Les effets du changement climatique sont particulièrement néfastes pour les femmes et les jeunes filles, qui représentent 80 % des personnes déplacées en raison de conditions météorologiques extrêmes. Leurs besoins en matière de santé sont souvent négligés, ce qui ne fait qu’aggraver les inégalités de genre préexistantes. Bien que la politique nationale de l’Ouganda en matière de changement climatique reconnaisse les impacts différenciés selon le sexe, la mise en œuvre de mesures inclusives et sensibles aux questions de genre reste délicate.
Du point de vue du genre, le changement climatique n’est pas un phénomène neutre. Il affecte de manière disproportionnée les groupes vulnérables, en particulier les femmes, en aggravant les inégalités existantes liées à des normes culturelles et sociales bien ancrées. Dans les zones rurales de l’Ouganda, ces normes restrictives limitent l’accès des femmes à la terre et aux ressources financières, ce qui compromet leur capacité à faire face au changement climatique et aux autres risques environnementaux, malgré le rôle central qu’elles occupent dans la production alimentaire.
Les femmes assument une part disproportionnée du travail domestique non rémunéré, notamment l’approvisionnement en nourriture, la collecte de l’eau et du bois de chauffage, ainsi que d’autres responsabilités ménagères. Le changement climatique alourdit encore ces charges en obligeant les femmes et les filles à parcourir de plus longues distances pour satisfaire aux besoins de base, ce qui non seulement réduit le temps qu’elles peuvent consacrer à un travail rémunéré, mais accroit également la pauvreté et les met davantage en danger. Les longues marches qu’elles doivent effectuer pour aller chercher de l’eau contribuent également à l’abandon scolaire des filles, limitant ainsi leur accès à l’éducation et augmentant les risques de mariage précoce, de malnutrition et de pauvreté à long terme.
L’impact du changement climatique sur les hommes et les femmes
Ces défis quotidiens sont encore exacerbés par l’exposition croissante de l’Ouganda aux phénomènes météorologiques extrêmes. Chaque année, les inondations frappent près de 50 000 personnes et causent plus de 62 millions de dollars de dommages, tandis que les sécheresses, qui touchent 2,4 millions de personnes, représentent une menace encore plus grande. À titre d’exemple, les sécheresses de 2010 et 2011 ont entraîné des pertes de 1,2 milliard de dollars. Ces chocs climatiques sont étroitement liés à l’insécurité alimentaire, comme l’a montré la sécheresse de 2017, où plus d’un million de personnes ont eu un besoin d’une aide alimentaire d’urgence, ce qui a entraîné de graves répercussions sur les systèmes alimentaires des ménages, principalement gérés par les femmes.
Les déplacements liés au climat affectent les femmes et les filles de manière disproportionnée, puisqu’elles représentent 80 % des personnes contraintes de quitter leur foyer. Ces déplacements les exposent à une pauvreté accrue, à la violence, aux grossesses non désirées, aux mariages précoces et à un accès limité à l’eau potable et à l’assainissement.
Les effets du changement climatique sur la santé des femmes sont souvent négligés. La hausse des températures et la pollution atmosphérique augmentent les risques de naissances prématurées et de complications maternelles, chez les femmes enceintes. Les sécheresses et les inondations exacerbent l’insécurité alimentaire et contribuent à l’augmentation de la violence conjugale, ce qui a pour effet d’aggraver les problèmes de santé mentale tels que le stress et la dépression. Comme le fait remarquer Ruth Hollands, les femmes représentent le groupe démographique le plus touché par le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) après les catastrophes climatiques, en grande partie à cause de l’augmentation des violences sexuelles qui accompagnent souvent ces événements.
La politique de l’Ouganda en matière de changement climatique et les défis à relever
La politique nationale ougandaise de 2015 sur le changement climatique reconnaît que ce phénomène affecte différemment les hommes et les femmes et souligne la nécessité d’interventions tenant compte des spécificités de chaque sexe. Cette politique met l’accent sur le rôle des femmes en tant que contributrices essentielles à l’action climatique. Cependant, elle considère les femmes comme un groupe largement homogène et ne tient pas compte des expériences spécifiques et des facteurs croisés qui déterminent leurs vulnérabilités, tels que le lieu de résidence (rural ou urbain), les niveaux de revenus et la situation matrimoniale. Bien que la politique reconnaisse sommairement le rôle des femmes rurales dans l’action climatique, cette reconnaissance limitée empêche de cibler et d’adapter efficacement les interventions pour répondre aux besoins spécifiques des différents groupes de femmes.
