De nos jours, la recherche sur le développement combine travail scientifique et plaidoyer politique. Les chercheurs sont encouragés à proposer des solutions aux défis du développement en se basant sur la recherche, et l’on s’attend à ce qu’ils émettent des recommandations fondées sur leurs preuves et leurs analyses. Il leur est aussi conseillé de communiquer les conséquences de leurs conclusions de manière à atteindre le plus efficacement possible les décideurs et les praticiens, puis de démontrer l’impact de celles-ci sur les décisions et les résultats.
Il est de plus en plus courant pour les subventions de recherche d’exiger d’en présenter les résultats « à un public plus vaste », d’écrire des « documents d’orientation » et des « articles de blog » basés sur des travaux scientifiques, et même de donner une conférence TED à l’occasion. L’ordre du jour « translationnel » — à l’origine un champ de recherche médicale visant à transformer les nouvelles découvertes en pratiques innovantes — s’est enraciné à travers les sciences sociales, en mettant fortement l’accent sur la présentation de la recherche en langage clair et sur le rôle des intermédiaires du savoir.
Dans certains pays (notamment au Royaume-Uni), les bénéfices économiques, culturels et sociaux des travaux académiques commencent à faire partie de la définition de l’excellence en matière de recherche. Communiquer la recherche est devenue une profession en soi, et souvent, les chercheurs sont censés y exceller.
Cependant, pour les chercheurs, les mesures incitatives professionnelles à rendre leur travail accessible à des publics non académiques demeurent minimes. La spécialisation dirige la recherche, et cela entraîne les chercheurs à travailler avec un nombre toujours plus réduit de personnes.
Cela est valable pour la façon dont les chercheurs sont formés à leur métier, ainsi que la manière dont ils produisent, publient ou présentent leurs travaux. Tout au long de la carrière d’un chercheur, les incitations formelles à travailler avec des personnes provenant de différents domaines et secteurs, y compris des chercheurs d’autres disciplines, demeurent l’exception. Les avantages à éviter le jargon et le langage technique sont rares. Les carrières sont plutôt bâties sur la production académique et les réseaux toujours plus spécialisés.
Quant aux décideurs, ils peuvent choisir des recommandations d’experts pour appuyer leurs propres objectifs, mais il est difficile de croire qu’ils se perçoivent comme de simples intermédiaires traduisant la sagesse académique en politiques. Une politique est beaucoup plus complexe, elle n’est pas seulement technique et désincarnée. La politique est au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des décisions. Il est également clair que l’horizon temporel des décideurs est beaucoup plus court que celui de la recherche académique — augmentant ainsi l’écart perçu entre les deux mondes.
Il existe deux approches totalement opposées pour combler cet écart. La première consiste à tenter de relier ces deux mondes en invitant les chercheurs à travailler sur des « solutions » et sur une communication efficace de leurs travaux, et en demandant aux décideurs politiques d’être plus ouverts au monde académique. Cependant, les recommandations sont rarement prises en considération, même quand elles sont techniquement impeccables et politiquement habiles.
La seconde approche — que nous appuyons et explorons avec ce nouveau blog — consiste à reconnaître les différences fondamentales entre ces deux mondes et à se concentrer sur ce que les individus et les organisations des deux côtés ont en commun : un intérêt inné pour la connaissance. Nous considérons la recherche comme une façon privilégiée (mais pas unique) de créer du savoir, plutôt qu’un raccourci pour trouver des solutions, et demandons aux chercheurs de prouver ce point par rapport à leurs propres travaux.
La communication est bien sûr plus que jamais nécessaire pour s’assurer que le savoir créé tout au long du processus de recherche est accessible aux décideurs et autres parties prenantes — et qu’il est consulté par ceux-ci. C’est pourquoi ce blog s’appuie sur une solide équipe éditoriale.
Par le biais de ce blog, nous souhaitons faciliter l’accès aux connaissances et aux données probantes produites par les chercheurs, particulièrement ceux des pays du Sud, dont la présence dans la sphère académique augmente sans cesse. Pour intéresser un auditoire politique, la recherche ne doit pas nécessairement se terminer avec des recommandations. Elle doit fournir des arguments solides et présenter des informations qui peuvent façonner les points de vue des praticiens et des décideurs sur les défis du développement.
Nous sommes convaincus que c’est une mission engageante pour la recherche sur le développement que d’être appelée à soupeser les données probantes et le savoir existants, du point de vue du chercheur, pour façonner le jugement et influencer les actions, pour mettre en lumière les défis politiques au travers d’une discussion sur ce que l’on sait — et ce que l’on ne sait pas — sur le développement, en se basant sur la recherche déjà effectuée.
Nous croyons en l’esprit critique, en la quête perpétuelle de la connaissance, en le caractère incomplet des certitudes scientifiques, en l’utilisation du savoir par les décideurs en fonction de leurs propres instincts et en la prise de risques inhérente à la prise de décision, qui ne dépend pas que des preuves. Ce blog est un exercice en vue d’une telle communication : une qui rend les méthodes, analyses et résultats de recherche accessibles aux non-chercheurs avertis.
GlobalDev est un nouveau blog conçu selon ces prémisses. Son objectif principal n’est pas de présenter des rapports de recherche. Il cherche plutôt à renseigner sur l’étendue et les limites du débat entourant les défis majeurs du développement. La question qui nous inspire n’est pas « Que dit cette recherche donnée ? », mais « Que savons-nous à partir de la recherche existante sur un défi important ? Et en se basant sur ces connaissances, quels sont les coûts et bénéfices attendus de diverses actions ? »
Nous pensons qu’il s’agit d’une partie importante de l’effort visant à donner un sens à la recherche, complémentaire au rôle couramment attendu des chercheurs, à savoir celui de conseiller les gouvernements en formulant des recommandations fondées sur leurs travaux.
GlobalDev invite les chercheurs à écrire des articles sur les défis du développement à partir de leurs recherches et de celles des autres. Nous les encourageons à mettre en lumière des défis politiques du développement mondial au moyen d’une discussion équilibrée sur les écrits académiques existants, au bénéfice des bailleurs de fonds du développement, des décideurs et des praticiens.
Nous rassemblons des chercheurs d’un grand nombre de disciplines et fournissons une plateforme avec un soutien éditorial concret et un service de traduction afin de façonner des contributions efficaces et accessibles, puis de les diffuser en trois langues. Nous accueillons les propositions de tous les chercheurs qui se soucient de la valeur des connaissances approfondies pour le développement, et qui souhaitent participer à l’apport de faits pertinents, de données probantes et d’analyses à la conversation avec les décideurs et autres parties prenantes.
Au nom de notre Conseil consultatif et de notre équipe éditoriale, nous sommes impatients de lire vos propositions — et que vous lisiez le contenu de notre blog !
Les rédacteurs fondateurs
Cet article a été publié le Lundi 8 Octobre 2018 et modifié le Lundi 28 janvier 2019.