Le Kaizen est une méthode japonaise de gestion des entreprises qui vise à améliorer la productivité et la qualité. Cet article présente les résultats d’une étude sur la diffusion du Kaizen dans le monde et sur les conditions nécessaires pour accroître la productivité, notamment grâce à de meilleures pratiques de gestion et à un renforcement du « capital managérial ». Sans surprise, les résultats suggèrent que les spécificités du contexte et des interventions – politique industrielle, structure sociale, qualité de la formation, etc. – sont déterminantes pour l’adoption, la mise en œuvre et l’efficacité de nouvelles méthodes de gestion.
Le manque de capital managérial dans les pays en développement est désormais reconnu comme un obstacle majeur à la croissance de la productivité et à la transformation économique. En effet, l’analyse du World Management Survey (WMS) révèle la dispersion croissante des niveaux de productivité entre les entreprises des pays en développement, la queue gauche de la distribution étant plus épaisse dans ces pays que dans les pays développés.
Les données du WMS montrent une corrélation positive entre la gestion des entreprises et la productivité, et documentent cette hétérogénéité entre les entreprises d’un pays à l’autre, d’un secteur à l’autre et dans le temps. Les résultats soulignent le rôle joué par la structure de propriété des entreprises, les niveaux de concurrence sur le marché des produits et les degrés de réglementation du travail dans les environnements économiques dans lesquels lesdites entreprises évoluent.
Malgré un nombre croissant de recherches, les conditions du renforcement du capital managérial des secteurs privé ou public des pays en développement ne sont pas bien comprises. Un livre à paraître, édité par Akio Hosono, John Page et Go Shimada pour le Global Development Network (GDN) et l’Institut de recherche de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) examine l’efficacité du Kaizen – une méthode de gestion japonaise visant à améliorer la productivité et la qualité – dans de tels contextes.
Le Kaizen a été diffusé et mis en application par l’Institut de recherche de la JICA dans un large éventail de pays : de l’Asie du Sud-Est à l’Amérique centrale et du Sud, en passant par l’Afrique via l’Initiative Kaizen Afrique soutenue par le NEPAD (le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) et la JICA. Au cours de l’étude et sous la direction des trois éditeurs, le GDN et l’Institut de recherche de la JICA se sont associés à des chercheurs du Brésil, du Ghana, des Philippines, et du Vietnam ainsi qu’à des spécialistes du Kaizen de la JICA.
Au-delà de la difficulté que représente la définition de ce que signifie la mise en œuvre d’une pratique de gestion polymorphe telle que le Kaizen, l’étude identifie un certain nombre de questions qui peuvent nécessiter une enquête plus approfondie tant sur le Kaizen que sur toute autre pratique de gestion.
La première, qui fait écho aux conclusions du WMS, est l’hétérogénéité des capacités d’apprentissage et de mise en œuvre du Kaizen, évidemment liée aux incitations qui peuvent mener une entreprise spécifique à changer son organisation du travail. Les entreprises qui tentent de s’intégrer réellement dans les chaînes de valeur mondiales (CVM), en raison de la concurrence et des exigences de leurs clients positionnés plus haut dans les CVM, ont clairement intérêt à mettre en œuvre de telles méthodes.
Pour les petites et micro entreprises, les avantages sont moins clairs et semblent être liés à la disponibilité d’autres mécanismes, tels que les subventions ou les structures de propriété qui peuvent influencer l’adoption et la mise en œuvre de nouvelles pratiques de gestion. Le succès de telles initiatives est donc interdépendant du schéma de politique industrielle qui vise à accroître les capacités des entreprises dans lesquelles elles s’inscrivent.
Au-delà du contexte politique, les efforts à consentir pour transférer un système de travail d’un endroit à un autre sont rendus plus difficiles par les différences dans les concepts de gestion et d’organisation. Et il en va de même pour les méthodes qui sont ancrées dans les structures sociales actuelles. Cela signifie que la diffusion des systèmes de travail d’un contexte vers un autre n’est pas indépendante du contexte social et économique plus large.
Cela est particulièrement clair pour le Kaizen, développé au Japon après la Seconde Guerre mondiale pour remplir deux objectifs : augmenter la productivité et maintenir un niveau d’emploi élevé dans un contexte de mécontentement social.
Certaines questions spécifiques à l’intervention sous-tendent également le succès ou l’échec de la mise en œuvre de nouvelles pratiques de gestion. Il se peut que l’importance de la personne qui assure la formation ne soit pas négligeable : la qualité de la formation dispensée par les vulgarisateurs qui se rendent dans les entreprises joue un rôle essentiel dans le transfert de ces connaissances.
De plus, il est important de savoir comment la formation est structurée, combien de temps elle durera, si les formateurs connaissent le contexte de l’entreprise et si les chefs d’entreprise font confiance aux vulgarisateurs – par exemple, si c’est parce qu’ils ont une bonne réputation, ou si c’est parce que la formation est dispensée par une organisation qui a une certaine influence dans le pays.
Il est délicat d’évaluer l’efficacité des nouvelles méthodes et pratiques de gestion, pour deux raisons. Premièrement, parce que l’adoption desdites méthode peut être coûteuse pour les entreprises – embaucher une société de conseil pour former les gens coûte cher – deuxièmement, parce qu’il n’est pas facile de déterminer ce qu’auraient été les résultats d’une situation contrefactuelle. Mais les évaluations fournissent un cadre qui peut permettre d’étayer des discussions fructueuses sur les conditions nécessaires pour augmenter la productivité par le renforcement du capital managérial. Elles contribuent à ce qui peut être considéré comme un dialogue constructif entre la recherche et la pratique.