Droits fondamentaux et égalité

La complexité de la question de l’égalité des sexes au temps du Covid-19

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Emmanuel Asomba

Il existe de nombreuses preuves montrant les inégalités dans la façon dont le Covid-19 impacte les individus en fonction de leur genre. Cet article analyse certaines des réponses politiques possibles et présente des éléments que les gouvernements devraient exploiter pour remédier aux inégalités qui entraînent des déséquilibres en termes de qualité et de conditions de vie.

La pandémie mondiale a entraîné des préjudices économiques et des bouleversements sociaux et elle a accru la vulnérabilité des communautés et groupes marginalisés. Il existe de nombreuses preuves qui montrent les inégalités dans la façon dont le Covid-19 impacte les individus en fonction de leur genre. Ce qui se produit dans le monde nous incite à revoir nos préjugés et à reconsidérer nos priorités afin de mettre les ressources nationales au service d’un changement de politique. Le bon fonctionnement du gouvernement étant fortement influencé par la qualité de la législation et des réglementations de l’État.

La réflexion qui suit explore les mesures politiques potentielles et les éléments que les gouvernements devraient exploiter pour remédier aux inégalités qui entraînent des déséquilibres en termes de qualité et de conditions de vie. En gardant à l’esprit la double menace des inégalités de genre et du Covid-19, nous analysons la façon dont les gouvernements devraient s’efforcer de donner la priorité aux nouveaux modes de financement, à la préservation des services et à l’expansion de modèles d’emploi progressifs. Tout cela afin d’atténuer les effets des discriminations sexistes sur le marché du travail, en particulier ceux liés au « préjugé de l’aide-soignante ».

Dans le contexte de cette pandémie, la position des femmes en tant que soignantes nous oblige à réfléchir à la répartition inégale du travail de soin non rémunéré. C’est cette inégalité qui limite les progrès possibles en matière de bien-être et de temps disponible des femmes, limitant ainsi leur accès à l’emploi et à d’autres formes d’autonomisation.

Dans ce contexte, les débats sur le rôle du gouvernement dans les domaines du soin et du travail doivent faire apparaître des partenariats solides entre l’État et les autorités locales. Un tel cadre permettrait de préserver le contrat social en renforçant les services de soins, en améliorant les garanties de ces services et en offrant une formation et une protection aux personnes qui dispensent des soins de façon informelle. Le travail non rémunéré doit être limité et réparti en fonction des genres afin d’articuler les efforts de prévention et de lutte pour l’égalité des sexes et l’équité en matière de santé.

Dans la plupart des pays, le débat porte sur les principaux effets de la pandémie. On constate souvent que les systèmes de santé, la qualité des soins et l’application de politiques monétaires et fiscales visant à limiter la diminution de la capacité des personnes à travailler et à produire sont mis à rude épreuve.

Mais nous devons également prendre en compte les effets de facteurs tels que la planification préalable et la résilience, éléments interdépendants des effets secondaires de la pandémie sur les femmes en ce qui concerne l’accès à la protection sociale, aux services de santé et à un travail digne. Ces éléments sont essentiels pour établir des formes de protection souples et soutenir la reprise en réduisant les inégalités entre les sexes.

Une telle approche doit s’inscrire dans un processus continu d’alignement stratégique. Si les informations recueillies sont adéquates, il ne devrait pas y avoir d’interruption de planification, garantissant l’alignement des dépenses pour soutenir les opérations de base des systèmes de protection sociale. Ces systèmes doivent être soutenus par des données détaillées par sexe et par âge afin de pouvoir évaluer la couverture et l’efficacité des niveaux de prestations.

Comme les femmes constituent la majeure partie du personnel de santé (médecins, infirmières, sages-femmes, agents de santé communautaires et agents de nettoyage), des évaluations complètes de leur situation et de leur isolement devraient permettre d’atténuer les effets d’une protection juridique et professionnelle limitée afin de revoir le processus décisionnel national et mondial lors des épidémies.

Les dangers ne doivent pas être passés sous silence car le cadre analytique doit s’appuyer sur des sources précises, comme des données basées sur les réponses des experts juridiques locaux, le droit du travail, les réponses de sondés lors du recensement sur la productivité et les revenus des ménages, la composition des familles, les revenus et d’autres documents officiels.

En principe, l’adéquation et la fiabilité des sources de revenus devraient être les indices permettant de comprendre pourquoi les systèmes de protection sociale doivent permettre d’assurer un apport stable de revenus suffisants pour vivre. Il devrait y avoir un accord général pour trouver des solutions palliatives immédiates sous la forme de services essentiels de filet de sécurité. Les mesures proposées devraient suggérer d’élargir l’éligibilité et l’égalité de traitement sur la base de la répartition des revenus, des services médicaux et de santé, de l’emploi et des programmes de préservation des revenus pour faire respecter les droits des femmes.

Actuellement, il est intéressant de noter que, loin de se contenter de solutions rapides, certains gouvernements proposent d’augmenter l’aide à la protection sociale afin d’élargir la protection et de cibler les femmes travaillant dans le secteur informel.

En Colombie, par exemple, le gouvernement s’appuie sur des évaluations des besoins combinant des programmes d’allègement des impôts, des redevances et des loyers. En plus de ces mesures, le gouvernement fournit une aide d’urgence en espèces de 40 dollars américains, ciblant trois millions de ménages pauvres composés de travailleurs du secteur informel. L’objectif est d’étendre la couverture (horizontalement) par le système d’assistance sociale du pays (SISPEN) et, dans le même temps, de lier le montant des transferts (verticalement) pour intégrer un supplément de revenu de 150 dollars américains pour les familles de travailleurs et les femmes dans certains secteurs.

Un autre aspect est l’expansion des transferts en espèces qui sont de nature à transformer les rapports hommes-femmes, comme les programmes de gouvernement à personne. Il existe des exemples en Inde (modalités de propriété des comptes et d’accès aux fonds), au Pakistan (vérification biométrique des décaissements) et au Nigeria (réseaux de distribution d’encaissements et de retraits).

Pour les décideurs politiques, l’objectif est d’établir des pistes de modernisation, en mettant l’accent sur des programmes de paiement actifs plutôt que passifs pour stimuler l’autonomisation économique des femmes. La nouveauté est que ces programmes se concentrent sur l’inclusion financière des femmes, ce qui constitue un levier qui facilite l’expansion des compétences et des réseaux de soutien entre pairs pour encadrer la prestation de services financiers numériques. Les principaux objectifs sont de prévenir les inégalités de genre et de réduire les facteurs de stress qui pèsent sur la santé physique et mentale des femmes.

La situation actuelle nous incite à ne pas ignorer l’impact de la participation des femmes dans la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité durables. Par conséquent, les femmes et leurs possibilités d’accès à un travail digne nécessitent la création et la mise en œuvre de systèmes de protection sociale tenant compte des spécificités de chaque sexe, tels que l’assurance maladie, les exemptions de frais de santé et les programmes de travaux publics qui ciblent le manque de temps des femmes.

 

Emmanuel Asomba
Expert in South-South Cooperation and Development Effectiveness