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Accès à l’énergie dans les États fragiles : obstacles et solutions
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Accès à l’énergie dans les États fragiles : obstacles et solutions

7 min

by

Nhial Tiitmamer

Les pays subissant un conflit ou d’autres formes d’instabilité peinent à atteindre l’Objectif de développement durable 7 des Nations Unies, à savoir « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable » à l’horizon 2030. Cet article passe en revue les principaux obstacles à l’approvisionnement énergétique dans ces pays ainsi que les meilleures pratiques actuelles permettant de les surmonter.

Dans les pays fragiles ou en situation de conflit, l’approvisionnement en énergie durable rencontre un certain nombre d’obstacles, ce qui constitue un véritable frein au développement économique. Tout d’abord, le fait est que les infrastructures énergétiques sont souvent prises pour cible lors du déclenchement des violences. En effet, en situation de conflits, des centrales sont régulièrement incendiées, les lignes de transmission peuvent être endommagées ou le réseau est parfois coupé des centres urbains. À titre d’exemple, depuis 2013, le conflit au Sud-Soudan a entrainé des retards concernant plusieurs grands projets de construction de centrales hydroélectriques sur le Nil.

Ensuite, le manque de capitaux nationaux restreint le niveau d’investissement dans les infrastructures énergétiques. De fait, l’argent sert souvent à alimenter les guerres civiles et à traiter les différents problèmes immédiats  générés par l’instabilité, entrainant ainsi le pays dans un cercle vicieux du sous-développement. Enfin, le risque de destruction induit par les conflits dissuade les investisseurs d’injecter des fonds dans les projets d’infrastructures énergétiques.

Instruments politiques pour améliorer l’approvisionnement énergétique dans les États fragiles

Aujourd’hui, plusieurs outils permettent d’améliorer l’approvisionnement en énergie renouvelable des États fragiles, à l’instar du PayGo (modèle supposant le paiement par le client de petits montants à intervalles rapprochés pour des services énergétiques), de l’instauration de tarifs de rachat garantis de l’électricité ou de dispositifs de prêts pour l’installation d’équipements solaires.

Grâce au système PayGo, les foyers et les entreprises se trouvant hors réseau peuvent accéder à une énergie durable et abordable sous différentes formes. Dans certaines régions, les clients versent un acompte, et un compteur couplé au système photovoltaïque désactive le système dès que le paiement est épuisé, incitant ainsi les foyers et les entreprises à payer.

Cette méthode permet de lisser le coût initial que représente généralement l’installation de panneaux solaires. Typiquement, ce fonctionnement est intéressant pour les foyers et les entreprises de zones fragiles n’étant rattachées à aucun réseau.

En Afrique de l’Est, la société M-Poka a fourni un système photovoltaïque PayGo à environ 750 000 foyers. Tandis que le système PayGo se développe dans différents pays d’Afrique et au-delà, le Kenya et la Tanzanie représentent plus 80 % des ventes de ce système. Cela s’explique par l’implantation robuste des technologies de paiements mobiles dans ces régions. Les autres régions doivent donc améliorer l’accès aux services d’argent mobile ainsi qu’à l’information. Dans les États fragiles, les technologies de paiement mobile sont traditionnellement très populaires. Par conséquent, s’il est bien planifié, le système PayGo peut se développer en s’appuyant sur ces technologies.

Dans le même temps, la fixation de tarifs de rachat garantis d’électricité encourage l’expansion rapide des technologies de production d’énergie renouvelable. Avec ces incitations à la production, ce programme pousse les entreprises et les foyers à installer leur propre système de production énergétique et propose de racheter chaque kilowattheure injecté au réseau.

Toutefois, ce programme requiert la présence d’un réseau, ainsi que l’élaboration de lois visant à protéger les investissements des individus, définir des normes de sécurité, établir des spécifications concernant l’énergie qu’un foyer ou une entreprise peut produire et fixer un prix de rachat garanti aux producteurs.

Cette méthode est efficace dans les zones urbaines des États fragiles, où il existe généralement un certain niveau d’infrastructure de réseau. En l’absence de réseau, la construction d’un réseau de distribution doit faire partie des priorités aux côtés de la promulgation d’une législation couvrant ce programme.

