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Assurer l’éducation des filles pour garantir la résilience climatique en Ouganda

7 min

by

Catherine Otayek and Aida K. Nattabi

En Ouganda, selon une étude, le changement climatique éloigne les filles de l’école, ce qui aggrave l’écart entre les sexes et diminue la résilience du pays face au changement climatique. Il est essentiel de mettre en place des stratégies plus ciblées pour maintenir les jeunes filles dans l’enseignement secondaire.

Alors que les filles ougandaises luttent pour surmonter les inégalités de genre, les dangers liés au changement climatique perturbent leur éducation et menacent leurs perspectives économiques futures. Pourtant, leur éducation est essentielle à la résilience nationale au changement climatique.

L’éducation des filles ougandaises peut leur permettre de se faire entendre en tant qu’agentes du changement dans l’adaptation au changement climatique et son atténuation, de réduire la vulnérabilité de l’Ouganda aux chocs climatiques, tels que les sécheresses et les inondations, et de promouvoir des stratégies d’adaptation positives.  

L’Ouganda est à la fois l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique et l’un des moins bien préparés à y faire face. Il se classe au 163e rang mondial dans l’indice ND-GAIN. Cet indice résume la vulnérabilité d’un pays au changement climatique et sa capacité à relever les défis qui en résultent afin d’améliorer sa résilience.

En outre, l’Ouganda se classe 29e sur 77 pays du Sud dans l’indice sur l’éducation des filles et les défis climatiques (GECCI), une indication que l’éducation des filles reste menacée par les chocs climatiques.

Ces deux indices montrent donc que l’Ouganda n’a pas renforcé sa résilience face aux crises climatiques extrêmes, notamment en ce qui concerne l’éducation des filles. L’éducation n’est pas seulement la clé pour combler les écarts d’inégalité entre les sexes car les stratégies qui ciblent le maintien des filles à l’école sont également essentielles pour produire des résultats positifs en matière de changement climatique.

Comment l’éducation des filles favorise-t-elle la résilience au changement climatique ?

L’éducation apporte aux filles des connaissances et des compétences essentielles pour ce qui est de contribuer à la résilience au changement climatique de leur société et de la renforcer. Les recherches montrent que l’éducation des filles leur permet de mieux connaître leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, d’en prendre conscience et de se faire entendre pour les défendre. Cela encourage l’autodétermination des filles et accroît par conséquent leur participation active à l’action climatique ainsi que leur capacité d’adaptation, tout en faisant progresser la justice climatique et l’égalité entre les hommes et les femmes.

En outre, grâce à l’éducation, les filles peuvent acquérir des « compétences vertes » qui, à long terme, les préparent à des emplois verts qui soutiendront à leur tour l’évolution de leur pays vers une économie verte. L’éducation favorise également la confiance en soi, ce qui permet aux filles de devenir des agents de transformation et des meneuses au sein de leur foyer et de leur communauté, et donc de promouvoir des stratégies d’adaptation dans leur société.

En outre, grâce à leur éducation, les filles développent une conscience environnementale qui leur permet de défendre des stratégies durables et à faible émission de carbone dans le processus de développement, ainsi que des stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, telles que la cuisine propre. En effet, l’éducation favorise la connaissance d’une variété d’approches et de voies assurant la résilience face au changement climatique, qui améliorent le bien-être des ménages pour un minimum de risques. Par exemple, la réussite scolaire des filles va de pair avec une amélioration de la préparation, de la réaction et de la récupération en cas de sécheresse. Enfin, elle améliore l’accès aux informations, telles que les prévisions et les alertes météorologiques.

Comment le changement climatique perturbe-t-il l’éducation des filles ?

Les chocs climatiques renforcent les stratégies négatives de lutte contre la pauvreté, en particulier dans les zones rurales. Les familles forcent les filles à se marier tôt, afin de toucher une dot qui compense la baisse des rentrées d’argent après des mauvaises récoltes causées par les intempéries. Cette pratique et les conséquences qui en découlent, telles que des grossesses ou des obligations matrimoniales, augmentent la probabilité que les filles abandonnent l’école. Dans une étude de 2017 sur la vulnérabilité à la sécheresse dans 16 districts des régions de l’Ouest, de l’Est, du Centre, de Karamoja et de Teso en Ouganda, 18 % des personnes interrogées ont fait état de mariages précoces forcés en échange d’argent et de nourriture.

