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Réforme du secteur bancaire : leçons de la Chine

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by

GuyWilliams

Depuis la crise financière asiatique survenue à la fin des années 1990, la réforme du secteur bancaire en Chine a été axée sur le renforcement de la capacité de l‘État de surveiller et réglementer les banques, ainsi que sur le renforcement des pratiques de bonne gouvernance au sein des banques. Cet article propose des leçons utiles pour d’autres pays qui souhaitent promouvoir la stabilité financière en vue d’un appui au développement économique durable.

Un secteur bancaire national stable et efficace constitue une condition préalable au développement économique durable. L’instabilité financière et la crise financière peuvent perturber le développement économique pendant des années, voire des décennies. Elles peuvent également être une source d’instabilité politique et sociale.

Depuis les années 1970, l’ampleur et la sévérité des crises financières sont sans précédent et les pays en développement qui ont opté pour la libéralisation et la déréglementation de leurs systèmes financiers en sont les plus affectés. La faute a en grande partie été attribuée à ces pays, qui sont accusés de n’avoir pas effectué suffisamment de réformes. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) continuent d’encourager l’ouverture des systèmes financiers et une participation étrangère plus accrue dans les secteurs bancaires nationaux.

Compte tenu des nombreuses crises financières survenues, ce consensus politique doit être remis en cause. La crise financière la plus importante est celle qui a démarré aux États-Unis en 2007 et qui s’est répandue dans le monde par le biais des conglomérats financiers internationaux.

Depuis la crise financière mondiale, la Chine s’est illustrée comme un contre-exemple du consensus sur les réformes bancaires. Environ dix ans plus tôt, en 1997, le système bancaire de la Chine était si fragile que George Soros a estimé que le pays avait survécu à la crise financière asiatique uniquement parce que son secteur bancaire n’était pas ouvert aux flux de capitaux extérieurs. Les banques publiques chinoises étaient techniquement insolvables et tributaires de l’appui de l’État.

Malgré un renflouement bancaire massif intervenu en 1999 et équivalent à 4 % du PIB de la Chine, les banques sont demeurées insolvables. Il a été généralement admis que le secteur (et l’économie de la Chine) se trouvait dans un état tel qu’il ne survivrait pas sans une déréglementation  qui favoriserait les privatisations et l’entrée des banques étrangères, ce qui permettrait d’instaurer « une discipline fort nécessaire sur les marchés ».

À ce moment crucial du processus de réforme, et avec la pression supplémentaire liée à l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce, les officiels chinois ont pris une décision qui allait modifier le destin du secteur bancaire et de l’économie du pays.

Ces responsables avaient été élevés dans le contexte de la révolution culturelle de la Chine et se trouvaient dans leurs premières années d’élaboration de politiques en matière d’économie de marché. Malgré cela, ils avaient ignoré les conseils des experts internationaux et avaient décidé de considérer les banques comme des entités globales et de conserver les participations majoritaires.

À la suite de cette réforme, le secteur bancaire chinois est finalement devenu rentable et le pays abrite désormais les quatre banques commerciales les plus importantes du monde. Les avoirs bancaires étrangers en Chine s’établissent à moins de 2 % du total des avoirs bancaires.

L’approche de la Chine concernant les réformes bancaires est souvent décrite comme étant « anti-marché » et obstructionniste, pourtant il n’en est rien. Depuis le règne de Deng Xiaoping, architecte des réformes économiques de la Chine, les dirigeants du pays croyaient fermement au pouvoir du marché de transformer l’économie. Mais ils considèrent le marché comme un couteau à double tranchant, qui peut entraîner l’instabilité économique ou même la crise s’il est mal régulé.

Ainsi, les réformes bancaires ont été axée sur le renforcement constant de la capacité de l‘État de surveiller et réglementer les banques, ainsi que sur le renforcement des pratiques de bonne gouvernance au sein des banques. Cela s’est fait par une collaboration élargie avec les experts internationaux, l’adoption proactive de normes réglementaires internationales, et le transfert des idées sur la gestion des risques découlant des banques internationales.

Le premier responsable de l’agence de régulation du secteur bancaire de Chine décrit l’approche adoptée par le pays comme étant « une supervision consolidée et fondée sur le risque, caractérisée par un contrôle efficace et une grande transparence », qui s’appuie sur un « ensemble de ratios, de limites et d’objectifs simples, utiles et efficaces, tout en modélisant ceux utilisés par certains marchés qui avaient été développés par le passé et abandonnés par eux même au cours de la période frénétique de l’innovation et de la déréglementation. »

Dans le cadre de cette approche, les régulateurs de la Chine ont été en mesure de réduire les prêts non productifs, de 17,9 % en 2003 à 1,58 % en 2009. Selon Liu Mingkang, président de la Commission de régulation bancaire, au cours de la même période, la proportion des banques respectant les critères d’adéquation des fonds a augmenté, passant de 0,6 % à 99,9 %, et la couverture de provisionnement des prêts est passé de 19,7 % à 155 %. Ces progrès ont permis au secteur bancaire de développer la résilience nécessaire pour gérer les risques entraînés par la crise financière mondiale.

Il n’y a aucun doute qu’il existe actuellement de réels risques dans le système bancaire chinois, comme par exemple, le niveau d’endettement du secteur non financier. Cependant, cette situation ne devrait pas être considérée comme ayant été occasionnée par « les prêts massifs » accordés par l’État, comme le suggèrent certains. Comme l’a récemment affirmé Robert Zoellick, ancien président de la Banque mondiale, « la forte relance enregistrée en Chine a été un catalyseur pour l’économie mondiale qui était en proie à des difficultés… », et « le niveau actuel d’endettement élevé de Beijing reflète les coûts de cette mesure. »

Dans sa dernière évaluation, le FMI salue les mesures prises par les régulateurs chinois pour réduire les risques. Selon le rapport du FMI, le ratio endettement des entreprises/PIB, qui avait augmenté rapidement depuis la crise, s’est finalement stabilisé. Les banques chinoises sont loin d’être insolvables. Le taux de prêts non productifs demeure inférieur à 2 % et les principales banques chinoises  détiennent plus de participations que ne l’exigent les normes internationales.

La Chine a opté pour une orientation différente dans sa réforme bancaire. Ses représentants ont mis en place des systèmes de régulation et de gouvernance qui reflètent le point de vue selon lequel l’État devrait jouer un rôle plus actif pour assurer la stabilité financière. La capacité de la Chine de surmonter les crises financières asiatique et mondiale, tout en développant un système bancaire rentable et résilient, montre que le modèle chinois est un contre-exemple du consensus politique actuel concernant les réformes bancaires.