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Certification des compétences pour un meilleur appariement des emplois : l’exemple de l’Afrique du Sud

6 min

by

Eliana Carranza, Robert Garlick, Kate Orkin and Neil Rankin

Le chômage élevé des jeunes dans de nombreux pays peut refléter le manque d’informations sur les compétences des jeunes en recherche d’emploi. Cet article présente des études qui montrent que l’évaluation et la certification standardisées des compétences peuvent augmenter l’emploi et les revenus de la tranche d’âge des 15-24 ans. Ce processus aide les jeunes demandeurs d’emploi à cibler plus efficacement leur recherche et les entreprises à évaluer leurs candidatures.

Dans le monde en 2019, les jeunes étaient trois fois plus susceptibles d’être au chômage que les adultes. Depuis lors, les pertes d’emplois dues à la pandémie ont affecté les jeunes de manière disproportionnée.

Un chômage élevé, en particulier dans la tranche d’âge des 15-24 ans, peut être en partie dû à ce que les économistes appellent des « frictions d’information » : des erreurs dans les décisions d’embauche des entreprises ou dans les décisions de recherche des demandeurs d’emploi en raison du manque d’informations sur les compétences de ces derniers.

Par exemple, le manque d’informations sur les compétences des demandeurs d’emploi peut conduire les entreprises à embaucher des candidats mal assortis et à leur proposer des salaires trop élevés ou trop bas par rapport à leurs compétences. Le manque d’information peut également conduire les candidats à rechercher des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences.

Les frictions d’information peuvent être particulièrement importantes pour les jeunes demandeurs d’emploi, qui ont moins d’expérience de la recherche et du travail, ainsi que moins de références professionnelles passées. Le manque d’informations peut exacerber d’autres frictions sur le marché du travail des pays en développement, notamment les coûts élevés de la recherche et de la migration saisonnière.

Évaluation et certification des compétences

Dans une étude récente, nous montrons que fournir davantage d’informations sur les compétences des demandeurs d’emploi augmente leurs revenus et améliore leur situation. En partenariat avec le Harambee Youth Employment Accelerator, nous nous sommes intéressés à un groupe de 6 891 jeunes demandeurs d’emploi à Johannesburg, en Afrique du Sud. Ils sont tous issus de milieux à faibles revenus et ont une éducation et une expérience professionnelle limitées.

Pendant deux jours, les participants ont passé six évaluations de compétences en calcul, communication (orale et écrite), détermination, concentration et planification. Nous avons sélectionné au hasard quelques participants qui ont reçu des certificats décrivant les évaluations et présentant leurs résultats par rapport à d’autres demandeurs d’emploi évalués par Harambee (voir figure 1).

Figure 1

Les certificats étaient estampillés et comportaient leurs noms afin de présenter des informations crédibles aux employeurs potentiels. Nous avons encouragé les candidats à utiliser les certificats dans leurs demandes d’emploi s’ils pensaient que cela les aiderait.

Cette initiative a amélioré les résultats des demandeurs d’emploi sur le marché du travail au cours des trois à cinq mois suivants (voir la figure 2). La certification a augmenté le taux d’emploi des participants de cinq points par rapport au groupe témoin – 36 % contre 31 %.

La certification a également augmenté les revenus des participants de 34 % par rapport au groupe témoin. Les participants certifiés gagnaient plus, non seulement  parce qu’ils étaient plus recrutés mais aussi parce qu’ils recevaient un meilleur salaire pour leur travail – un salaire plus élevé dû à un taux horaire plus élevé et non au fait qu’ils travaillent plus longtemps une fois embauchés. Cela suggère que la certification a amélioré la qualité de l’emploi des participants.

Figure 2

Qui profite de la certification des compétences ?

Tant les entreprises que les demandeurs d’emploi ont profité des informations fournies. Cela suggère que les deux côtés du marché manquaient d’informations pertinentes sur les compétences des candidats.

Premièrement, l’information a modifié les opinions et le comportement des demandeurs d’emploi. La certification a réduit l’écart entre la confiance en eux des candidats et leurs compétences réelles et les a rendus plus susceptibles de rechercher les emplois qui valorisent l’évaluation dans laquelle ils ont obtenu le meilleur score.

Dans une seconde expérience, nous avons testé l’effet des certificats « privés », qui montraient aux participants leurs résultats d’évaluation mais sans nom ni tampon, les rendant moins attrayants pour les entreprises. Les certificats privés ont eu des effets similaires aux certificats « publics » sur la confiance et la recherche des demandeurs d’emploi, mais un effet moindre sur les revenus (voir figure 3).

