Dans le monde, environ quatre milliards de personnes, dont 485 millions en Afrique, sont économiquement vulnérables. Ces personnes à la « base de la pyramide » (BdP) sont souvent des femmes et des jeunes, à faibles revenus, occupant des emplois peu qualifiés, semi-réguliers, temporaires ou informels, ou pratiquant une agriculture de subsistance. Certaines entreprises du secteur privé au Kenya ont été incitées à promouvoir « l’inclusion » en intégrant la BdP dans leurs activités principales tout en fournissant des biens et services économiquement viables Comme l’explique cet article, il est essentiel de les encourager à adopter des pratiques inclusives pour relever les défis sociaux.
L’inclusion économique est une priorité mondiale, comme en témoignent l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les objectifs de développement durable (ODD), qui appellent à une croissance économique inclusive et durable avec l’ambition sous-jacente d’élargir l’accès aux opportunités économiques et sociales à tous.
Le principe d’inclusion remonte au Sommet mondial sur le développement durable de 2002, qui a plaidé en faveur de politiques visant à améliorer l’inclusion, la durabilité et la participation du secteur privé et appelé à renforcer la capacité entrepreneuriale des communautés. Le rôle du secteur privé dans les pratiques durables a été souligné lors de la troisième Conférence internationale sur le financement du développement en 2015. L’une des résolutions était « d’élaborer des politiques et, au besoin, renforcer la réglementation pour mieux faire converger les incitations adressées au secteur privé et les objectifs publics, notamment les mesures qui incitent le secteur privé à adopter des pratiques viables à terme, et des politiques qui encouragent des investissements de qualité réalisés pour le long terme ».
Le paysage démographique du Kenya révèle que la « base de la pyramide » (BdP) rassemble un grand nombre de personnes, en grande partie des jeunes à la recherche d’un emploi. Les personnes de moins de 35 ans représentent 76 % de la population kenyane, dont environ 1,6 million à la recherche d’un emploi. Cela représente une majorité (62 %) de la population en recherche d’emploi, dont 44 % de femmes, la moitié étant originaires des zones rurales. De plus, 2 % de la population vit avec diverses formes de handicap, et 55 % de ces personnes déclarent avoir des difficultés à s’engager dans une activité économique.
Par conséquent, d’un point de vue de politiques économiques, le Kenya a besoin de solutions pour faire travailler le segment de la population active peu qualifié et économiquement vulnérable. Le secteur privé a un rôle clé à jouer dans la réalisation de l’inclusion, et par conséquent, dans le renforcement du développement durable.
Approches commerciales inclusives au Kenya
L’inclusion au sein des entreprises kenyanes se fait à quatre niveaux : fournisseurs, distributeurs, employés et consommateurs. Les stratégies d’inclusion adoptées ciblent principalement les « jeunes BdP » âgés de 18 à 35 ans, suivis par les femmes, qui bénéficient de meilleurs revenus, de capacités et de productivité supérieures.
En tant que fournisseurs, les personnes à la base de la pyramide fournissent des intrants aux entreprises, le plus souvent des produits fermiers. Ceci arrive principalement dans le secteur agricole, où les agriculteurs sont identifiés, formés et soutenus par les entreprises pour fournir des intrants de qualité par le biais de mécanismes tels que l’agriculture contractuelle ou le recours à l’approche coopérative.
Les personnes à la base de la pyramide travaillent également dans la distribution par le biais de trois modèles communs : 1) le modèle de micro-franchise pour la distribution de produits tels que les produits de santé, 2) le modèle d’agence où les petites entreprises locales offrent des services tels que les services bancaires mobiles, et 3) le modèle « de marché », basé sur la sectorisation, qui propose par exemple le conditionnement de produits par et à destination des consommateurs de la BdP.
Cette sectorisation a conduit à la croissance de « l’économie kadogo » (kadogo signifiant petit), où les BdP sont des consommateurs. Ce qui rend cette approche encore plus pertinente au Kenya est le fait que le pays dispose de magasins de détail, appelés kiosques qui, grâce à des modèles commerciaux innovants, mettent en relation les fabricants et les consommateurs à moindre coût.
Les prestataires de services, y compris bancaires et de santé, ont également adopté des modèles de sectorisation du marché similaires ciblant les BdP. Ceci leur permet ainsi de bénéficier de flux de clientèle élevés dans les zones à faible revenu densément peuplées. Ces modèles de distribution sont ancrés dans les savoirs locaux et dans des réseaux sociaux solides.
Une autre approche inclusive adoptée par les entreprises est celle de l’emploi. Il est prouvé qu’en moyenne plus de 60 % des employés de la BdP sont des jeunes, engagés de manière permanente ou temporaire. Les femmes sont également engagées en tant qu’employées, le plus souvent de façon non permanente. En règle générale, le revenu mensuel des jeunes bénéficiaires semble avoir doublé au cours des trois dernières années. Les femmes engagées dans des entreprises inclusives ont également connu, en moyenne, une augmentation de leurs revenus au fil des ans et ont contribué aux dépenses mensuelles du ménage.
Les interventions de l’OCDE et du G20 pour promouvoir l’inclusion semblent pertinentes pour un pays en développement comme le Kenya où les entreprises inclusives sont confrontées à des contraintes technologiques, financières et de compétences, en particulier lorsque les personnes de la BdP sont engagées en tant que fournisseurs ou distributeurs. Ces cadres fournissent des lignes directrices sur la manière de promouvoir l’inclusion tout en atténuant les contraintes.
Le Cadre d’action politique de l’OCDE pour la croissance inclusive, par exemple, établit des réponses et des instruments politiques que les gouvernements peuvent adopter pour renforcer la croissance inclusive. Certaines de ces réponses comprennent l’investissement dans les soins de santé, l’éducation, le logement, les infrastructures et la gestion des ressources naturelles pour tous. Elles comprennent également la promotion de marchés du travail inclusifs afin d’améliorer l’accès à des emplois de qualité, en particulier pour les groupes sous-représentés, ainsi que l’intégration de l’équité et de l’inclusion dans la conception des politiques.
De même, la promotion de politiques d’inclusion dans le Cadre d’entreprise inclusif du G20 est l’une des missions du gouvernement. Les autres missions comprennent la promotion d’objectifs en faveur des plus pauvres dans les contrats gouvernementaux tels que l’utilisation d’incitations et de réglementations pour promouvoir des approches commerciales inclusives, ainsi que le renforcement des opportunités de formation professionnelle. En outre, le G20 définit le rôle des entreprises inclusives comme l’élargissement de l’engagement des entreprises auprès de la BdP, l’amélioration de l’accès aux ressources financières pour les personnes issues de la BdP et le développement de leurs capacités.
En résumé, les entreprises inclusives offrent des solutions cruciales et durables aux défis sociaux. Mais il existe certaines contraintes auxquelles le gouvernement et le secteur privé peuvent s’attaquer de manière innovante.