Droits fondamentaux et égalité

Inégalités de genre et inefficacité du cadre juridique au Nigeria et au Vietnam

5 min

by

Soyem Osakwe and Nhung Phung

Comment les femmes des pays du Sud sont-elles exclues du processus de développement ? Cet article, le second de deux volets, met en lumière les leçons tirées de la situation au Nigeria et au Vietnam, en se concentrant en particulier sur la manière dont les cadres juridiques existants peuvent contribuer aux inégalités entre les hommes et les femmes.

Partout dans le monde, les femmes sont confrontées à des obstacles aux racines profondes qui les empêchent d’atteindre l’égalité avec les hommes. Comme nous l’avons expliqué dans un précédent article consacré au Nigeria et au Vietnam, les femmes ne sont pas bien servies par les services publics et le travail de soins non rémunéré qu’elles accomplissent est sous-estimé. Leurs perspectives de travail rémunéré sont très différentes de celles des hommes.

La loi, qui devrait être un instrument permettant d’instaurer la justice et de surmonter ces inégalités, peut malheureusement devenir un outil de marginalisation qui les exacerbe.

Comment la loi contribue-t-elle à aux inégalités entre les hommes et les femmes au Nigeria et au Vietnam ? Examinons les faits.

Un corps législatif dominé par les hommes et l’impact de l’activisme

En raison de la prédominance masculine au sein du corps législatif nigérian, les femmes sont confrontées à un défi de taille en matière de représentation et de reconnaissance. Makama, chercheuse en sciences politiques, affirme qu’au Nigeria, le patriarcat élève les hommes à des postes d’autorité dans la société comme dans les familles. En conséquence, les hommes ont plus d’opportunités politiques et économiques, y compris au niveau des droits de succession.

Il convient de noter que les efforts de sensibilisation, tels que des manifestations, l’activisme numérique et la mobilisation des communautés pourraient progressivement réussir à produire des résultats modestes. On peut citer à titre d’exemple l’adoption de la loi « Rivers State Prohibition of the Curtailment of Women’s Right to Share in Family Property Law No. 2 of 2022 » (loi de 2022 qui interdit la restriction du droit des femmes à partager les biens familiaux). Ce texte législatif confirme le droit des femmes de l’État de Rivers, au Nigeria, à une part de la propriété des biens de leur famille.

En réponse à l’augmentation de la violence à l’égard des femmes et des filles dans le pays, qui illustre à quel point les services publics échouent à répondre aux besoins des femmes, les efforts de sensibilisation ont conduit à l’adoption de la loi sur l’interdiction de la violence à l’égard des personnes (VAPP) dans 34 États du Nigeria. La VAPP est un texte législatif complet qui vise à enrayer la menace que représente les violences sexistes dans le pays. Pourtant, malgré l’adoption de la VAPP dans plusieurs États, les poursuites contre les auteurs de violences restent peu nombreuses, ce qui souligne la nécessité non seulement de faire adopter les lois en vigueur, mais aussi de les mettre en œuvre.

En ce qui concerne le cadre juridique de la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, le Vietnam a enregistré des améliorations significatives, mais il reste encore des défis à relever. La première loi vietnamienne sur l’égalité entre les hommes et les femmes a été promulguée en 2006, afin de lutter contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en particulier des minorités ethniques et des femmes vivant en milieu rural. Depuis, plusieurs autres politiques et mesures ont été adoptées, notamment la stratégie nationale sur l’égalité des sexes pour la période 2021-30, qui vise à promouvoir l’égalité des sexes et l’entrepreunariat des femmes dans le pays.

Cependant, certaines dispositions de la loi de 2006 ne sont pas entièrement conformes à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et à d’autres traités adoptés par le gouvernement vietnamien. Par exemple, la loi n’a pas encore pris en compte la discrimination indirecte. En outre, il existe des écarts considérables entre la loi de 2006 et les lois en vigueur au Vietnam, telles que la loi sur le mariage et la famille, la loi sur la prévention et le contrôle de la violence domestique, la loi sur l’assurance sociale, etc.

Par exemple, la loi sur l’organisation de l’administration locale et la loi sur l’organisation de l’Assemblée nationale n’ont pas prévu suffisamment de mesures pour renforcer la participation des femmes dans les instances décisionnelles. Il existe encore certains obstacles dans le cadre juridique national qui entravent les progrès du Vietnam en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes, et qui vont demander des efforts supplémentaires pour être surmontés.

En conclusion

Les exemples présentés ci-dessus montrent que dans les pays du Sud, les femmes subissent encore des inégalités sous différentes formes que ce soit dans leurs familles, leurs communautés ou dans les pays dans lesquels elles vivent. La recherche et l’expérience pratique indiquent que les disparités entre hommes et femmes affectent un certain nombre d’aspects de la vie qui, mis bout à bout, pourraient encore affaiblir la condition des femmes. Les droits des femmes et des filles doivent donc être abordés dans le cadre d’une stratégie multisectorielle, qui mettrait délibérément l’accent sur la mise en œuvre efficace de la législation et le financement approprié des mesures liées à l’égalité entre les hommes et les femmes. En outre, les initiatives de développement doivent tenir compte de la diversité des problèmes dans chaque région, pays et communauté afin de créer des solutions et des programmes d’évolution qui reflètent les réalités de chaque population et rapprochent les femmes de la parité entre les sexes et de l’égalité totale.

Soyem Osakwe
Professionnelle de la communication pour le développement
Nhung Phung
Personnel de communication, ActionAid Vietnam