Les politiques visant à réduire les inégalités dans les pays en développement reposent sur des mesures précises de la répartition des revenus et des richesses, tant au niveau national que régional. Cet article affirme qu’il faut faire davantage pour que les études sur les inégalités soient plus complètes. Plus précisément, de nombreuses études qui se concentrent sur la mesure de l’inégalité des revenus et des actifs gagneraient à employer un ensemble diversifié d’indices plutôt qu’un indice unique. D’autres améliorations possibles consisteraient à rattacher les recommandations d’interventions politiques à un examen des déterminants de l’inégalité, et à appliquer une analyse des tendances de l’inégalité plutôt qu’une étude instantanée.
La mesure et l’examen de diverses formes d’inégalité aux niveaux mondial, régional et national suscitent un intérêt croissant en ce qu’ils permettent d’éclairer la politique sociale. En ce qui concerne la mesure de l’inégalité en particulier, certaines études sur l’évolution de l’inégalité des revenus (ou de la richesse) se concentrent sur une mesure unique telle que l’indice de Gini, et ce malgré ses limites potentielles.
Bien que les études utilisant le coefficient de Gini soient très instructives, cet indicateur ne permet pas de distinguer différents types d’inégalités. Par exemple, divers modèles de distribution des revenus peuvent donner lieu à des valeurs de coefficient de Gini similaires. Ce problème peut être atténué en utilisant d’autres indices de mesure, comme l’indice d’Atkinson et l’indice d’entropie généralisée (GE).
Une mesure unique ne permet pas non plus de saisir les différentes tendances en matière d’inégalité dans les segments inférieur, moyen et supérieur de la distribution des revenus. Si ces tendances peuvent varier à différents niveaux, certains indices sont plus sensibles aux changements survenant, par exemple, dans la catégorie intermédiaire (l’indice de Gini) de la distribution. Il est donc prudent de compléter cet indice par d’autres mesures telles que l’indice d’Atkinson dans le cadre d’une analyse exhaustive des tendances en matière d’inégalité.
Même dans les cas où l’inégalité est mesurée à l’aide de plusieurs indices, il faut veiller à examiner les facteurs d’origine de la disparité pour éviter de faire des recommandations inexactes.
Par exemple, certaines études indiquent que la réduction de l’inégalité entre les zones rurales et urbaines serait une solution efficace pour réduire l’inégalité globale. Mais une telle recommandation peut être trompeuse si elle ne repose pas sur une étude des facteurs d’inégalité. Par exemple, l’étude de l’inégalité urbaine et rurale laisse voir que la majeure partie de ces inégalités peut être attribuée à l’inégalité au sein des zones urbaines et des zones rurales elles-mêmes. Dans ce cas, la réduction de l’inégalité dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines n’aurait aucun effet sur le résultat global.
L’autre grande faiblesse de ces études, c’est qu’elles se concentrent sur l’évolution de l’inégalité totale sans la compléter par la dynamique de ses formes infranationales ou régionales. Cela n’est pas souhaitable, car de nombreuses études montrent qu’il n’y a généralement pas de correspondance dans l’évolution de l’inégalité au fil du temps aux niveaux infranationaux et entre les régions urbaines et rurales. Cette situation est encore compliquée par la possibilité de secteurs économiques distincts au sein des zones rurales, par exemple entre les petits exploitants et les autres familles rurales.
Le point essentiel ici est que l’évolution de l’inégalité devrait varier en fonction de la localité, et que les analyses globales devraient être étayées par des analyses minutieuses de l’inégalité au niveau infranational, y compris l’inégalité rurale par rapport à l’inégalité urbaine. Cela suggère que des localités différentes au sein d’un même pays peuvent demander des interventions différentes pour endiguer l’inégalité.
La nécessité d’utiliser diverses mesures de l’inégalité et d’analyser soigneusement ses déterminants devrait être une condition sine qua non pour les études visant à fournir des recommandations efficaces fondées sur des données probantes en matière de politique sociale redistributive.