Droits fondamentaux et égalité

Garantir l’accès des filles à une éducation de qualité

8 min

by

Maureen Kizito and Liza Darvas

L’éducation est l’un des instruments les plus puissants pour asseoir les bases d’une croissance durable, réduire la pauvreté et les inégalités, et améliorer la vie des femmes. Mais les filles sont à la fois moins susceptibles d’aller à l’école, plus susceptibles d’abandonner leurs études et beaucoup moins susceptibles d’aller à l’université. Cet article, qui se penche sur les moyens de garantir l’accès des filles à un enseignement secondaire de qualité, conclut que si l’on améliore l’éducation des filles, les résultats des garçons s’en trouveront également améliorés. Lorsque les filles étudient, tout le monde est gagnant.

L’éducation des filles est un élément moteur du développement économique, de la stabilité géopolitique et des progrès en matière de changement climatique, comme le montrent les recherches menées par le Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) et la Banque mondiale. L’amélioration de l’accès et de la qualité de l’enseignement secondaire des filles en Ouganda est une priorité pour l’ensemble du secteur. Mais il y a un décalage entre cette aspiration et sa mise en œuvre : l’éducation secondaire des filles n’est pas garantie et constitue un objectif complexe à atteindre.

Le défi de l’enseignement secondaire est particulièrement difficile à relever en termes de scolarisation et d’accès, notamment pour les filles. Les faits montrent que les filles sont systématiquement à la traîne en termes de taux d’achèvement de la scolarité, de niveau d’instruction et d’alphabétisation. En Ouganda, moins de 30 % des adolescentes achèvent le premier cycle de l’enseignement secondaire.

En outre, les stéréotypes négatifs empêchent les filles de s’instruire, car les attentes culturelles quant à la façon dont elles sont traitées et élevées, à la maison, à l’école et dans leur communauté, persistent. Cela se traduit par la façon dont elles sont traitées en classe, où il est prouvé que les enseignants ont traditionnellement des attentes moins élevées mais davantage de préjugés à l’égard des étudiantes.

L’accès des filles à un enseignement secondaire de qualité est corrélé à des taux de fécondité plus faibles et à des niveaux plus élevés de participation des femmes à la société. Pour aider les filles à aller jusqu’au bout de leur éducation secondaire et à réaliser leur plein potentiel en matière de réussite scolaire, et pour les préparer à devenir des membres productifs de la société, il est nécessaire de trouver des solutions tenant compte du genre, participatives et adaptées au contexte.

Pour assurer cette mission, il est essentiel de prendre en compte les faits concernant l’éducation des filles et de les placer au centre de toutes les phases du programme – planification, conception, exécution et suivi. Plusieurs éléments prouvent ce qui fonctionne dans la pratique.

Pédagogie tenant compte du genre

Les données mondiales mettent en évidence le rôle important des chefs d’établissement et des enseignants dans l’amélioration des résultats scolaires des filles, car ce sont eux qui peuvent créer un environnement propice à l’apprentissage. Le renforcement de leurs capacités en matière de leadership pédagogique pour une pédagogie de qualité et équitable est au cœur de ce rôle.

Mais il y a toujours des obstacles à ce que les chefs d’école puissent remplir ce rôle. La stratégie nationale ougandaise pour l’éducation des filles est une étape prometteuse vers une approche cohérente pour soutenir les filles dans l’éducation et démontre l’engagement du gouvernement. Notre expérience montre qu’il peut être difficile pour les chefs d’établissement de traduire cet engagement en objectifs ou résultats spécifiques, ce qui en entrave la mise en œuvre.

La formation à la direction pédagogique et à la planification de l’amélioration de l’école tenant compte de la dimension de genre est un élément essentiel pour donner aux enseignants les moyens de soutenir leurs élèves de sexe féminin. Dans les écoles secondaires qui font partie du programme PEAS (Promoting Equality in African Schools), on constate qu’un encadrement fort entraîne une augmentation des résultats aux tests allant jusqu’à 10 points de pourcentage. Il a également été démontré qu’un aspect essentiel de la haute qualité de la direction des écoles PEAS est la compréhension par les responsables des objectifs d’apprentissage individuels des élèves et que cette compréhension est fortement corrélée à une progression plus rapide de l’apprentissage.

Lorsque les enseignants sont formés et encouragés à utiliser des méthodes d’enseignement axées sur les besoins des apprenants et tenant compte des différences entre les sexes, il est clairement démontré que les comportements et les attitudes des filles et des garçons en classe changent. Il s’agit, par exemple, de poser aux filles et aux garçons des questions présentant le même niveau de difficulté, d’inviter les filles et les garçons à participer à part égale et de remettre en question les préjugés culturels largement répandus sur les rôles et les capacités liés au sexe.

Cette approche contraste avec l’approche centrée sur l’enseignant que l’on retrouve historiquement dans les écoles ougandaises. Dans l’évaluation du défi de l’éducation des filles (Girls’ Education Challenge evaluation) du FCDO dans les écoles PEAS, 96 % des filles qui se sentaient bien accueillies par leurs enseignants envisageaient de terminer leur scolarité, alors que seules 82 % des filles qui ne se sentaient pas bien accueillies dans les écoles utilisées pour la comparaison envisageaient d’aller au bout de leurs études secondaires.

