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Le rôle des jeunes dans la transformation des systèmes alimentaires en Afrique
Économie, emplois et entreprises

Le rôle des jeunes dans la transformation des systèmes alimentaires en Afrique

7 min

by

Rodney Kurai Mushongachiware

L’agriculture joue un rôle central dans la création d’emplois productifs et d’opportunités entrepreneuriales pour les jeunes en Afrique. Alors que le secteur entre dans une nouvelle ère, celle de l’«agriculture 4.0», où les solutions résident dans la numérisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle, les jeunes férus de technologie peuvent jouer un rôle déterminant dans la transformation des systèmes alimentaires de leurs pays. Cet article montre que les gouvernements africains et les partenaires du développement doivent adopter des politiques en faveur des jeunes pour inciter davantage de jeunes à rejoindre le secteur agricole et promouvoir une plus grande sécurité alimentaire.

Les systèmes actuels de production, de transformation, de distribution et de consommation des aliments dans le monde sont largement reconnus comme non durables d’un point de vue écologique et social. Selon les projections de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), si les systèmes actuels de production alimentaire non durables sont maintenus, il pourrait être difficile de nourrir la population humaine grandissante, qui devrait atteindre près de dix milliards de personnes d’ici 2050. 

Les analystes des politiques agricoles et des systèmes alimentaires ont appelé à une transformation méthodique des systèmes alimentaires pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, l’équité, la lutte contre la pauvreté, la durabilité écologique et d’autres objectifs de développement durable. L’engagement des jeunes est essentiel pour réaliser cette transition vers des systèmes alimentaires durables, en particulier dans les pays en développement où vit la majorité des jeunes et où les systèmes agroalimentaires s’avèrent être le plus gros employeur

Dans de nombreux pays africains en développement, les jeunes sont impliqués dans de nombreux rôles et espaces au sein des systèmes alimentaires. Ils jouent un rôle dynamique et diversifié en tant que producteurs alimentaires – contribuant à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de leurs foyers et de leurs communautés ; en tant qu’entrepreneurs et innovateurs – tirant parti de la technologie pour révolutionner le secteur agroalimentaire ; et en tant qu’agents du changement – environnementalistes, chercheurs, militants, journalistes, etc. – sensibilisant leurs communautés aux moyens de devenir plus résistantes aux chocs climatiques.

La majorité des jeunes des pays africains vivent dans les zones rurales, où ils rejoignent le secteur agricole dès l’enfance, par le biais de la production familiale de subsistance et des programmes d’enseignement. De nombreux pays en développement d’Afrique subsaharienne connaissent une explosion de la population jeune, les personnes âgées de 15 à 34 ans représentant plus de 40 % de la population. Les jeunes constituent donc un groupe démographique important pour le développement de l’Afrique et, aujourd’hui, la plupart des initiatives agricoles visent ce groupe afin d’accroître leur participation au développement agricole et économique. 

L’une de ces initiatives est le programme d’innovation politique Byte by Byte, une stratégie politique active dans sept pays africains : Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Maroc, Nigéria, Rwanda et Sénégal. Ce programme vise à transformer les systèmes alimentaires africains grâce aux technologies numériques, en examinant le rôle des innovations et des politiques institutionnelles dans l’amélioration de l’accès des agriculteurs aux marchés, aux informations et aux technologies numériques. 

En l’absence de soutien financier et technique, la productivité des jeunes dans l’économie rurale peut être freinée par des obstacles à la production tels que le manque d’accès aux ressources. Ils exploitent généralement de plus petites parcelles de terre, préférant des saisons plus courtes et des entreprises agricoles à forte valeur ajoutée, telles que la production horticole, l’aviculture, l’apiculture et l’élevage de lapins.

Un financement agricole ciblant spécifiquement les jeunes est essentiel pour soutenir ces derniers, comme le montre l’Empower Bank au Zimbabwe. Dans d’autres pays – dont la République démocratique du Congo, le Mozambique, le Rwanda et la Tanzanie – les gouvernements se sont associés à des entrepreneurs et à des organismes de financement pour offrir un soutien financier et technique aux jeunes et les aider à élaborer des propositions d’agrobusiness « bancables ». Des opportunités telles que celles-ci font une énorme différence dans la promotion des jeunes dans l’agriculture. 

Malgré les initiatives visant à promouvoir la production agricole et l’engagement des jeunes dans l’agriculture, la production agricole du continent africain reste faible par rapport au reste du monde. Cette situation est exacerbée par les pressions exercées sur les agriculteurs par la crise climatique ainsi que par le faible taux d’adoption des technologies modernes qui peuvent améliorer leur productivité face aux menaces climatiques. 

