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Inde : transition de l’agriculture et croissance du secteur informel
Économie, emplois et entreprises

Inde : transition de l’agriculture et croissance du secteur informel

5 min

by

Anirban Kundu and Saumya Chakrabarti

Le processus de croissance économique en Inde entraîne la dépossession de millions de petits exploitants agricoles et non agricoles, qui trouvent pour la plupart refuge dans les secteurs informels de l’économie. L’auteur souligne le phénomène particulier de « l’approfondissement du dualisme », reflétant non seulement la séparation formel-informel mais également une fracture de l’informalité. L’auteur appelleen réponse à une « conception de politiques dualistes », en encourageant d’une part les liens entre le secteur formel et la partie la plus dynamique et avancée du secteur informel, et d’autre part, un regroupement de petites entreprises informelles.

Alors que l’économie de l’Inde connaît une croissance soutenue, la nature de sa transformation structurelle révèle une tendance troublante. Selon le India Labour and Employment Report 2014, (rapport 2014 sur la main-d’œuvre et l’emploi en Inde) malgré un changement structurel continu de la main-d’œuvre hors agriculture (le secteur primaire), la majorité de l’expansion de l’emploi dans le secteur agricole est non organisée et informelle, caractérisée par de faibles revenus et de mauvaises conditions de travail.

L’analyse sectorielle indique une chute de la croissance de l’emploi dans le secteur de l’agriculture et une augmentation importante des services de niveau inférieur. En ce qui concerne le secteur manufacturier, la croissance de l’emploi est faible. De plus, la majorité de l’expansion de l’emploi dans le secteur secondaire est limitée aux travaux de construction à bas salaires. Ainsi, le secteur informel persiste et s’étend malgré la croissance du secteur formel.

Attraction/Répulsion

L’Inde est-elle donc témoin d’une transformation progressive qui la  sortira efficacement de l’agriculture ? Ou est-ce plutôt le secteur informel qui persiste et même s’étend comme un autre site de misère ( de même qu’avec l’agriculture à petite échelle) ? Et enfin, la croissance du secteur informel et de l’économie dans son ensemble peut-elle résoudre les problèmes du secteur informel ou aggrave-t-elle en réalité le problème ?

Contrairement au discours dominant et aux perceptions populaires, nous avons montré à travers nos recherches sur plus d’une décennie que la croissance de l’économie indienne (grâce à ses secteurs formels) est la première cause de l’expansion du secteur informel.

La croissance économique pousse la population agraire et la population traditionnelle non-agraire, toutes deux en détresse, vers le secteur informel en gestation. Mais seule une partie de cette population est en mesure de profiter des avantages de la croissance à travers ses liens avec le secteur formel.

La plus grande frange de la population informelle non-agricole demeure dissociée des segments modernes dynamiques de l’économie ; ses membres sont engagés dans la production à faible niveau. Ils dépendent en partie des ressources à petite échelle locales et produisent pour les marchés locaux. De plus, cette vaste majorité de personnes dépossédées erre d’une profession à une autre comme des « néo-nomades ».

Par conséquent, nous observons un phénomène particulier : « l’approfondissement du dualisme » (au lieu de son dépérissement, comme on aurait pu l’imaginer). Non seulement existe-t-il une distinction entre les secteurs formel et informel, mais il existe également des fractures au sein du secteur informel.

En termes plus fondamentaux, nous montrons que la dualité est en fait aggravée par l’expansion de la formalité capitaliste. Au lieu de renforcer la croissance inclusive, l’accroissement de la formalité produit une structure économique fracturée et déformée. Il assure la persistance d’une informalité fissurée.

Les secteurs informels (hétérogènes) s’étendent en parallèle avec le secteur formel à travers des facteurs d’attraction et de répulsion : au fur et à mesure que la formalité grandit, les petits agriculteurs, ainsi que les producteurs agricoles indigènes et traditionnels sont asphyxiés du fait de la diminution des ressources. Les petits producteurs sont précipités hors des secteurs agricoles et non agricoles.

La croissance économique, basée sur une expansion des secteurs capitalistes formels, nécessitent d’importantes ressources. Cela entraîne une fuite des ressources tirées des secteurs non capitalistes, en particulier l’agriculture à faible niveau et les activités connexes. Par conséquent, les « Jal-Jangal-Jameen » (eau-forêt-terre) sont soit convertis pour s’adapter à la demande du processus de croissance capitaliste à travers les moyens économiques ou expropriés avec l’utilisation de la puissance politique.

Ce processus alimente la croissance économique, mais dépossède des millions de petits producteurs agricoles et non agricoles traditionnels. Cette masse marginalisée trouve son refuge essentiellement dans les secteurs informels. Cependant, seuls quelques privilégiés peuvent trouver un refuge dans des segments avancés du secteur informel (tiré par la formalité elle-même). Une large frange de cette population migrante est poussée dans des activités informelles mal payées et à petite échelle. Cette informalité s’étend parallèlement à l’approfondissement de l’inégalité ou de la dualité intra-sectorielle.

Démarche à suivre

Si l’informalité (en particulier la large portion qui demeure hors du circuit du capital et de la formalité) doit survivre et se battre, elle doit négocier avec la puissance du capital et de la formalité. Elle ne peut pas éviter la dynamique agressive du secteur formel.

Le défi de l’informalité peut être pertinent uniquement s’il peut agir comme un collectif cohésif ; et un amas de développement de l’informalité pourrait offrir un répit. Les perspectives de regroupement des entreprises informelles à petite échelle et l’organisation du pouvoir socioéconomique et politique, ainsi que les capacités des amas d’entreprises informelles vis-à-vis des structures formelles, pourraient offrir de la matière pour des recherches importantes.

La partie dynamique avancée du secteur informel pourrait prospérer en même temps que le secteur formel en raison de ses liens avec ce dernier. Par conséquent, les décideurs pourraient se conceentrer sur les effets de ces liens pour encourager ce segment du secteur informel. Cependant, pour l’autre portion du secteur informel, qui, elle, est plus en difficulté, une promotion délibérée de l’industrialisation en grappes (dressé contrer l’expansion sectorielle formelle) pourrait être essentielle. Par conséquent, une expansion de l’informalité dualiste suppose une conception politique dualiste.

 

Anirban Kundu
Senior lecturer, Indian Institute of Plantation Management
Saumya Chakrabarti
Associate Professor, Visva-Bharati University, India