Ajoutons que la vulnérabilité climatique accroît les responsabilités domestiques des adolescentes. Quand les parents recherchent un travail supplémentaire pour pallier les problèmes financiers et de ressources liés aux conditions météorologiques extrêmes, le fardeau domestique est transféré aux filles. Cela les oblige à abandonner l’école ou à la fréquenter de manière irrégulière, ce qui a une incidence négative sur leurs résultats aux examens.

De même, la baisse des revenus des ménages à cause des chocs climatiques entraîne le non-paiement des frais de scolarité. Cela signifie que les filles doivent s’engager dans des activités génératrices de revenus parallèlement à l’école ou abandonner complètement, ce qui contribue à la dévalorisation de l’éducation des filles.

Les recherches montrent que, à l’ère du changement climatique dans le district de Kiruhura, 25 % et 13 % des jeunes femmes parcourent de plus longues distances pour, respectivement, aller chercher de l’eau et cuisiner, contre 20 % et 10 % des jeunes hommes. Par ailleurs, à Isingiro, 3,8 % des filles ont cherché un travail rémunéré en réaction au stress climatique.

La destruction physique des infrastructures scolaires par les inondations et les tempêtes perturbe également l’éducation, entraînant des fermetures d’écoles temporaires et parfois prolongées. Toutefois, lors des fermetures longue durée les filles sont plus susceptibles que les garçons d’abandonner l’école.

Quelles sont les stratégies mises en œuvre pour garder les filles à l’école ?

Les stratégies ciblant le lien entre changement climatique et maintien des filles à l’école ne sont pas très précises. Cependant, le Plan national de développement III de l’Ouganda et la Politique nationale ougandaise sur le changement climatique (UNCCP) (2015) proposent d’intégrer la dimension de genre dans les stratégies d’adaptation et d’atténuation afin de réduire la vulnérabilité des femmes et des enfants face au changement climatique.

Plus précisément, le gouvernement a l’intention d’entreprendre des programmes axés sur les aspects découlant du lien entre les tendances démographiques et de population et les effets du changement climatique. En effet, l’UNCCP promeut les droits en matière de santé reproductive, en particulier le droit de prendre des décisions en matière de procréation, la santé des enfants, l’amélioration du statut des femmes et, surtout, l’éducation post-primaire afin de jeter les bases de la résistance au changement climatique. Parallèlement, l’intégration des questions de changement climatique et d’égalité des sexes dans les programmes scolaires est en cours.

En dehors de ces aspects, l’Ouganda a pris des mesures pour assurer l’éducation des filles via l’espace politique, la qualité de l’éducation, la planification et la mise en œuvre de programmes ciblant la scolarisation des filles, leur maintien à l’école et l’achèvement de leur scolarité. Par exemple, la stratégie nationale pour l’éducation des filles (NSGE) en Ouganda (2015-2019) et la politique de genre dans l’éducation (GEP) de 2009 se sont engagées à combler l’écart entre les sexes dans l’éducation en augmentant l’accès à l’éducation, en créant des environnements scolaires tenant compte du genre, des programmes d’éducation sexuelle et en renforçant les capacités d’enseignement, en particulier par le recrutement d’enseignantes que les filles peuvent admirer et vouloir imiter.

La mise en œuvre du programme d’éducation des filles montre que l’écart de scolarisation dans le primaire s’est comblé et que le taux d’achèvement est passé de 44 % en 2008 à 72 % en 2014 pour les filles, leur taux de réussite passant de 65,3 % à 86,2 %. Le taux d’inscription des filles dans l’enseignement secondaire a augmenté d’un pour cent au cours de la même période, mais son accès est resté inéquitable.

En 2017, un nombre relativement égal de filles et de garçons étaient inscrits dans les écoles primaires (4,45 millions de filles et 4,40 millions de garçons). Dans le secondaire, les effectifs baissent sensiblement quel que soit le genre, mais surtout pour les filles. En 2017, 645 000 étudiantes fréquentaient le secondaire contre 716 000 étudiants.

Par conséquent, bien que les mesures politiques favorisent le maintien des filles à l’école, les données suggèrent la nécessité de stratégies plus ciblées pour augmenter la scolarisation et le maintien dans le secondaire, afin de tirer profit non seulement de l’égalité des sexes et de l’avenir des filles, mais aussi de la résilience de l’Ouganda face au changement climatique.

Catherine Otayek
Blog Manager, GlobalDev
Aida K. Nattabi
Analyste de recherche, EPRC