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Création d’emplois : des politiques pour un défi majeur du développement

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Marianne S. Ulriksen

La transformation économique n’entraîne pas forcément la création d’emplois. Les politiques jouent un rôle essentiel dans ce processus, comme le montre l’industrie de l’éolienne du Danemark – et certaines initiatives comme l’Alliance Afrique – Union européenne sont prometteuses. L’auteur de cet article soutient qu’il est temps de se focaliser sur des politiques novatrices qui pallient les lacunes des anciennes stratégies de création d’emplois.

Partout dans le monde, les inégalités économiques et la précarité de l’emploi ont augmenté. Alors que les personnes à haut revenu ont tiré profit de la mondialisation et de la croissance, celles à faible revenu sont confrontées à la stagnation des niveaux de salaires, à la diminution de la sécurité de l’emploi, et à une forte probabilité d’être engagés dans des emplois informels – si tant est qu’ils trouvent un emploi. Au moment où de nombreux pays en développement connaissent une transformation économique, des pans entiers de leurs populations sont laissés pour compte.

Le problème de l’établissement d’une croissance inclusive – c’est à dire, une transformation économique fondée sur la création d’emplois – est bien illustré par l’Afrique du Sud et le Botswana, des pays dans lesquels j’ai vécu et qui ont fait l’objet de mes recherches. Malgré certaines différences en termes d’axe politique, ces deux pays font face à des niveaux extrêmement élevés de chômage et de sous-emploi. Les données officielles situent le taux de chômage au Botswana à 17 % sur l’ensemble de la main-d’œuvre, et 27 % en Afrique du Sud.

Même si ces taux de chômage sont élevés, ils ne donnent pas une image complète de la situation. Par exemple, sur toute les personnes ayant un emploi parmi la population en âge de travailler au Botswana, la moitié exerce des emplois informels, temporaires ou non-salariales ; en Afrique du Sud, cette proportion s’élève à près de 40 %. De plus, selon certains calculs, les salaires des 10 % les plus riches de la population au Botswana sont de 28 % plus élevés que les salaires des 10 % les plus pauvres ; en Afrique du Sud, la différence est d’environ 14 %.

Les gouvernements du Botswana et d’Afrique du Sud ont adopté différentes stratégies afin d’améliorer les niveaux d’emploi et la sécurité économique de la population. Le Botswana, par exemple, a veillé à maintenir les salaires minimums à des niveaux bas, alors qu’en Afrique du Sud, la stratégie a été de maintenir les salaires minimums à des niveaux élevés. Dans les deux cas, la stratégie n’a pas bien fonctionné.

Les politiques économiques soutenant la croissance du secteur privé ainsi que les programmes de travaux publics financés par l’État ont été poursuivis dans les deux pays, mais ils n’ont pas eu suffisamment d’effets à long terme pour relever le défi de la création d’emplois. De plus, même si l’Afrique du Sud a mis en œuvre un système de protection sociale généreux (contrairement au Botswana), ce système n’a pas été suffisant pour améliorer les possibilités d’emploi, même s’il a permis de réduire le niveau de pauvreté de façon significative.

Les cas du Botswana et de l’Afrique du Sud soulignent que la création d’emploi, en particulier pour les franges de la population ayant des revenus faibles, est un défi difficile. À Gaborone et à Pretoria, comme dans d’autres capitales du monde, on s’accorde à reconnaître que des niveaux élevés de chômage sont indésirables, mais identifier et se mettre d’accord sur les meilleures stratégies est beaucoup plus difficile.

Des problèmes complexes ne peuvent vraisemblablement pas être résolus au moyen de solutions simples. Ainsi, pour trouver des solutions à la création durable des emplois, nous devons examiner des endroits inattendus afin d’identifier des stratégies potentielles.

Je voudrais exposer un exemple tiré de mon propre pays : le Danemark. Depuis ses débuts modestes dans les années 1970, l’industrie des turbines éoliennes a connu un essor considérable jusqu’à devenir le leader mondial. Bien entendu, les industries de la construction qui sont compétitives sur les marchés mondiaux et qui requièrent l’augmentation des niveaux d’emploi sont essentielles. Toutefois, la principale idée qui se dégage de cet exemple est que l’industrie éolienne danoise a été soutenue par un portefeuille fourni de politiques publiques destinées à stimuler le développement, les mutations technologiques et l’apprentissage.

Très tôt, le gouvernement danois a joué un rôle actif dans la stimulation de la demande d’électricité éolienne, via des subventions et une réduction des coûts, en encourageant l’expansion des solutions d’électricité éolienne. À mesure que le marché grandissait et que les mâts d’éolienne étaient devenus plus rentables, les subventions furent progressivement éliminées.

Vous pourriez remettre en question la pertinence de cet exemple en avançant que le Danemark est trop petit, riche et bien géré. Pourtant, étonnamment, la Norvège – qui est également un pays petit, riche et bien géré – n’a pas réussi à développer une industrie de l’énergie éolienne aussi puissante. Vraisemblablement, cela est dû au manque de politiques de soutien du gouvernement norvégien.

Fait révélateur, alors que les chiffres de l’emploi dans l’industrie éolienne norvégienne à la moitié des années 2000 étaient d’environ 200 à 300 personnes, près de 21 000 étaient employées dans l’industrie éolienne danoise, un chiffre qui, depuis, a progressé à plus de 33 000. Ceci pourrait sembler peu, mais rappelez-vous que le Danemark est un pays qui compte moins de six millions d’habitants et que la croissance de la production de mâts éoliens s’est accompagnée d’une croissance dans les industries connexes.

L’exemple de l’industrie de l’énergie éolienne danoise met en exergue le rôle majeur que les gouvernements peuvent jouer dans l’appui aux secteurs stratégiques au moyen des subventions, du développement de produits et de l’apprentissage. Il indique également que le gouvernement doit progressivement supprimer son appui à mesure que le secteur croît et devient autonome.

Plusieurs pays en développement n’ont pas nécessairement les capacités ou les ressources publiques pour faire ce que le gouvernement danois a fait. Cependant, d’autres parties prenantes pourraient jouer ce rôle de soutien.

À titre exemple, en 2018, l’Union européenne (UE) a lancé une initiative désignée Alliance Afrique-Europe pour l’investissement durable et l’emploi. Un élément essentiel dans l’initiative est l’idée selon laquelle l’UE soutient les investissements portés par les entrepreneurs privés grâce à des garanties. Ainsi, les fonds publics appuient les initiatives privées avec l’objectif commun d’encourager le développement des entreprises et la création d’emplois. Il serait intéressant de suivre cette initiative afin de voir si elle pourrait réussir là où beaucoup d’autres ont échoué.

 

Marianne S. Ulriksen
Assistant Professor at the Danish Centre for Welfare Studies, University of Southern Denmark, and Senior Research Fellow at the Centre for Social Development in Africa, University of Johannesburg.