Les villes sont accablés de visions de la croissance future, alors qu’elles sont aux prises avec des infrastructures insuffisantes, des risques climatiques, des politiques locales et de multiples couches de politiques qui se chevauchent. Comment les villes peuvent-elles venir à bout de la fragmentation des politiques et des pratiques afin de faire face aux risques liés aux cours d’eau et aux fleuves urbains sur lesquels sont construites un grand nombre d’entre elles ? Cet article s’inspire de l’expérience de l’Inde pour proposer des approches pouvant être utilisées pour améliorer les processus complexes de gouvernance en ce qui concerne ces défis. Bien que peu de recherches aient pour l’instant abordé les risques qui se créent au confluent des rivières et des villes, il existe de plus en plus d’opportunités pour combler ce fossé.
La plupart des populations futures vivront vraisemblablement dans des villes des pays du Sud. Ces villes sont accablées de visions pour leurs croissances futures alors qu’elles sont aux prises avec leur passé chargé d’infrastructures insuffisantes, de multiples couches de politiques qui se chevauchent et de politiques locales. En Inde, plusieurs de ces villes sont également bâties sur des cours d’eau.
Un aspect des plans de croissance urbaine qui est souvent négligé est celui des risques encourus et posés par les rivières sur lesquelles sont construites ces villes. Ces risques comprennent les inondations urbaines, le manque d’eau sanitaire, et l’accroissement de la pollution des cours d’eau par les égouts et les déchets provenant des villes.
Sur les 497 villes indiennes couvertes dans le cadre de l’enquête menée en 2011, plus de 100 sont situées sur des cours d’eau, notamment Bangalore, Chennai, Delhi, Hyderabad, Kolkata et Mumbai. Parmi les exemples de problèmes croissants découlant du décalage entre la compréhension et la gestion des risques encourus par les rivières et les villes, on peut citer :
- Delhi et la rivière polluée Yamuna, ainsi qu’une recherche constante de nouvelles sources pour alimenter Delhi en eau potable.
- Les inondations survenues en 2015 à Chennai, qui étaient liées à une pluviométrie élevée et des flots de retour provenant des fleuves Cooum et Adyar qui traversent la ville.
- La lutte continue de Mumbai contre les inondations urbaines, qui sont fortement liées aux canaux bloqués du fleuve et au développement des plaines inondables des rivières Mithi, Poisar, et Oshiwara.
- Le rapport 2015 du Comité central de contrôle de la pollution (Central Pollution Control Board) de l’Inde a relevé que 37 000 millions de litres d’eaux usées non traitées se déversent chaque jour dans les cours d’eau à travers le pays.
Les villes côtières sont confrontées à des risques similaires. Toutefois, même si de plus en plus de recherches se penchent sur la gestion des risques concernant les villes côtières, peu d’attention est accordée aux risques au confluent des villes et des cours d’eau.
Gestion fragmentée des risques
Bien que les facteurs tels que le changement climatique et le changement des schémas d’utilisation du sol aient aggravé ces risques, une approche fragmentée et réductionniste de la gestion des risques peut entraîner plus de chaos.
Le point de vue réductionniste de la gestion de l’eau est un héritage de notre passé et d’un enseignement newtonien qui répartit les grands problèmes en petits morceaux afin de les résoudre séparément.
Cela est visible en Inde où il existe différents départements spécifiquement responsables de différentes fonctions. L’alimentation en eau en milieu urbain est gérée à travers des gouvernements locaux (ou des conseils, dépendamment de la ville) répartis entre les départements sur la base de l’alimentation en eau, la collecte des eaux usées, et le drainage des eaux pluviales. Les inondations sont gérées par les autorités nationales responsables de la gestion des catastrophes, les ministères centraux chargés des ressources en eau et les départements de météorologie.
Dépendamment de leur nature transfrontalière, les cours d’eau sont gérés par les administrations centrales disséminées dans différents ministères, notamment de l’eau, de l’irrigation, de l’énergie, des infrastructures et de l’environnement.
Dans ces structures de gouvernance polycentriques, dotées de plusieurs organes de prise de décisions, il existe un problème majeur de coordination entre les niveaux (local, étatique et national) et les départements en charge des cours d’eau et des eaux urbaines. Même si chaque département connaissait les solutions possibles, leur mise en œuvre nécessiterait une approche qui mettrait en relation les départements (et d’autres organisations concernées) et fournirait les moyens nécessaires pour une circulation systématique de l’information.
Pouvons-nous aller au-delà du chaos ?
Les administrations indiennes ne fonctionnent pas dans l’absence de règles et de politiques : elles incluent plusieurs interactions sociales, politiques et informelles qui font avancer ou limitent les résultats. Une compréhension qui intègre des niveaux d’interactions physiques et sociales impliqués dans la gestion des risques entre les cours d’eau et les villes peut permettre de mieux comprendre les complexités et d’identifier les tendances dans ce qui est autrement considéré comme le chaos de la gouvernance.
La plupart des cadres qui traitent de la gestion de l’eau sont dérivés des pays du Nord et ne parviennent pas à saisir les dynamiques internes à travers lesquelles la gestion de l’eau se déroule en Inde.
Une approche permettant de cartographier les dynamiques de la gestion de l’eau consiste à utiliser la théorie de la complexité. La théorie de la complexité a émergé comme une étude des systèmes complexes avec une large gamme d’applications au sein des études organisationnelles.
La théorie de la complexité explore des systèmes dans lesquels un changement mineur dans une partie peut changer le système dans son ensemble, étant donné que chaque partie est intégralement interconnectée avec les autres. Quand un problème est résolu, de nouveaux problèmes sont créés, entraînant ce qu’on appelle des problèmes « pernicieux » insolubles. Les villes et les cours d’eau sont des systèmes complexes ayant des problèmes pernicieux.
La théorie de la complexité propose des méthodes pouvant être appliquées pour améliorer la coordination dans les structures de gouvernance polycentriques des villes et des cours d’eau, en s’appuyant sur les réalités de l’Inde. Parmi ces méthodes :
- Comprendre les évènements passés et les processus politiques qui façonnent les systèmes de gestion actuels, et connaître les nuances physiques et sociales qui peuvent aider à se préparer pour les incertitudes futures.
- Cartographier les réseaux formels et informels à travers lesquels la gestion des risques se produit peut aider à comprendre les goulots d’étranglement et les possibilités manquées.
- Combler ces lacunes d’information peut permettre de comprendre collectivement les capacités locales et le système naturel pour s’adapter aux incertitudes et créer des systèmes de gestion résilients.
La montée en puissance des villes intelligentes (SMART cities) et les plans de restauration des cours d’eau en Inde donnent des possibilités d’inclure la gestion intelligente des risques liés à l’eau pour les villes et les cours d’eau du pays.