Les Clubs de filles

Outre la création et la mise en œuvre d’un programme d’études et d’une pédagogie sensibles au genre, l’enrichissement des compétences sociales et pratiques des filles en dehors de l’école est important pour leur éducation et leur avenir au-delà de la scolarité formelle. Ces compétences comprennent la capacité à construire des relations saines, à gérer le stress et l’anxiété, et à planifier l’avenir. Cela est particulièrement important si l’on tient compte de l’impact négatif qu’ont eu les fermetures d’écoles : le taux croissant de grossesses chez les adolescentes à la suite du Covid-19 risque d’intensifier le fossé entre hommes et femmes pour toute une génération, et démontre le rôle crucial de l’enseignement secondaire dans la réduction des inégalités entre les sexes (Fondation Mo Ibrahim).

Les clubs de filles – des espaces et groupes au sein même de l’école qui visent à créer un environnement sûr permettant à toutes et tous les élèves d’explorer leurs centres d’intérêt, de s’informer sur la santé et l’hygiène menstruelles et de se confier aux enseignants – sont un moyen efficace de transmettre des compétences non techniques. Il a été démontré que les clubs, dans des contextes variés, peuvent avoir un impact positif sur les compétences de vie des filles.

Les clubs de filles peuvent également atténuer les effets négatifs futurs des fermetures d’écoles sur la scolarisation et l’assiduité, ce qui, au vu du nombre élevé de filles qui abandonnent l’école, est plus important que jamais. Cet aspect est particulièrement crucial en Ouganda, où les écoles ont été fermées pendant deux ans, la période la plus longue au monde.

Un mécanisme identifié en Sierra Leone révèle qu’en offrant aux filles un club où elles peuvent continuer à se former et à gérer leurs réseaux sociaux, elles ont davantage de chances d’éviter ou de repousser une grossesse. Bien que des interventions ciblées et bien planifiées pour lutter contre des obstacles spécifiques à l’éducation liés au genre soient nécessaires, il est prouvé que les interventions qui ne profitent qu’aux filles peuvent avoir des conséquences inattendues et accroître les clivages entre filles et garçons.

Les interventions générales ont une valeur ajoutée pour les garçons et sont tout aussi efficaces que les interventions axées spécifiquement sur les filles en ce qui concerne ces dernières. Ces interventions impliquent l’intégration de la protection, de l’infrastructure, de la pédagogie et des compétences de vie à l’échelle de l’école.

Les clubs de filles sont également un élément central du modèle PEAS. Ces clubs sont dirigés par des élèves afin d’encourager des discussions plus ouvertes, la recherche ayant démontré l’efficacité de ce modèle de pair à pair. Les garçons participent également aux clubs, afin de contribuer au changement d’attitude aux niveaux de l’école et de la communauté. Dans l’évaluation réalisée par le FCDO en 2019, les enseignants ont établi un lien entre les clubs de filles et l’augmentation de la confiance qu’elles ont en elles.

Les modèles féminins stimulent la réussite des filles et le succès des transitions post-scolaires  

Des données suggèrent que les clubs de filles et les programmes visant leur autonomisation peuvent aider à faire évoluer les normes, les attitudes et les pratiques liées au genre en renforçant la confiance en soi des filles, en les encourageant à exprimer leurs points de vue. L’exposition à des dirigeantes en tant que modèles améliore les opinions des étudiantes envers elles-mêmes et envers les autres filles et femmes, et affaiblit les stéréotypes sexistes sur les rôles et les normes. Les recherches de Brookings suggèrent également que la popularisation de modèles féminins augmentent de manière significative les aspirations des parents pour leurs filles et les aspirations des adolescentes pour leur propre éducation et leur carrière.

Les modèles féminins permettent également aux élèves à apprendre de nombreuses compétences utiles en dehors des salles de classe, et constituent une stratégie importante pour l’autonomisation des adolescentes qui leur permet de prendre le contrôle de leur éducation. Le développement des compétences permet aux filles d’acquérir les connaissances nécessaires pour gérer leur adolescence, les relations et le monde des finances et de l’épargne.

Les résultats du programme PEAS soulignent que les filles sont davantage motivées à s’inscrire et rester à l’école si elles ont des modèles féminins, et que cela se reflète dans la nomination d’enseignantes expérimentées dans les écoles PEAS. La recherche montre que le recrutement d’enseignantes principales dans les écoles PEAS augmente de 264 % les chances des filles de développer des compétences en littératie.

Conclusion

Dans cet article, nous avons exploré certains des éléments clés qui permettent aux filles d’avoir accés à l’éducation. Il est essentiel de donner la priorité à cet aspect du développement et d’intégrer des systèmes tels que ceux évoqués ci-dessus dans les activités générales pour obtenir un changement durable. Faire en sorte que l’éducation fonctionne mieux pour les filles améliore également les résultats pour les garçons. Lorsque les filles étudient, tout le monde est gagnant.

 

Auteur.e.s :

 

Maureen Kizito est responsable de la protection de l’enfance à Promoting Equality in African Schools (PEAS), en Ouganda.

 

Liza Darvas est responsable de l’éducation et des partenariats chez Promoting Equality in African Schools (PEAS).

Maureen Kizito
Child protection officer at PEAS
Liza Darvas
Education and Partnerships Officer, PEAS