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L’influence des camarades de classe sur les choix professionnels futurs des étudiants
Droits fondamentaux et égalité

L’influence des camarades de classe sur les choix professionnels futurs des étudiants

7 min

by

Stephy Cajero

Les étudiants universitaires qui ne sont pas conscients des aptitudes de leurs camarades les plus performants sont plus susceptibles de poursuivre leurs rêves professionnels. A contrario, ceux qui considèrent qu’ils font partie des derniers d’une classe sélective sont plus enclins à abandonner leurs plans initiaux. Ce constat, présenté dans cet article et découlant d’une étude menée dans une université de premier rang au Brésil, a des implications pour les politiques d’action positive, notamment le système de quota. Dépendamment des lacunes que présentent les élèves les moins performants par rapport au reste de leurs camarades, un tel système peut avoir une incidence négative sur ce qu’ils pensent d’eux-mêmes, – ce que les psychologues appellent « l’estime de soi » – compromettant leurs chances de progresser vers la carrière de leur choix.

Dès le plus jeune âge, l’interaction avec les camarades a un impact important sur les choix de carrière des étudiants, ainsi que sur leur empathie sociale. À chaque étape de son éducation formelle, chaque élève se fait de nouveaux camarades ; par conséquent, ses ambitions peuvent à tout moment prendre une nouvelle tournure.

Au niveau de l’enseignement secondaire, la situation ne change pas, sauf lorsque les élèves ont déjà franchi des étapes importantes vers la profession de leur choix et lorsqu’un changement important serait très coûteux. Une autre différence est le fait que les camarades de classe partagent souvent les mêmes choix professionnels, dans ce cas les étudiants ont une meilleure idée des personnes avec lesquelles ils seront en compétition et interagiront dans l’avenir.

Des études récentes montrent que le fait de maintenir les élèves défavorisés dans un environnement où leurs camarades sont moins performants qu’eux contribue à accroître leur estime de soi, leurs attentes professionnelles, et leurs chances de passer à l’enseignement secondaire. Le passage à une classe plus performante pourrait révéler leurs lacunes relatives, réduisant ainsi à leurs yeux le rendement perçu de leurs études et de leurs investissements professionnels.

Il est possible que les élèves défavorisés qui n’ont jamais eu d’interaction avec des camarades plus brillants investissent de façon excessive dans leur éducation, réduisant ainsi les rendements réels. Cependant, il se pourrait également que ces élèves deviennent meilleurs que s’ils avaient fréquenté un établissement hautement sélectif.

Du point de vue stratégique, il a été avancé que l’impact des politiques d’action affirmative sur les minorités se situe quelque part entre les gains découlant de la qualité institutionnelle et les préjudices causés aux élèves qui sont faiblement associés à leurs camarades de classe. Si un classement ordinal inférieur décourage généralement les élèves, et les minorités sont hautement concentrées dans la partie inférieure de la répartition des compétences, l’action affirmative pourrait véritablement accroître les disparités sociales dans les professions futures.

Cela ne signifie pas que ces politiques devraient être abandonnées ; bien au contraire, cela donne à penser qu’elles doivent être combinées avec des programmes qui atténuent l’effet du classement perçu.

La conception de ces programmes dépend de l’existence de l’effet de classement, de la mesure dans laquelle il affecte le comportement des élèves, et de son degré de variations entre les élèves. Le problème est que la simple comparaison entre des élèves apparemment égaux dans des écoles, des classes et même des programmes différents peut être trompeuse. Elle ne nous dit pas si les différences futures sont dues aux compétences individuelles, à la qualité institutionnelle, à la qualité des élèves ou au classement perçu.

Par exemple, certaines études ont montré que les écoles d’élite ont étrangement peu d’effet sur les performances académiques. Mais ceci peut résulter du fait que les élèves défavorisés qui bénéficieraient plus de la qualité de l’éducation sont également les plus sensibles au classement ordinal.

Pour estimer l’effet combiné de la qualité des camarades et du classement perçu, nous avons recueilli des informations dans une université de renom au Brésil et nous avons comparé les étudiants inscrits dans le même programme au cours de la même année, mais répartis en deux classes.

Sur la base de notes obtenues à l’entrée, la « première » classe compte les meilleurs étudiants qui ont choisi de s’y inscrire. La deuxième « classe » a accueilli les candidats restants ayant des notes plus faibles.

