Santé et hygiène

Santé infantile : bienfaits potentiels de l’amélioration de la nutrition et de l’hygiène

6 min

by

Laura Abramovsky, Britta Augsburg, Pamela Jervis and Angus Phimister

Nous savons depuis longtemps qu’une mauvaise nutrition retarde la croissance de l’enfant. Or il est désormais largement reconnu que ce n’est pas le seul facteur expliquant les taux de retards de croissance autour du globe. Le présent article souligne l’importance d’autres facteurs déterminants pour la croissance des jeunes enfants, et notamment des pratiques liées à l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH). Pour les décideurs politiques, le défi est de trouver comment améliorer simultanément la nutrition et les pratiques WASH.

Plus d’un enfant sur cinq de moins de 5 ans accuse un retard de croissance, qui se manifeste par un faible rapport taille-âge. Au cours des dernières années, plusieurs travaux de recherches ont démontré le lien entre retard de croissance et difficultés d’acquisition de capital humain, santé et tendances sur le marché du travail, ce qui implique des pertes importantes de potentiel humain et économique.

Les causes sous-jacentes d’un mauvais état de santé et des retards de croissance chez les jeunes enfants ont différentes facettes. Par ailleurs, il est de plus en plus admis que la dénutrition ne peut expliquer à elle seule les taux de retards de croissance constatés dans le monde entier.

Le rôle de l’environnement hygiénique notamment, caractérisé par les pratiques en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH), est de plus en plus souligné comme un facteur déterminant. La qualité de l’environnement hygiénique peut avoir des effets positifs sur le développement de l’enfant en prévenant les maladies ou affections comme la diarrhée, qui est non seulement une des premières causes de mortalité, mais qui perturbe également l’absorption des nutriments et donc le processus de croissance.

De plus, un environnement hygiénique peut permettre d’éviter l’apparition de maladies telles que l’entéropathie environnementale, une infection asymptomatique qui limite l’absorption des nutriments et ralentit par conséquent la croissance, même lorsque l’alimentation est normale.

Un certain nombre d’éléments tirés de la recherche médicale suggèrent que les pratiques en matière de nutrition et WASH interagissent dans le développement de l’enfant et sur son état de santé. Ceci étant dit, les conclusions de récents essais contrôlés randomisés (ERC) explorant cette relation sont mitigées.

À titre d’exemple, deux grandes études, d’une part des essais sur les bienfaits des pratiques WASH dans les zones rurales du Kenya et du Bangladesh, et d’autre part l’essai SHINE dans les régions rurales du Zimbabwe, ont examiné les interactions entre la nutrition et les pratiques WASH. Pour cela, les études ont associé l’apport de compléments nutritionnels à des interventions de base dans le domaine de l’eau, assainissement et hygiène, tel que la construction de toilettes, l’apport de stations de lavage des mains et de savon, ou encore la purification de l’eau potable par chloration.

Ces trois essais ont conclu que les interventions WASH n’avaient eu aucun effet sur la taille des enfants lorsqu’elles étaient mises en œuvre seule (par exemple, la construction de toilettes uniquement), ou associées à l’apport de compléments nutritionnels. De plus, aucun de ces essais n’a observé d’interaction entre complément nutritionnel et interventions WASH dans l’évolution de la taille de l’enfant.

D’autres études des données provenant de ces essais soulignent la difficulté de quantifier ces interactions dans le cadre d’essais contrôlés randomisés. En effet, les interventions doivent d’abord améliorer de façon suffisamment significative l’environnement hygiénique de l’enfant afin de pouvoir les mesurer. Il se peut que les interventions de base dans le domaine de l’eau, assainissement et hygiène mises en œuvre dans le cadre de ces essais n’y soient pas parvenues.

Dans une nouvelle étude, nous avons décidé d’aborder la même question, mais dans une approche différente. Cette fois, nous utilisons des données longitudinales à forte fréquence relevées aux Philippines entre 1983 et 1986 pour évaluer les rôles, individuels et en association, de la nutrition et des pratiques WASH dans l’évolution de la taille et du poids de l’enfant au cours des deux premières années de sa vie. Notre analyse part du principe que les choix nutritionnels et les pratiques WASH peuvent être déterminés par des chocs et des préférences n’ayant pas été constatés par l’équipe de recherche, ce qui entrainerait des estimations erronées.

Nous avons constaté que la ration protéique et l’amélioration des pratiques WASH avaient des effets positifs sur l’évolution de la taille et du poids de l’enfant. Par ailleurs, l’amélioration des pratiques WASH entraine une augmentation statistiquement significative, faible mais non négligeable, de l’effet des protéines sur la taille et le poids de l’enfant.

En matière de répartition des pratiques WASH, un enfant situé au 10e centile serait 2,57 cm plus grand à l’âge de deux ans si elle ou il ingérait un œuf supplémentaire par jour entre l’âge de six mois et deux ans. De la même manière, pour un enfant situé au 90e centile, l’augmentation serait de 2,73 cm.

Ce résultat explique en partie le mystère des taux de retards de croissance élevés dans certains pays où les revenus augmentent de façon significative.

Une question subsiste toutefois : pourquoi notre étude constate-t-elle une interaction positive entre les pratiques WASH et nutritionnelles tandis que les essais contrôlés randomisés n’en constatent aucune ? Certaines des caractéristiques spécifiques à notre étude peuvent expliquer une partie de ces différences de résultat.

  • Tout d’abord, les foyers de notre étude vivent majoritairement en zone urbaine, et non en zone rurale. Dans ces environnements où la densité de population est plus importante, l’amélioration des pratiques élémentaires WASH et la mise en œuvre d’interventions comme celles des essais contrôlés randomisés dans ce domaine pourraient réduire suffisamment l’exposition aux agents pathogènes pour avoir des effets mesurables sur la santé de l’enfant.
  • Ensuite, les effets d’interaction que nous avons identifiés sont faibles. La détection de ces effets nécessite des échantillons extrêmement vastes dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé, ce qui peut être difficile si les interventions se déroulent à l’échelle de villages, comme ce fut le cas pour les essais précédents.
  • Enfin, pour des raisons éthiques, les essais contrôlés randomisés ne peuvent qu’encourager, et non contraindre, les participants à modifier leur comportement. La différence entre la réalité et les attentes des chercheurs concernant la modification des comportements à la suite des interventions accentue le manque d’efficacité statistique.

Compte tenu de ces travaux, notre étude suggère que l’amélioration simultanée des habitudes nutritionnelles et des pratiques WASH peut avoir des retombées positives sur la santé de l’enfant. Pour cela, il existe une grande diversité d’approches innovantes pouvant permettre d’améliorer de façon durable les infrastructures et les comportements en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène, mais également de réduire l’exposition des enfants aux agents pathogènes, aussi bien en milieu urbain que rural.

 

Laura Abramovsky
Research Associate, IFS
Britta Augsburg
Associate Director, IFS
Pamela Jervis
Research Associate, IFS
Angus Phimister
Research Economist, IFS