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Faire travailler les jeunes chômeurs grâce à des subventions au transport

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by

Simon Franklin

Les coûts élevés liés à la recherche de travail constituent un obstacle à l’obtention d’un emploi, même dans les villes où le marché du travail est dense.  L’auteur de cet article montre que les contraintes financières amènent les jeunes sans emploi, dans les pays en développement, à abandonner leurs recherches trop tôt. À Addis-Abeba, l’octroi de subventions au transport aux jeunes a permis d’accroître leur engouement à rechercher du travail et a accru leurs possibilités d’obtenir des emplois permanents.

Les économistes ont longtemps pensé que les villes jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement efficace des marchés du travail. Pourtant, les jeunes en Afrique urbaine passent généralement de longues périodes au chômage ou en sous-emploi tout en recherchant de meilleurs postes.

En principe, les denses marchés du travail des villes devraient réduire le temps que mettent les chercheurs d’emploi à trouver des emplois adaptés à leurs formations. Toutefois, ces avantages peuvent être réduits par les coûts de transport élevés lorsque les villes sont mal planifiées. La croissance rapide des villes africaines ne s’accompagne souvent pas des investissements correspondants en infrastructures de transport ou en logements bien situés, entraînant ainsi des embouteillages et une augmentation du nombre de personnes vivant dans la périphérie des villes, loin des emplois.

Les coûts de la recherche d’emploi sont généralement considérés comme imposant d’importantes frictions sur les marchés du travail. Les contraintes financières pourraient exacerber ces frictions dans des villes tentaculaires et mal planifiées si les coûts de transport élevés empêchent les pauvres d’investir de façon optimale pour leur recherche de travail. Jusqu’à ce jour, il existe relativement peu de recherches empiriques permettant d’établir des liens entre les coûts de la recherche d’emploi et ses résultats, en particulier dans les pays en développement.

Mon étude montre un lien de causalité entre les coûts de transport requis pour chercher du travail et les résultats de la recherche au niveau individuel.  J’ai utilisé un essai contrôlé et randomisé de subventions de transport pour savoir si les jeunes chercheurs d’emploi vivant loin du centre d’Addis-Abeba en Éthiopie sont limités dans leur capacité à chercher des emplois. Les subventions au transport ne couvrent que les coûts de déplacement vers le centre-ville, de la même manière que l’aurait fait un programme de subvention de tickets de bus.

Cette étude s’est fondée essentiellement sur une caractéristique spécifique au marché de l’emploi à Addis-Abeba : les vacances de postes sont affichées sur des tableaux d’affichage installés uniquement à trois endroits du centre-ville. Les jeunes doivent se déplacer eux-mêmes d’un lieu d’affichage à l’autre s’ils veulent avoir des informations sur de nouveaux emplois.

Offrir à ces jeunes un transport vers le centre-ville accroît leur probabilité de dénicher un emploi permanent dans un délai de quatre mois.

Pourquoi les coûts de recherche d’emploi constituent-ils un important obstacle à l’obtention d’un bon emploi ? Un aller simple par bus au centre-ville coûte moins d’un dollar, mais ce montant représente 12 % des dépenses moyennes par semaine pour les personnes ayant participé à l’étude.

Les jeunes manquent-ils d’argent au point de ne pouvoir financer leurs recherches d’emploi ?  En effet, les jeunes se rendaient régulièrement au centre-ville pour chercher du travail, en particulier au début de l’étude. Toutefois, à mesure que le temps passait et qu’ils perdaient de l’argent, leurs efforts de recherche ont rapidement diminué. Certains se sont complètement découragés et d’autres se sont engagés dans le secteur informel.

L’étude s’est appuyée sur une enquête réalisée par téléphone pendant une semaine pour suivre les comportements des participants en matière de recherche d’emploi. Les résultats montrent que les subventions au transport peuvent empêcher les jeunes d’abandonner trop tôt la recherche d’emploi, et cette persistance accrue leur permet d’obtenir de meilleurs emplois.

Ces conclusions indiquent que le manque d’argent les empêche de s’investir de façon optimale dans la recherche d’emploi. S’ils le pouvaient, ils auraient emprunté de l’argent pour continuer à chercher du travail, mais il est difficile pour eux de le faire tout seuls.

Les résultats de l’étude proposent une intervention de l’assurance sociale pour soutenir les chômeurs pendant la recherche d’emploi. Grâce à des politiques qui prônent la réduction des coûts de recherche d’emploi, les marchés du travail pourraient être plus efficaces, plus accessibles et plus équitables pour une population urbaine croissante. Cela pourrait se faire au moyen d’un transport amélioré et subventionné au profit des populations démunies, y compris de nouveaux trains légers, des autobus express et l’amélioration des routes urbaines.

En outre, les services d’appariement en ligne ou sur téléphone mobile ou les programmes d’aide à la recherche d’emploi pourraient jouer un rôle direct dans l’amélioration de la correspondance entre les chercheurs d’emploi et les entreprises. Les conclusions soulignent également l’importance de la promotion de logements urbains plus denses et abordables, afin que les chercheurs d’emplois les plus défavorisés sur le plan économique puissent vivre à proximité de leurs lieux de travail, ayant ainsi un meilleur accès à des opportunités dans les villes en expansion.

 

Simon Franklin
Postdoctoral Research Economist, London School of Economics