Concernant les aptitudes et les préférences individuelles, le dernier étudiant de la première classe a presque la même note que le premier élève n’ayant pas été retenu dans cette classe. En comparant ces deux étudiants, nous savons que les seules différences sont la composition de leur classe et leur classement ordinal. Faire partie de la première classe signifie avoir des camarades meilleurs, mais cela signifie également occuper un classement inférieur.

Étant donné que la majorité des institutions d’élite au Brésil sont publiques et gratuites, un retard dans la remise des diplômes de fin d’année est un problème non seulement pour les étudiants, mais aussi pour le budget du gouvernement. À l’Université fédérale de Pernambuco (UFPE), moins de 60 % des étudiants obtiennent leur diplôme à temps et près de 10 % essayent de changer de filière d’études.

Les étudiants faisant partie du bas du classement de la première classe sont un tiers de fois plus susceptibles d’essayer un programme d’études différent et, par conséquent, de retarder l’obtention de leur diplôme, que s’ils avaient rejoint la deuxième classe.

Dans l’avenir, ils auront également de faibles chances d’obtenir un premier emploi, notamment celui de cadre dirigeant ou de fonctionnaire, et gagneront moins au début de leur carrière. Les femmes sont, par exemple, deux fois plus susceptibles d’occuper un poste de dirigeante si elles ont fréquenté la classe ayant des étudiants les moins performants. Ainsi, il semble que le fait d’avoir des camarades meilleurs cause plus de mal que de bien pour un étudiant moyen.

Ces effets nets de la fréquentation de la première classe montrent que l’influence négative du classement perçu est supérieur à l’avantage découlant de la qualité des pairs. Pour tenter d’isoler la contribution du classement perçu, nous vérifions comment la comparaison entre les première et deuxième classes change en fonction de la différence de qualité des pairs observée entre les classes.

Dans les cohortes de programmes où la différence absolue dans la qualité des camarades de classe est presque nulle, les étudiants restent confrontés à une baisse importante dans le classement relatif s’ils fréquentent la première classe au lieu de la deuxième. Ainsi, l’effet de la fréquentation de la première classe doit être principalement motivé par le classement ordinal. À mesure que la qualité des camarades de la première classe augmente, l’effet du classement est atténué.

Par exemple, compte tenu de son faible classement, un étudiant de la première classe est d’au moins 20 points de pourcentage moins susceptible d’obtenir son diplôme à temps. Mais, si la qualité des camarades dans cette classe est de supérieure 0,4 écart-type, l’effet est considérablement inférieur. Pour les femmes, en particulier, il n’y aurait aucune différence dans l’obtention des diplômes entre les classes à ce niveau.

 

Figure 1.

Effet de la fréquentation de la première classe sur l’obtention du diplôme à temps, en fonction de la qualité des pairs

L’effet du classement sur les décisions à l’université est plus faible pour les femmes que pour les hommes. En outre, une petite augmentation dans la qualité des pairs réduit l’effet net de la fréquentation de la première classe à près de zéro. Pour les hommes, l’effet du classement est plus prononcé et n’est annulé que par une différence anormale dans la qualité des pairs.

Les différentes façons par lesquelles les hommes et les femmes répondent au classement ordinal peuvent s’expliquer par leurs comportements compétitifs distincts. En effet, les étudiants hommes sont plus sensibles au classement ordinal s’ils rejoignent un programme dans lequel les femmes sont majoritaires.

Une autre caractéristique qui affecte la réponse au classement ordinal est le niveau d’éducation des parents. Les performances académiques et les résultats du marché du travail répondent moins au classement si les parents ont un diplôme universitaire.

De même, l’effet du classement est moins prononcé parmi les candidats qui choisissent leurs programmes d’études en se basant sur les possibilités du marché de l’emploi, plutôt que sur d’autres motifs tels que l’épanouissement personnel et la réputation des programmes. Les deux constatations indiquent que de meilleures informations affaiblissent davantage l’effet du classement.

Globalement, ces conclusions montrent que de simples initiatives visant à fournir des informations sur les possibilités d’emploi et offrir un soutien psychologique pourraient avoir des effets positifs sur les étudiants défavorisés. Ces effets pourraient les aider à tirer parti de leurs camarades plutôt que d’être intimidés par le niveau de leurs performances.

 

Stephy Cajero
Associate Editor