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Microcrédit, autonomisation économique des femmes et lutte contre la pauvreté

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Droits fondamentaux et égalité

Microcrédit, autonomisation économique des femmes et lutte contre la pauvreté

8 min

by

Edgar Cooke and Franklin Amuakwa-Mensah

La microfinance peut être un moyen d’élargir l’accès aux opportunités financières formelles, et dans certains contextes, elle semble même avoir le potentiel de réduire la pauvreté et de promouvoir une plus grande autonomisation économique des femmes. Cet article présente les résultats d’une société de microfinance au Ghana qui font état d’une émancipation relativement plus élevée pour les femmes ainsi que d’une pauvreté plus faible chez les clientes ayant obtenu un prêt, par rapport aux non-clientes sans prêt.

Un niveau élevé de pauvreté et un faible niveau d’autonomie économique pour les femmes sont deux des caractéristiques économiques et sociales communes des pays en développement. Les efforts visant à atteindre les objectifs de développement durable 1 (absence de pauvreté) et 5 (égalité des sexes) ont déjà préconisé plusieurs mesures pour réduire la pauvreté et aider l’émancipation des femmes. Il s’agit notamment d’améliorer leur accès au microcrédit – des prêts accordés aux ménages à faible revenu et aux petites et microentreprises.

Les études empiriques n’ont pas encore démontré de manière concluante que le microcrédit réduit la pauvreté et augmente l’autonomie des femmes. De fait, certaines recherches remettent en question son efficacité. Une certaine étude ne constate aucune différence dans les résultats en matière de santé, d’éducation et d’émancipation économique des femmes, tandis qu’une autre ne constate aucun changement significatif au niveau de la pauvreté. De même, des recherches menées en Ouganda et en Chine n’apportent que peu ou pas de preuves des effets de la microfinance sur la réduction de la pauvreté.

Cependant, des études telles que celle-ci et que celle présentée dans ce second article fournissent des preuves que le microcrédit augmente effectivement l’émancipation des femmes. Un exemple de l’effet réducteur de la pauvreté du microcrédit est montré ici. Un examen systématique récent de la microfinance en Afrique subsaharienne suggère que les preuves de l’impact du microcrédit sur la pauvreté et les résultats de l’autonomisation économique dépendent surtout du choix de la méthodologie et du contexte de l’étude.

Les preuves positives ne sont pas aussi claires qu’on pourrait le penser. Par exemple, une étude a montré que la microfinance a encouragé les femmes à passer de l’agriculture à des activités non agricoles, et leur a offert des gains à court terme. Mais pour les gains à plus long terme (deux ans ou plus), le revenu, l’épargne, la consommation et d’autres indicateurs de bien-être n’ont eux pas augmenté de manière significative. Une autre étude constate que les effets sont importants et se maintiennent jusqu’à six ans, mais diminuent par la suite.

Une étude récente ne trouve pas d’effets significatifs de la microfinance sur les bénéfices des entreprises, les revenus et les actifs des ménages à partir de huit essais de contrôle randomisés. Mais la mise en commun des huit études montre des effets significatifs de la microfinance.

Dans notre étude, nous explorons les effets du microcrédit sur l’autonomisation économique et la pauvreté des femmes. L’étude était basée sur une enquête menée auprès d’un échantillon aléatoire de femmes clientes d’une société de microfinance et de femmes n’ayant jamais emprunté auprès d’une institution formelle auparavant, échantillonnées systématiquement dans les régions des Savanes et du Nord du Ghana. Notre étude s’ajoute au corpus de travaux sur l’impact du microcrédit à la fois sur la pauvreté et sur l’autonomisation économique des femmes en fournissant des preuves et en adaptant des méthodes plus récentes d’évaluation économétrique.

L’échantillon se composait de 411 femmes clientes d’une société de microfinance (formant le groupe « de traitement ») et de 541 femmes qui n’avaient jamais emprunté auprès d’une institution financière formelle (formant le groupe principal « de contrôle »). Afin d’assurer la similitude de nos groupes de comparaison et d’éliminer les différences entre les groupes de traitement et les groupes de contrôle pouvant être dues à des différences non observées, nous avons comparé les femmes ayant un cycle de prêt à celles n’ayant aucun prêt en cours ainsi qu’à celles ayant deux à trois prêts, ces dernières étant aussi comparées aux femmes ayant quatre cycles de prêt ou plus.

Microcrédit et émancipation économique des femmes

Nous avons obtenu des indices pour analyser le pouvoir, la capacité d’action et l’avancement économique pour fournir une mesure de l’émancipation économique des femmes. Nous avons constaté que l’autonomisation des femmes était relativement plus élevée parmi les clientes de l’entreprise. Dans certains cas, les femmes ayant un nombre plus élevé de prêts avaient un indice d’autonomisation relativement plus élevé que celles ayant un nombre plus faible de prêts. Les clientes ayant bénéficié d’un prêt avaient obtenu des résultats relativement meilleurs en matière d’autonomisation par rapport aux personnes interrogées du groupe de contrôle.

