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Droits fondamentaux et égalité

Améliorer les résultats scolaires en Bulgarie : données et recherche

7 min

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Tihomira Trifonova

Il est bien connu qu’un faible niveau d’alphabétisation a des conséquences néfastes tant pour les individus que pour la société tout entière. Comme le précise cet article, l’alphabétisation ne s’arrête pas aux compétences en lecture : elle implique la capacité à comprendre ce qu’on lit et, à l’aide des connaissances acquises, à l’utiliser et à l’évaluer de manière critique. Plus largement, l’alphabétisation fonctionnelle est la capacité à faire face aux circonstances de la vie, tandis que l’analphabétisme fonctionnel généralisé rend toute une société dysfonctionnelle. C’est là tout l’intérêt des évaluations internationales à grande échelle des résultats scolaires qui peuvent éclairer les efforts nationaux visant à améliorer la qualité de l’éducation. Sans oublier non plus l’intérêt de la recherche qui permet d’interpréter les résultats afin de mettre en œuvre des politiques et pratiques efficaces.

Les évaluations internationales à grande échelle des résultats scolaires permettent de mesurer l’alphabétisation fonctionnelle. Leurs résultats sont destinés à documenter les efforts nationaux qui sont faits pour améliorer la qualité de l’éducation. En Bulgarie, les deux dernières vagues d’une de ces évaluations – PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) – ont révélé, concernant les compétences en lecture, une proportion alarmante d’élèves analphabètes.

Pourtant, l’évaluation externe nationale (NEA) au même stade de la scolarité – organisée par le ministère de l’Éducation du pays – a donné des résultats différents. Plus encore, les résultats ne sont pas comparables, de sorte qu’il est impossible de dire quelles réformes éducatives sont nécessaires ni quelle est la façon de les mettre en œuvre.

Ce que l’enquête PISA évalue dans son volet sur la maîtrise de la lecture est un ensemble de compétences visant à montrer ce que les apprenants comprennent d’un texte en tant qu’élément d’information et ce qu’ils peuvent en faire. Il s’agit donc d’un outil orienté vers l’avenir, qui mesure l’alphabétisation fonctionnelle.

Lors du dernier test PISA, en 2018, le résultat moyen des élèves bulgares était de 420 points. La signification de ce résultat n’est pas intrinsèque mais relationnelle, il faut prendre en compte tous les participants au test. Le score moyen des pays est comparé à celui des autres pays de l’OCDE, soit 487 points en 2018. Ce résultat place les étudiants bulgares au dernier rang des pays européens.

En effet, depuis l’évaluation PISA de 2012, les résultats de la Bulgarie ne cessent de se dégrader. Par exemple, dans le dernier test, l’indicateur le plus important, celui des élèves dont les résultats sont inférieurs au niveau critique 2 – le seuil d’alphabétisation fonctionnelle – avoisine les 50 %. Dans le même temps, le nombre d’élèves dont les résultats sont aux niveaux 5 et 6, les plus élevés, est inférieur à 5 %.

Cette découverte a suscité un vaste débat public, au cours duquel diverses opinions ont été exprimées. Certains ont blâmé le système éducatif obsolète (son contenu), d’autres la préparation insuffisante des enseignants (la méthode) et d’autres encore le manque d’intérêt des étudiants et des enseignants (la motivation).

Pour ce qui est des tests nationaux, leur objectif est de servir à réformer les programmes scolaires, les plans et le contenu des cours et à réajuster les méthodes d’enseignement afin d’améliorer la qualité de l’éducation. Pourtant, lorsque nous étudions les résultats, nous constatons qu’ils présentent des données de faible qualité, qui ne sont pas adaptées à l’analyse en raison de nombreuses omissions et incohérences.

Par exemple, si nous prenons les résultats pour 2015, qui correspondent à la vague d’évaluation PISA précédente, la moyenne annoncée est de 58,68 sur 100, ce qui est un score de « bon à très bon ». Mais après avoir examiné et vérifié la cohérence des données, nous avons obtenu une note moyenne de 34,10 sur 100, la partie la plus basse de la fourchette.

