Ce blog fait partie d’une série organisée en marge de la 19ème conférence mondiale sur le développement.
Longtemps, le Nigéria n’a pas été un pays accueillant pour les millions de citoyens qui y vivent avec un handicap. Cet article – proposé dans le cadre du concours international de blogs jeunesse 2019 de GDN – apporte un témoignage personnel sur le rôle de la recherche dans l’influence des politiques et des pratiques en matière d’accessibilité. Nombre de bâtiments publics de la ville natale de l’auteure, Calabar, ont été repensés pour être adaptées aux malentendants, personnes à mobilité réduite et autres personnes ayant des besoins particuliers.
Les objectifs de développement durable sont un appel universel à l’action pour mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et faire en sorte que tous les peuples jouissent de la paix et de la prospérité. Mais l’inégalité peut entraver leur réalisation – et au Nigéria, l’inégalité représente une menace particulière pour un groupe minoritaire : les personnes vivant avec un handicap.
Ces dernières décennies, très peu d’attention a été accordée au traitement injuste auquel sont soumises ces personnes ayant des besoins particuliers. Violations des droits humains, discrimination, stigmatisation, violence et manque d’accès aux équipements et services publics tels que l’éducation, le logement, les soins de santé et même les loisirs sont souvent leur lot quotidien.
Ces situations entravent la poursuite du développement durable au Nigéria. Les travaux menés en réponse par certains chercheurs ont eu des conséquences politiques pour la promotion des personnes handicapées, avec un effet direct sur le développement durable de la société nigériane et du monde en général.
Selon la Commission nationale de la population du Nigéria, plus de 19 millions de Nigérians vivent avec un handicap et cette population ne cesse d’augmenter. Comme les autres êtres humains, ces personnes font partie intégrante de la société et leurs besoins fondamentaux doivent être satisfaits. Ainsi, elles doivent être prises en compte lors de l’élaboration des politiques de développement durable.
Mon amour pour la recherche en sciences sociales est né lors de ma troisième année de licence à l’Université de Calabar. En même temps, j’étais passionnée par l’idée de contribuer à l’amélioration de la qualité de la vie des personnes handicapées.
Pendant trois ans, j’ai vu un de mes amis proches, malentendant, se démener pour obtenir un emploi, même dans les micro-entreprises. J’ai également observé avec consternation la détresse d’un conférencier respecté, souffrant d’un handicap moteur, qui luttait pour sortir de son bureau et se rendre sur son lieu de conférence. Il a parfois du être transporté sur les lieux par d’autres personnes, pour pouvoir donner ses cours passionnants. Ces situations m’ont conduite à m’engager dans des activités sociales et non gouvernementales axées sur la défense de ce groupe qui se battait pour être entendu.
En tant que chercheuse en début de carrière, ma première présentation conceptuelle portait sur la nécessité d’enseigner les compétences professionnelles et entrepreneuriales dans les écoles pour les personnes handicapées. Puis, juste après l’obtention de mon diplôme en 2014, j’ai co-rédigé une évaluation du comportement d’achat des clients handicapés dans ma ville natale de Calabar.
Notre étude préconisait l’inclusion des personnes handicapées dans les secteurs commerciaux de la société, les résultats de l’enquête ayant révélé que ce groupe était victime de discrimination par les magasins de détail en matière d’ambiance, d’assortiment de produits et de services à la clientèle. Plus précisément, nous avons recommandé que le gouvernement et les organisations civiles élaborent des politiques pour garantir que les organisations de vente au détail satisfassent les clients handicapés. Ceci favoriserait l’apparition d’entreprises nigérianes inclusives et accessibles, en vue de la croissance d’une économie africaine durable.
Nos recommandations sont arrivées à point nommé car depuis 2010, les groupes de défense des droits des personnes handicapées et les militants n’avaient pas cessé de plaider. En 2007, le Nigéria a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif en 2010. Le projet de loi interdisant la discrimination à l’égard des personnes handicapées (2009) a été adopté par l’Assemblée nationale nigériane à deux reprises : en 2011 et 2015.
L’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale a donné une impulsion aux appels lancés par les groupes de la société civile, les personnes handicapées et d’autres partenaires pour que le gouvernement adopte le projet de loi. Malheureusement, ces appels sont d’abord tombés dans l’oreille d’un sourd.
Heureusement, les chercheurs en sciences sociales ont pris position via des articles sur la question de la discrimination contre les personnes handicapées et sur la nécessité d’une action législative en vue de l’adoption et de la signature du projet de loi sur le handicap. Enfin, à la suite d’une manifestation le 17 janvier 2019 à laquelle ont participé des spécialistes des sciences sociales, le projet de loi tant attendu a été adopté.
Nos recommandations ont vu le jour. La loi interdit la discrimination à l’égard des personnes handicapées et impose des sanctions allant des amendes aux peines de prison à ceux qui l’enfreignent. Elle prévoit également une période transitoire de cinq ans pour modifier les structures et bâtiments (les écoles et les bureaux, ainsi que les magasins de détail) et les automobiles afin de les rendre accessibles et utilisables par les personnes handicapées.
Avance rapide jusqu’en juillet 2019 : l’un des magasins de détail (Sparks Shopz) examinés au cours de notre enquête a été remodelé pour être accessible aux personnes handicapées. Les nombreux nouveaux magasins ouverts à Calabar tiennent également compte de ce groupe de personnes. Cela se voit dans l’utilisation d’une signalétique adaptée et à l’ambiance du magasin.
La relocalisation de l’hôpital de la marine nigériane, qui était difficilement accessible même à une personne non handicapée, est particulièrement remarquable. Le nouvel hôpital dispose désormais de places de stationnement exclusivement réservées aux personnes handicapées et il est structuré pour être accessible à tous les patients, avec ou sans handicap.
De même, la direction de l’Université de Calabar est actuellement en train d’installer un ascenseur dans la bibliothèque électronique, un bâtiment de cinq étages qui n’était quasiment pas accessible aux personnes vivant avec un handicap. En plus d’une infrastructure accessible aux personnes à mobilité réduite, l’aéroport Margaret Ekpo dispose désormais d’une signalétique visible et d’aides à l’orientation permettant aux passagers malentendants de s’y déplacer facilement.
Tous ces résultats sont la preuve visible que les résultats de la recherche sont utilisés pour le développement durable.