Sur la base de ce cadre, la loi nationale sur le changement climatique de 2021 a formalisé la réponse climatique de l’Ouganda, en introduisant des mesures globales telles que le suivi des émissions, la coordination institutionnelle, le financement ainsi que la participation aux mécanismes climatiques mondiaux. Bien que le pays dispose d’un cadre politique favorable, le Plan national de développement IV (National Development Plan ou NDP IV) – le plan quinquennal de l’Ouganda visant à accélérer la transformation socio-économique – met en évidence les défis actuels dans la mise en œuvre de l’action contre le changement climatique. Entre autres défis, nous avons le manque de financement, l’insuffisance des infrastructures et des technologies obsolètes. Les retards institutionnels, en outre, continuent d’entraver les progrès ; notamment le comité consultatif chargé de superviser la mise en œuvre effective de la loi nationale sur le changement climatique de 2021 qui a été créé en 2024, soit près de trois ans après l’adoption de ladite loi. Cet exemple souligne les écarts persistants entre l’élaboration et la mise en œuvre des politiques.
Les femmes au cœur des solutions climatiques
Bien qu’elles fassent partie des plus vulnérables au changement climatique, les femmes possèdent pourtant un immense potentiel en tant qu’agents du changement. Les stratégies efficaces d’adaptation au climat et d’atténuation de ses effets doivent donner la priorité à l’égalité entre les hommes et les femmes si l’on veut relever les défis climatiques de manière globale. Ainsi, l’agence des Nations unies pour le changement climatique souligne le rôle crucial des femmes dans le renforcement de la résilience climatique, en particulier lorsqu’elles sont impliquées de manière significative dans les processus de prise de décision.
En Ouganda, plusieurs initiatives illustrent l’impact transformateur de l’action climatique quand elle est menée par les femmes. L’initiative d’autonomisation des femmes pour la résilience et l’adaptation au changement climatique a mobilisé plus de 1 600 groupes dirigés par des femmes, et impacté plus de 250 000 femmes au total. Chacune économise au moins 1 dollar par semaine, créant collectivement un fonds de 2,8 millions de dollars. Ces fonds sont réinvestis dans des projets générateurs de revenus et résistants au changement climatique, tels que la gestion durable des terres, l’agroforesterie, la conservation des sols et l’adoption de technologies à haut rendement énergétique, comme les fourneaux améliorés.
De même, l’initiative « Girls for Climate Action » a créé cinq démonstrateurs de services climatiques qui servent d’espaces d’innovation pour les jeunes femmes et les filles. Ces centres leur permettent de concevoir, de tester et de mettre en œuvre des solutions climatiques locales. Non seulement ces centres encouragent l’innovation au niveau local, mais en plus, elles créent des emplois verts et renforcent la résilience des communautés.
En outre, la loi nationale sur le changement climatique de 2021 prévoit qu’au moins un tiers des membres du comité consultatif national sur le changement climatique soit des femmes, favorisant leur participation à la prise de décision en matière de climat.
Cette approche s’aligne sur la théorie écoféministe, qui suggère que les rôles nourriciers propres aux femmes les inciteraient à protéger l’environnement. Selon une étude menée dans le nord de l’Ouganda, le fait de former les femmes à l’adaptation au climat et à l’atténuation de ses effets a permis d’améliorer sensiblement la sécurité alimentaire. De plus, les femmes formées ont généralement partagé leurs connaissances avec d’autres, créant ainsi des effets d’entraînement positifs au sein de leurs communautés.
Les preuves sont indéniables : pour construire une résilience climatique efficace, l’autonomisation des femmes est essentielle, et non facultative. Les futures stratégies climatiques doivent activement intégrer les points de vue des femmes, renforcer leur leadership et garantir leur pleine participation à la prise de décision. Un accès équitable à l’éducation, aux technologies vertes et aux ressources vitales doit également être considéré comme une priorité afin de libérer tout le potentiel des femmes en tant que moteurs de solutions climatiques durables.