy and Competitiveness – Arthur Lok Jack Global School of Business, UWI. He has significant experience