Alors, que se passe-t-il lorsque nous mettons les résultats des deux évaluations face à face ? D’abord, nous avons un résultat NEA qui, selon l’interprétation bulgare, est qualifié d’assez bon, et un résultat PISA indiquant un analphabétisme fonctionnel de près de la moitié de la population. Ensuite, nous constatons une différence négligeable entre les scores des deux dernières vagues PISA, mais une différence substantielle entre les évaluations respectives du NEA.

Un autre ensemble de données montre une véritable différence. Il y a plusieurs années, le concept « d’école innovante » a été introduit en Bulgarie, permettant à chaque école de concevoir et de mettre en œuvre de nouvelles approches, méthodes, activités d’enseignement et d’apprentissage et de les certifier comme innovantes. Quand on analyse les résultats NEA des écoles certifiées des cinq dernières années, on découvre qu’elles ont toujours obtenu les meilleurs résultats.

Quelles sont les principales conclusions de cette recherche ?

D’abord, les résultats des tests internationaux et nationaux ne sont pas comparables en raison de la grande différence de méthodes et de contenu entre les tests eux-mêmes. Ce décalage empêche de les utiliser pour étayer les réformes qui visent à améliorer la qualité de l’éducation.

Deuxièmement, le système national de classement des résultats ne correspondant pas aux normes internationales, il ne peut fournir un niveau suffisant d’assurance qu’il est adapté.

Troisièmement, alors que les données accessibles – telles que les résultats de l’enquête PISA – se multiplient à l’échelle mondiale, leur donner un sens n’est pas facile. La connaissance oriente la société, mais c’est la recherche qui permet de savoir si les idées doivent être prouvées pour être considérées comme des connaissances.

La recherche est importante pour trois raisons.

D’abord, c’est un moyen de comprendre et de sensibiliser le public à différents sujets. Dans l’éducation par exemple, le problème est clairement systémique et ne peut être résolu uniquement par des initiatives civiles. Si elles sont correctement ciblées, ces dernières peuvent apporter une contribution, mais elles ont besoin d’informations et d’orientation. Ce qui conduit à la deuxième raison.

La recherche est un moyen de mettre au jour, d’évaluer et de saisir des opportunités. La lutte contre l’analphabétisme fonctionnel est une tâche ardue qui peut être abordée de différentes manières. Mais même avant cela, il y a de nombreuses questions auxquelles il faut répondre : où sont les carences les plus graves (au niveau du contenu, de la méthode ou de la motivation) ? Les carences numériques et linguistiques sont-elles liées ? Et sont-elles liées à la façon dont les connaissances sont transmises à l’école ?

Des opportunités se cachent dans les réponses à ces questions et pour les découvrir, nous avons besoin de preuves. Ces dernières se retrouvent généralement dans les données, mais en étudiant celles qui sont disponibles, nous nous rendons compte qu’il faut, dans un premier temps, les rendre utilisables. Dans notre cas, cela sous-entend un traitement permettant de révéler les facteurs pertinents et d’illustrer les corrélations et liens possibles. En même temps, cela dévoile les lacunes potentielles.

La troisième raison pour laquelle la recherche est importante est qu’elle est un moyen de révéler les idées fausses et de consolider les vérités. Parfois, cela met en lumière des problèmes ignorés et des questions que nous ne savions pas qu’il fallait poser.

Le Centre Immigration et Intégration (CII) est une organisation civile qui s’appuie sur la recherche dans son travail avec les jeunes. Parce que notre mission est de traiter les problèmes liés à la jeunesse, nous surveillons de près les développements de notre société, ainsi que ceux du reste du monde.

D’expérience, nous savons que pour trouver les causes d’un problème, il faut une question bien formulée. Pour le CII, fonctionner comme une organisation civile implique une activité responsable socialement. Cette responsabilité n’est pas seulement une posture – elle nécessite également des connaissances.

 

Tihomira Trifonova
Center for Immigration and Integration