Environnement, énergie et nature

Pourquoi les femmes devraient avoir un meilleur accès au financement climatique ?

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Pauline Nakitende

Dans les pays à faible revenu, les femmes sont souvent très vulnérables aux effets du changement climatique. Mais elles sont aussi en position de force pour protéger leurs communautés de ses impacts – à condition d’avoir les ressources nécessaires. Cet article explique comment l’amélioration de l’accès des femmes au financement climatique en Ouganda peut permettre aux communautés vulnérables de se prémunir contre les catastrophes climatiques.

Les communautés du monde entier sont directement menacées par le changement climatique, en particulier celles qui se trouvent dans des pays vulnérables, comme l’Ouganda. Les effets de ce phénomène sont généralisés et affectent l’agriculture, les ressources en eau et la stabilité socio-économique en général.

Le plan national de développement de l’Ouganda indique que le changement climatique met en péril l’ambition du pays de devenir une nation compétitive à revenu intermédiaire supérieur d’ici à 2040. En 2019, l’Ouganda a été classé 85e sur 149 pays dans l’indice mondial des risques climatiques 2017 de German Watch (German Watch Global Climate Risk Index).

Il a été calculé que l’inaction climatique coûtera entre 273 et 437 milliards de dollars entre 2010 et 2050. Le renforcement de la résilience, l’adaptation à des conditions changeantes et la réduction des effets négatifs dépendent tous de l’accès au financement de la lutte contre le dérèglement climatique.

Pour être efficace et équitable, ce financement doit cibler les communautés les plus vulnérables. Or, au sein des communautés à faibles revenus, les femmes sont souvent encore plus vulnérables aux effets du changement climatique. Cet article explore la manière dont un meilleur accès au financement permettra non seulement de soutenir les femmes, mais aussi d’améliorer les conditions de vie de leurs communautés.

La vulnérabilité des femmes face au changement climatique en Ouganda

Les effets du financement climatique sur les populations vulnérables en Ouganda dépendent fortement du genre des personnes qui en bénéficient. En effet, la vulnérabilité face au changement climatique et l’accès au financement peuvent être différents pour les hommes et les femmes.

Si l’on étudie par exemple comment les personnes des deux sexes emploient leur temps, les femmes en Ouganda sont souvent plus vulnérables aux menaces climatiques du fait des risques associés à leur travail dans la cuisine, la collecte de l’eau et l’agriculture.

Les femmes, les enfants, les personnes âgées et handicapées ainsi que les autres groupes vulnérables sont plus exposés physiquement, économiquement et socialement aux risques et aux catastrophes. Ainsi, ce sont le plus souvent les femmes qui sont chargées de s’occuper des enfants, ce qui réduit leurs chances d’échapper aux catastrophes. Les hommes ont tendance à fuir lorsque surviennent des crises telles que la famine, les sécheresses et les inondations, laissant derrière eux les femmes et leurs enfants.  

Les initiatives qui répondent aux besoins et aux vulnérabilités spécifiques des femmes devraient être prioritaires dans le cadre du financement de la lutte contre le changement climatique.

L’accès limité des femmes aux ressources, en particulier au financement climatique, les empêche également d’adopter des pratiques résilientes face à l’évolution du climat. Les femmes ont souvent moins accès à la technologie, à la terre et au crédit. Pour faire face aux problèmes posés par le changement climatique, il est capital de modifier en profondeur les comportements et les technologies et de reconnaître le rôle central des femmes dans l’agriculture. La plupart des obstacles auxquels sont confrontées les agricultrices pourraient être surmontés grâce à des technologies permettant d’économiser du temps et de la main-d’œuvre. Celles-ci aideraient les femmes en milieu rural à accroître la productivité agricole dans un climat en mutation, ce qui serait bénéfique pour l’ensemble de la communauté et de l’économie nationale. Les technologies et pratiques permettant d’économiser du temps de travail peuvent améliorer les revenus des femmes en réduisant la charge des tâches ménagères et en créant des opportunités d’autonomisation économique. Par exemple, des fours à biomasse plus propres et plus efficaces peuvent réduire le temps consacré à la cuisine et à la collecte de bois de chauffage, libérant ainsi du temps pour d’autres activités. De même, les technologies agricoles modernes peuvent renforcer l’autonomie des femmes dans les zones rurales en rendant l’agriculture plus efficace et en réduisant le travail physique qu’elle implique.