La figure 1 résume les résultats. Le résultat le plus marquant est la différence entre les clientes ayant emprunté une fois et les femmes n’ayant jamais emprunté auparavant. Nous constatons que pour plusieurs indices – part des dépenses des ménages ; capital social ; autonomie personnelle ; capacité d’action ou prise de décision à la maison ; utilisation du téléphone et de la technologie dans l’entreprise ; et prise de décision dans l’entreprise et la pratique commerciale – les femmes ayant bénéficié d’un prêt ont fait mieux que les femmes n’ayant pas emprunté.

Figure 1 : Résultats de l’émancipation économique des femmes

Microcrédit et pauvreté

Nous avons également constaté un niveau de pauvreté relativement plus faible parmi les clientes de la société après avoir contrôlé les caractéristiques des ménages, des districts et des individus par rapport au groupe de contrôle.

Les taux de pauvreté de l’indice de probabilité de la pauvreté (IPP) et les dépenses de consommation par habitant indiquent que celles qui ont reçu un prêt avaient un niveau de pauvreté plus faible que celles qui n’en avaient pas reçu. Nous sommes parvenus à la même conclusion concernant les clientes ayant plus de prêts que celles en ayant moins.

Comme le montre la figure 2, les femmes ayant bénéficié d’un cycle de prêt ont connu une réduction de « l’extrême pauvreté » et de la « pauvreté » par rapport aux femmes sans prêt. Le résultat est similaire dans la comparaison entre les femmes avec quatre cycles de prêt ou plus et les femmes avec deux à trois prêts.

Figure 2 : Comparaison de la pauvreté entre les différents groupes

Principaux enseignements tirés des discussions de groupe

Voici cinq récits tirés de nos conversations avec les femmes dans les groupes de discussion :

  • Les clientes de la société de microfinance se sentent économiquement autonomes.
  • L’accès aux prêts réduit la violence domestique pour les clientes.
  • Les responsabilités domestiques ont un impact négatif sur la gestion d’une entreprise (un point de vue partagé par les groupes de traitement et de contrôle).
  • Les ménages plus importants dépensent leurs bénéfices et leurs prêts pour la consommation.
  • Emprunter à la famille et aux amis ne permet de répondre qu’aux besoins de base (un point de vue partagé par les groupes de traitement et de contrôle).

Nos conversations suggèrent que les services de microfinance profitent aux femmes via plusieurs canaux et manières différentes. Pour certains ménages, l’augmentation de la capacité de consommation a été l’impact le plus important. Par exemple, une femme âgée nous a expliqué que le prêt lui avait permis de faire face aux urgences familiales, tandis que d’autres ont indiqué que le prêt les avait aidées à acheter des actifs commerciaux.

En outre, l’autonomisation économique résultant des prêts a entraîné une diminution des désaccords financiers domestiques avec les conjoints masculins. Les prêts ont permis de réduire le fardeau financier des hommes, créant plus d’entente et réduisant la violence à la maison. Une femme a suggéré qu’une partie de la violence était due à l’obligation de demander de l’argent aux hommes. Le fait de pouvoir subvenir à ses propres besoins et à ceux des enfants sans passer par le conjoint a entraîné une diminution des désaccords et de la violence.

La plupart des participantes ont reconnu que les responsabilités domestiques les empêchaient de gérer efficacement leur entreprise. Le fait de devoir préparer les repas de la famille et d’effectuer d’autres tâches ménagères limitait le temps dont elles disposaient pour s’occuper de leurs clients.

Dans certains cas, la taille des ménages a directement affecté la capacité des clientes à réinvestir les bénéfices dans leurs entreprises. Les ménages plus importants ont besoin de plus de ressources pour répondre à leurs besoins.

Néanmoins, les prêts ont eu leur importance pour améliorer les moyens de subsistance des femmes et la rentabilité de leurs entreprises. Dans les ménages importants, les prêts et toute augmentation des bénéfices ont été réinvestis dans la consommation du ménage au lieu d’augmenter les investissements des femmes ou d’être utilisés pour développer leurs entreprises.

Conclusion

Nos preuves suggèrent que les prêts de microfinance peuvent permettre aux femmes d’avoir le contrôle de leurs choix de dépenses au sein de leur ménage et de leur entreprise. Dans une certaine mesure, les prêts peuvent aider à améliorer les résultats en matière de pauvreté et permettre aux femmes de consommer davantage chez elles.

D’après les données empiriques, les ménages pauvres ont tendance à être en moyenne plus importants que les ménages non pauvres. L’une des principales implications de ce phénomène est que, du fait que plusieurs ménages importants font appel à la microfinance, ils finissent par dépenser de l’argent emprunté dans des urgences familiales et pour leur consommation plutôt que pour l’expansion de l’entreprise familiale.

 

Franklin Amuakwa-Mensah
Research manager, EfD