Figure 3

Le fait que les informations privées destinées aux candidats modifient leur réussite sur le marché du travail, même si c’est dans une moindre mesure que d’autres informations qu’ils peuvent partager avec les entreprises, suggère à nouveau que les deux côtés du marché manquaient d’informations pertinentes sur les compétences des demandeurs d’emploi.

Deuxièmement, l’information a influencé le comportement des entreprises. Dans une troisième expérience, nous avons envoyé aux entreprises des CV au nom des participants. Nous avons joint des certificats publics à un sous-ensemble aléatoire de CV. Les demandes incluant des certificats ont reçu 11 % de plus d’invitations à un entretien, ce qui s’explique par le fait que les entreprises obtiennent davantage d’informations sur les compétences des demandeurs d’emploi dans les certificats.

Implications politiques

Nos conclusions montrent que l’évaluation des compétences et la certification représentent une politique efficace qui peut être mise en œuvre à grande échelle et à peu de frais. L’effet sur l’emploi est supérieur à la plupart des effets à court terme des programmes d’aide à la recherche d’emploi. Mais le taux d’embauche des demandeurs d’emploi certifiés reste inférieur à 40 %, ce qui montre que d’autres obstacles à l’emploi restent importants.

L’initiative passe facilement le test de rentabilité : l’effet moyen sur les revenus des participants au cours des trois premiers mois après l’expérience est 2,3 fois le coût variable moyen de l’évaluation et de la certification. Ces dernières peuvent être intégrées aux programmes d’aide à la recherche d’emploi existants, en particulier à ceux qui procèdent déjà à des évaluations.

Pour concevoir une politique, il est important de comprendre qui est confronté à des frictions d’information. Contrairement aux travaux antérieurs (1, 2, 3, 4), nos expériences font apparaître séparément l’information des entreprises et des demandeurs d’emploi sur les résultats des évaluations, ce qui montre que les deux côtés du marché sont confrontés à des frictions en matière d’information. Cela montre que les retombées peuvent être plus importantes pour les politiques fournissant des informations bilatérales – telles que la certification – que pour celles fournissant des informations unilatérales, telles que les évaluations des compétences des demandeurs d’emploi par les entreprises ou l’orientation professionnelle fondée sur l’évaluation dans les programmes d’aide à la recherche d’emploi.

L’évaluation et la certification sont susceptibles d’être efficaces dans des cas spécifiques. Elles apportent de nouvelles informations sur les compétences des demandeurs d’emploi, et sont donc moins pertinentes pour les travailleurs très instruits et expérimentés. Elles dépendent d’une agence crédible pour mener et certifier lesdites évaluations, ce qui implique que les nouvelles agences gouvernementales, les ONG ou les entreprises privées offrant ces services doivent investir dans leur crédibilité.

L’évaluation et la certification peuvent contribuer à pallier certaines limites des autres approches visant à réduire les frictions en matière d’information. Les lettres de référence d’anciens employeurs ne peuvent aider que ceux qui ont une expérience professionnelle antérieure (1, 2), et les références peuvent exclure les personnes appartenant à des groupes marginalisés (1, 2).

Remarque : Une boîte à outils décrivant comment une ONG ou un gouvernement pourrait mettre en place l’initiative est disponible ici.

Remerciements :

Merci au personnel du Harambee Youth Employment Accelerator, au bureau africain du laboratoire d’action contre la pauvreté Abdul Latif Jameel Latif et à nos institutions. Le projet est mené en collaboration avec le Groupe pour l’emploi de la Banque mondiale et l’Africa Gender Innovation Lab, et a reçu un financement de la National Science Foundation (# 1824413), du Private Enterprise Development in Low Income Countries (# 3024 and # 4728), du W.E. Upjohn Institute for Employment Research et du Global Challenges Research Fund Accelerating Adolescent Achievement Hub. Les opinions des auteurs ne représentent pas nécessairement celles de la Banque mondiale ou des gouvernements des pays qu’ils représentent.

 

Eliana Carranza
Senior Economist, World Bank Jobs Group
Robert Garlick
Assistant Professor of Economics, Duke University
Kate Orkin
Post-doctoral researcher, Blavatnik School of Government
Neil Rankin
Extraordinary Associate Professor in Economics, University of Stellenbosch