De nombreuses études montrent que la mise en place d’un tarif de rachat garanti de l’électricité peut stimuler de façon significative l’installation de technologies de production d’énergie renouvelable. Ce programme est particulièrement pertinent dans les régions où l’installation d’un réseau de distribution est prioritaire. Celui-ci a d’ailleurs fait ses preuves aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Ainsi, en 2011, plus de la moitié des 50 pays qui avaient mis en place un tarif de rachat garanti de l’électricité étaient des pays en développement.

Il est également possible d’améliorer l’accès des foyers à l’énergie en offrant des crédits à un coût abordable. Cette pratique suppose une collaboration entre des fournisseurs d’énergie et des banques en vue de l’approvisionnement énergétique de foyers. Dans ce scénario, le fournisseur se charge d’installer les équipements et reçoit un paiement de la part de la banque partenaire. En contrepartie, les clients bénéficiaires remboursent tous les mois à la banque une partie du crédit correspondant.

L’organisation Participatory Microfinance Group for Africa (PAMIGA) met actuellement en œuvre cette approche au Cameroun, en Éthiopie et au Kenya. Pour ce projet, PAMIGA a conçu ce qu’elle nomme un modèle à deux mains afin d’approvisionner les zones rurales en énergie. PAMIGA a permis le rapprochement de deux institutions dans chaque zone du projet : une institution financière rurale et un fournisseur de systèmes photovoltaïques. Dans cette collaboration, le premier fournit les crédits, et le second fournit des installations photovoltaïques de qualité. Dans la plupart des cas, les institutions financières paient directement les fournisseurs pour l’apport et l’installation des équipements. Les clients remboursent ensuite leur crédit aux institutions financières. 

Grâce à cette méthode, les clients bénéficient de technologies photovoltaïques de grande qualité, d’un service après-vente et d’une garantie à un coût abordable, des éléments auxquels ils ne pourraient pas prétendre autrement. Par ailleurs, ce système permet d’améliorer la qualité de l’éclairage et de réduire les dépenses énergétiques des clients dans la mesure où ces derniers n’ont plus besoin d’acheter de kérosène ou d’autres carburants pour alimenter leur générateur ni de payer pour la réparation de leur générateur. Cela permet également de diminuer les problèmes de santé associés à la combustion de kérosène et d’autres sources d’énergies plus polluantes.

Afin d’améliorer l’accès à l’énergie, les États fragiles peuvent adopter cette approche ou concevoir des dispositifs de crédits similaires. Ils peuvent par exemple élaborer un dispositif de crédit impliquant la collaboration d’organisations internationales humanitaires et d’aide au développement. Ces partenaires feront probablement tout leur possible pour rendre les prêts accessibles dans le but de contribuer aux Objectifs de développement durable et « garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable » à l’horizon 2030.

Conclusion

Les États fragiles en situation de conflit présentent des niveaux élevés de pauvreté énergétique. De ce fait, ils peuvent difficilement se permettre de construire un réseau de distribution qui profiterait à la population.

La probabilité de destruction des installations constitue un aspect déterminant dans la mesure où cela dissuade les investisseurs d’apporter leur capital aux infrastructures énergétiques. Cela suggère que la meilleure alternative consiste à fournir une énergie hors réseau abordable. Cette stratégie est réalisable par l’intermédiaire de différentes méthodes innovantes à l’efficacité prouvée, telles que PayGo, la fixation de tarifs de rachat garantis de l’électricité ou encore des dispositifs de prêts abordables.

Ces solutions sont pertinentes dans la mesure où elles permettent de contourner les obstacles inhérents à l’approvisionnement énergétique dans les États fragiles. À titre d’exemple, PayGo et les dispositifs de prêts permettent de réduire le coût du capital nécessaire à l’installation de technologies de production d’énergie renouvelable. Le tarif de rachat garanti de l’électricité constitue une incitation à la production pour les individus et les foyers. Des partenariats avec des organisations humanitaires et d’aide au développement peuvent aider à mettre en œuvre ces solutions dans le but d’améliorer l’approvisionnement énergétique des personnes pauvres dans les États fragiles.

 

Nhial Tiitmamer
Director of Environmental and Natural Resources Program, The Sudd Institute