Le financement de la lutte contre le changement climatique peut contribuer à l’éducation des femmes et au renforcement de leurs capacités, en leur donnant les outils dont elles ont besoin pour participer activement au renforcement de la résilience et pour s’adapter au changement climatique. Toutefois, la plupart des programmes de formation et activités de renforcement des capacités en matière de prévention et de préparation aux catastrophes ciblent davantage les hommes que les femmes.

Les connaissances des femmes sont aussi généralement sous-représentées dans les bases de données relatives à l’atténuation et à la prévention des catastrophes. En général, les femmes ont une meilleure compréhension de leur environnement, ce qui pourrait être utilisé pour améliorer les initiatives de préparation aux catastrophes profitant à la fois aux hommes et aux femmes, telles que les programmes de gestion de l’environnement et les signaux d’alerte précoce diffusés par radio.

Comment aider les communautés à accéder au financement climatique.

En Ouganda, donner aux communautés les moyens d’accéder au financement climatique n’est pas seulement essentiel pour s’attaquer aux problèmes engendrés par le changement climatique. Cela permettra également d’améliorer la résilience des communautés en favorisant le développement durable et en améliorant le bien-être des groupes vulnérables.

Pour soutenir le développement des femmes et des filles dans un contexte de changement climatique et de développement de pratiques sensibles au genre, le ministère ougandais de l’eau et de l’environnement procède à des évaluations participatives de la situation en matière d’égalité des sexes. Cette démarche consiste à examiner les différences entre les sexes, entre autres facteurs sociaux, afin d’identifier les chocs, les cycles et les tendances (vulnérabilité), et d’évaluer les résultats pour aider les institutions à créer des programmes d’atténuation, de préparation et de prévention qui réduisent la vulnérabilité et augmentent la résilience.

L’objectif est d’améliorer l’efficacité et la durabilité des projets en intégrant des considérations de genre dans les initiatives de financement climatique. Ces évaluations ont déjà permis aux femmes et aux jeunes filles de mieux résister au changement climatique.

La gestion des risques de catastrophe (GRC) joue également un rôle crucial dans la mise à disposition de fonds pour les communautés à risque. Les sociétés peuvent se préparer et réagir plus efficacement aux catastrophes en investissant dans la réduction et la gestion des risques, ce qui, en fin de compte, atténuera leur impact et favorisera un avenir plus sûr et plus résilient. Pour mettre en œuvre efficacement les priorités de la GRC et accroître la résilience aux catastrophes liées au climat, l’accès au financement climatique est crucial.

Les priorités de l’Ouganda en matière de GRC sont décrites dans la politique nationale de gestion des catastrophes, adoptée en 2011. Ces priorités comprennent le renforcement des institutions et du financement pour l’adaptation au changement climatique, la création de plans d’adaptation multisectoriels, la mise en place de programmes visant à réduire l’impact socio-économique des catastrophes naturelles et du changement climatique, et le renforcement de la résilience des communautés au changement climatique. Grâce à cette démarche, les dirigeants municipaux sont désormais en mesure de créer leurs propres comités de prévention, d’atténuation et de réponse aux catastrophes, ainsi que d’élaborer et de mettre en œuvre leurs propres plans d’urgence et de gestion des risques de catastrophes. Les partenaires bilatéraux offrent également une aide au renforcement des capacités pour la préparation et la gestion des catastrophes ainsi que pour le rétablissement après une catastrophe, afin d’améliorer l’accès des femmes et des groupes vulnérables au financement tout en reconnaissant les difficultés que ces groupes rencontrent après les catastrophes. Par exemple, l’une des priorités est que ces groupes soient activement pris en compte dans l’évaluation des risques et l’élaboration de stratégies de résilience. Cela permet aux communautés de mieux se préparer aux catastrophes.

Le financement de la lutte contre le changement climatique peut tout aussi bien aggraver les disparités entre les hommes et les femmes que constituer un instrument efficace pour faire progresser la résilience, l’égalité des sexes et le développement durable pour tous les membres des populations vulnérables. Les projets de financement climatique doivent donc intégrer des mesures tenant compte de la dimension de genre pour les communautés vulnérables. Les femmes et les communautés défavorisées doivent également être des parties prenantes actives dans les projets de financement climatique. Ces mesures optimiseront l’impact des financements et des initiatives de résilience climatique, tout en renforçant l’autonomisation, l’équité et l’inclusivité. Enfin, même si des progrès ont été faits, il reste encore beaucoup à faire pour continuer à améliorer l’accès des femmes au financement en Ouganda et dans le monde entier.

Pauline Nakitende
Associée de recherche, Centre de recherche sur les politiques économiques (EPRC)