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Covid-19 : La panique pourrait provoquer une crise alimentaire mondiale

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GlobalDev Team

L’une des conséquences potentiellement désastreuses de la pandémie de Covid-19 pourrait être une crise alimentaire mondiale. Dans cet article, l’ancien directeur général de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires affirme que pour garantir la sécurité alimentaire de tous, il est urgent d’agir tant au niveau mondial que national. Les prix et les marchés alimentaires doivent être surveillés de près ; les filets de sécurité sociale doivent protéger les personnes les plus touchées et les plus vulnérables ; des investissements supplémentaires sont nécessaires pour mettre en place des systèmes alimentaires plus résistants ; et il est vital de garantir le fonctionnement normal des chaînes d’approvisionnement agricole et alimentaire ainsi que la fluidité du commerce mondial.

La pandémie de Covid-19 est l’une des plus grandes crises sanitaires depuis la Seconde Guerre mondiale : plus de 70 000 personnes ont déjà perdu la vie et les systèmes de santé sont soumis à des pressions qu’ils n’ont pas connues depuis des décennies. Si des mesures efficaces ne sont pas prises, cette urgence sanitaire pourrait également conduire à une crise alimentaire mondiale.

En raison des restrictions de liberté de circulation et des perturbations que connaissent les chaînes d’approvisionnement et le commerce, la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’un grand nombre de personnes – en particulier des groupes de population vulnérables tels que les enfants, les femmes et les personnes âgées – pourrait être compromise. Plus important encore, la panique pourrait entraîner la flambée et la volatilité des prix alimentaires mondiaux, aggravant encore les risques pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle globale. Ce genre de comportement a déjà été noté, notamment lors du virus Ebola, de la grippe aviaire et de la crise des prix alimentaires de 2008.

La sécurité alimentaire mondiale est déjà confrontée à des défis

Le monde est déjà confronté à des défis en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 820 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim, bien que le nombre de Chinois dans cette situation soit grossièrement surestimé.

De plus, près de 150 millions d’enfants dans le monde souffrent d’un retard de croissance en raison d’une alimentation insuffisante. Et dans de nombreux pays, la faim et la malnutrition ont augmenté au cours des trois dernières années en raison des conflits, de la crise des réfugiés, du changement climatique et de l’aggravation des inégalités. Le Moyen-Orient et les régions subsahariennes sont particulièrement vulnérables.

Il est presque certain que le nombre de personnes souffrant de la faim augmentera à nouveau en 2020 à cause du Covid-19. Les confinements et les restrictions de liberté de circulation réduisent la production alimentaire en raison du manque d’intrants et de main-d’œuvre ainsi que des perturbations que connaissent les chaînes d’approvisionnement alimentaire et le commerce. Les programmes d’alimentation scolaire et les régimes de protection sociale risquent également de se trouver en difficulté.

L’impact indirect du ralentissement de la croissance économique pourrait affecter la sécurité alimentaire et nutritionnelle de millions de personnes. La pandémie fait trembler les marchés boursiers mondiaux. L’activité économique et les investissements ont considérablement ralenti dans les zones où l’on trouve un grand nombre de malades et où les déplacements sont restreints afin de limiter la propagation du virus.

La panique pourrait entraîner une crise mondiale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle

Si les pays se mettent aussi à paniquer, le commerce et les marchés alimentaires pourraient être perturbés à une échelle bien plus grande. Le Kazakhstan, l’un des plus grands expéditeurs de farine de blé, en a interdit l’exportation ainsi que celles d’autres produits tels les carottes, le sucre et les pommes de terre. La Serbie a interrompu le flot de son huile de tournesol et d’autres marchandises. La Russie reste évasive quant aux interdictions d’expédition et a déclaré évaluer la situation semaine par semaine.

La crise des prix alimentaires de 2008 nous a appris une leçon capitale. Causée par les sécheresses en Australie et en Argentine, l’augmentation des prix du pétrole, l’utilisation croissante de céréales alimentaires pour la production de biocarburants et les échecs des politiques commerciales, elle a incité de nombreux pays à imposer diverses politiques visant à restreindre l’exportation de produits alimentaires.