Le monde d’aujourd’hui est porté par de nombreuses nouvelles technologies telles que les blockchains, l’intelligence artificielle et Internet. Or, par rapport aux agriculteurs plus âgés, les jeunes sont plus innovants et adoptent mieux les technologies modernes. Ceux-ci pourraient transformer cette révolution numérique en action climatique pour des systèmes alimentaires durables en Afrique. 

Historiquement, l’agriculture était boudée par de nombreux jeunes et perçue comme un domaine réservé aux population pauvres et moins instruites. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont attirés vers l’agriculture grâce aux technologies agricoles modernes qui permettent d’intensifier la production et d’augmenter les revenus. Grâce aux réseaux sociaux, certains de ces jeunes « agripreneurs » font connaître leurs entreprises et inspirent ceux qui les suivent à se lancer dans l’agrobusiness.

En outre, les jeunes africains investissent souvent dans des activités qui soutiennent et influencent la chaîne de valeur alimentaire. Les soutiens de cette chaîne de valeur comprennent les banquiers, les conseillers, les courtiers et les fournisseurs de crédit, de machines et d’autres services divers. D’autres jouent un rôle important dans la transformation des systèmes alimentaires de leur pays en tant qu’influenceurs de la chaîne de valeur : étudiants, chercheurs, décideurs politiques et activistes climatiques. 

La nécessité d’une production axée sur la connaissance a conduit à une augmentation significative du nombre de jeunes chercheurs qui s’engagent dans la recherche et découvrent des moyens innovants pour résoudre les différents défis auxquels sont confrontés les systèmes agroalimentaires africains. Par exemple, les jeunes sont considérés comme des acteurs importants dans les programmes de recherche d’organisations telles que le Consortium of International Agricultural Research Centers (CGIAR) et les négociations internationales sur le changement climatique.

Des initiatives menées par le secteur privé, telles que le Youth Ag Summit (Sommet des jeunes agriculteurs) soutenu par Bayer, créent également des opportunités pour les jeunes du monde entier de discuter des défis de la sécurité alimentaire et de partager des informations sur les opportunités offertes par l’agriculture. Toutes ces initiatives offrent la possibilité de construire et de transformer le système alimentaire africain en entreprise. 

Conclusion

Tout en examinant les données relatives aux opportunités, aux défis et aux politiques, cet article a abordé le rôle que peuvent jouer les jeunes dans la transformation des systèmes alimentaires africains. Malgré les défis tels que le faible accès à la terre, au crédit et aux marchés, le contexte économique dans lequel évoluent les jeunes leur offre de nombreuses possibilités de transformer les systèmes alimentaires africains et générer des revenus.

Les possibilités économiques et d’emploi limitées dans les secteurs urbains et non agricoles de la plupart des pays africains ont accru l’intérêt des décideurs politiques et des planificateurs du développement pour une « transformation rurale incluant des jeunes », l’agriculture dans les zones rurales devant être idéalement intensive et à vocation commerciale. Les initiatives futures devraient se concentrer sur des approches tenant compte des aspirations des jeunes et relevant les défis liés à l’accès aux ressources, telles que la terre et le crédit.

Il faudrait faire davantage pour inciter les jeunes, en particulier dans le secteur rural, à s’engager dans l’agriculture et pour les intégrer aux chaînes de valeur agricoles :

  • Transformer les zones rurales par des investissements dans les infrastructures et d’autres services.
  • Soutenir les projets agro-industriels des jeunes grâce à des subventions compétitives.
  • Démontrer la réussite de l’agro-industrie gérée par des jeunes sur les réseaux sociaux et autres.
  • Améliorer le développement des compétences par l’apprentissage et le partage d’informations.

Ces initiatives contribueront à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle et permettront également de relever le défi du vieillissement de la population agricole africaine.

 

Un jeune Zimbabwéen dans l’aviculture.

 

Auteur.e.s :

 

Olga Mapanje est doctorante à l’Université de Pretoria. Ses recherches portent sur le rôle des interventions publiques dans le déblocage du financement climatique dans l’agriculture. 

Rodney Mushongachiware est économiste agricole, fort de huit ans d’expérience dans le développement des marchés agricoles pour les petits exploitants du Zimbabwe. 

Rodney Kurai Mushongachiware
Agricultural Economist