Par exemple, s’il n’y a pas eu de pénurie de riz, de nombreux pays ont imposé des taxes plus élevées sur les exportations ou les ont carrément interdites en raison du risque de panique. En six mois, le prix du riz a doublé sur le marché mondial, provoquant de graves perturbations dans le commerce de ce produit et entraînant une crise des prix des denrées alimentaires. Nous devons continuer à surveiller et à dissuader les pays d’interdire les exportations alimentaires.

Comment éviter une panique

Le nouveau coronavirus continue de se propager et il est difficile de dire quand il sera maîtrisé. Pour assurer la sécurité alimentaire de tous, il est urgent d’agir tant au niveau mondial que national.

D’abord, il est nécessaire de surveiller étroitement les prix des denrées et des marchés alimentaires. La diffusion transparente de l’information renforcera la gestion de ce marché par les gouvernements, empêchera la panique et orientera les agriculteurs vers des décisions de production rationnelles. Pour étouffer dans l’œuf la spéculation sur l’offre, les gouvernements devraient renforcer la régulation du marché.

Deuxièmement, il est nécessaire de veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement agricoles et alimentaires internationales et nationales fonctionnent normalement. La Chine a donné le bon exemple quant à la façon d’assurer la sécurité alimentaire pendant l’épidémie, en ouvrant par exemple un « canal vert » pour les produits agricoles frais et en interdisant les barrages routiers non officiels.

Les entreprises de commerce électronique et de livraison peuvent également jouer un rôle logistique clé. Par exemple, alors que les mesures de confinement ont augmenté la demande de livraison de produits alimentaires à domicile, les entreprises de commerce électronique ont mis au point une solution de livraison sans contact, qui permet aux coursiers de laisser les colis à certains endroits définis pour que les clients puissent les récupérer, évitant ainsi les interactions individuelles inutiles.

Troisièmement, des filets de sécurité sociale sont nécessaires pour protéger les personnes les plus touchées et les plus vulnérables. Ces filets de sécurité, qui pourraient prendre la forme de transferts en espèces ou en nature – la spécificité du contexte étant ici capitale – devraient être accompagnés d’une intervention des responsables de la santé et de la nutrition. Investir dans la santé et la nutrition des populations vulnérables pourrait faire baisser le taux de mortalité de maladies telles que le Covid-19 – le niveau nutritionnel et les taux de mortalité étant intimement liés. Les filets de sécurité sociale sont également essentiels dans la période post-épidémique pour stimuler les efforts de « reconstruction ».

Quatrièmement, des investissements supplémentaires sont nécessaires pour ériger un système alimentaire encore plus résistant. Ces investissements doivent provenir des gouvernements nationaux ainsi que de la communauté internationale, car renforcer la capacité des pays en développement à prévenir ou à contenir une crise alimentaire relève d’un effort collectif. Dans le monde hautement interconnecté d’aujourd’hui, les maladies contagieuses telles que le SRAS, le virus Ebola, la grippe aviaire et le Covid-19 peuvent facilement franchir les frontières.

Il est également nécessaire de mettre en place des garanties de prévention et de contrôle des maladies zoonotiques comme le VIH, Ebola, le MERS, le SRAS et peut-être le Covid-19, transmis à l’homme par les animaux sauvages. La communauté internationale doit faire davantage pour prévenir de futures épidémies, notamment en réglementant les marchés de la viande, des fruits de mer et des espèces sauvages.

En outre, il est important d’assurer la fluidité du commerce mondial et d’utiliser à bon escient le marché international, qui est un outil essentiel pour garantir l’approvisionnement alimentaire. Les institutions mondiales telles que la FAO, l’Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international doivent demander aux pays de ne pas utiliser le Covid-19 comme excuse pour adopter des politiques commerciales protectionnistes.

 

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