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Financer la croissance du secteur privé en facilitant l’accès aux petites entreprises

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Muhammed A. Usman

L’accès au financement est un facteur déterminant de la croissance et des performances d’une entreprise. Mais dans les pays en développement, celles qui veulent se développer ont souvent du mal à obtenir des financements externes sous forme de fonds propres, de prêts ou de dettes à plus long terme. Cet article analyse les contraintes qui pèsent sur les petites entreprises africaines quand elles tentent d’accéder à ces financements, ainsi que les effets sur leur croissance et leurs décisions d’investissement. Le manque de financement nuit de manière disproportionnée aux jeunes entreprises car elles ne disposent pas de fonds internes.

L’accès aux services financiers est vital pour la croissance et le développement des entreprises, car il favorise la mobilisation des ressources nécessaires aux investissements productifs. L’accès au financement aide les entreprises à étendre leurs activités, à innover et à investir dans des installations de production et du nouveau personnel.

Les principales sources de financement externe sont les prêts bancaires, les autres formes de financement par l’emprunt, les capitaux privés et les fonds de capital-risque. Ces derniers sont importants pour le financement de projets en phase initiale, très risqués mais qui offrent également des bénéfices potentiellement élevés. Le capital-investissement est important pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui ont dépassé le stade du financement de démarrage.

L’accès au financement est l’un des principaux freins à la croissance des PME. Par exemple, une étude portant sur plus de 10 000 entreprises dans 30 pays africains montre que le pourcentage de sociétés citant l’accès au financement comme une contrainte majeure est nettement plus élevé que pour toute autre contrainte, y compris l’électricité, la corruption, l’instabilité économique et la réglementation du travail.

Carences en matière de financement externe pour les PME dans les pays en développement

Dans les économies avancées, le marché boursier est l’une des sources de capitaux externes. Mais dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, le marché des capitaux est soit inexistant, soit à un stade initial de développement. Les petites et jeunes entreprises ont du mal à obtenir des prêts bancaires en raison des exigences en matière de garanties et des taux d’intérêt élevés. Par conséquent, de nombreuses PME envisagent d’autres sources de financement externes (y compris des sources semi-formelles et informelles) pour démarrer leurs activités et/ou pour étendre leurs services.

Le capital-investissement et le capital-risque fournissent des fonds propres. Les sociétés de capital-investissement achètent des titres d’entreprises en activité et se rendent maître d’un certain nombre de parts dans l’entreprise – minoritaire ou majoritaire. Les investisseurs en capital privé sont propriétaires de l’entreprise et espèrent obtenir un rendement financier ajusté au risque attrayant lorsqu’ils quitteront l’investissement. Leur premier avantage est généré sous la forme d’un gain en capital.

Les investisseurs en capital présentent un second avantage qui va au-delà de l’allègement des contraintes financières pour les PME : ils peuvent apporter de nouvelles compétences de gestion, de meilleurs systèmes de contrôle financier et des associations de réseaux avec leur portefeuille d’entreprises. Autant d’éléments qui peuvent améliorer les capacités et les performances. Pourtant, malgré le large éventail d’avantages du capital-investissement et du capital-risque, les investissements en Afrique restent faibles par rapport au reste du monde.

Il y a une différence entre les prêts bancaires (à relativement court terme) et les fonds propres ou les dettes à plus long terme (quasi-fonds propres). Le financement par la dette est remboursé avec des intérêts selon un calendrier convenu, tandis que les fonds propres sont obtenus par la vente d’actions. En pratique, les entreprises peuvent recourir à ces deux types de financement dans une certaine mesure.

Selon leur objectif, les entreprises peuvent préférer la dette ou les fonds propres. Par exemple, une entreprise ne financera peut-être pas son fonds de roulement avec des capitaux propres, mais ces derniers pourront être utilisés pour développer ses activités, surtout si les bénéfices financiers de cette expansion prennent un certain temps à se matérialiser, rendant difficile le remboursement des dettes.

Accès au financement et croissance des entreprises

Une étude récente menée en Éthiopie montre que plus de 50 % des entreprises interrogées n’ont réalisé aucun investissement axé sur la croissance entre 2017 et 2019. L’une des principales raisons est que les entreprises ne disposaient pas de revenus ou d’actifs suffisants et qu’elles pensaient ne pas pouvoir lever les fonds nécessaires par le biais d’un financement externe en vue de soutenir de nouveaux investissements de développement.

En outre, seules deux des entreprises interrogées avaient reçu des fonds de capital-investissement ou de capital-risque. Le reste des capitaux propres des entreprises provenait soit de l’épargne personnelle des propriétaires, soit d’amis et de familles, sous forme d’actions. Ainsi, environ 44% des répondants ont déclaré que l’impossibilité d’emprunter des fonds suffisants les empêchait de réaliser tout ou partie des investissements de croissance souhaités.

Une grande partie des PME n’ont pas demandé de prêt car elles savaient à l’avance qu’elles ne pourraient pas satisfaire aux exigences des banques, notamment en termes de garanties. Mais les entreprises ayant obtenu des prêts bancaires affichaient un taux de croissance positif et plus élevé que les entreprises ayant obtenu un financement par actions ou d’autres sources de financement par emprunt.

L’étude révèle également que les petites entreprises ont obtenu plus de 40 % de leurs prêts auprès de sources informelles. Cela suggère que les petites entreprises sont confrontées à des difficultés plus importantes pour obtenir des financements que les grandes entreprises.

Améliorer l’accès au financement pour les PME en Afrique de l’Est

Compte tenu de la taille de sa population et des taux de croissance économique élevés des deux dernières décennies, l’Afrique a le potentiel d’être un marché attrayant pour les investissements privés et les investissements en capital-risque. Le récent accord commercial – la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA) – sera également un élément moteur pour renforcer le commerce et l’investissement sur le continent et en faire une destination privilégiée des capitaux étrangers.

Une grande partie des investissements privés et de capital-risque en Afrique de l’Est, tant en termes de valeur que de volumes, est réalisée au Kenya. Selon l’Annual African Private Equity Data Tracker publié en 2018 par l’Africa Private Equity and Venture Capital Association (AVCA), entre 2013 et 2018, 110 des 194 opérations de capital-investissement et de capital-risque de la région ont été réalisées au Kenya. La valeur de ces transactions est estimée à 1,3 milliard de dollars sur un total est-africain de 2,4 milliards de dollars ; soit 59 % des transactions en valeur en Afrique de l’Est.

Les performances du Kenya sont attribuées à son économie libéralisée, diversifiée et avancée, avec une classe moyenne en expansion et une demande de biens et de services de grande valeur, autant d’éléments qui en font une destination attrayante pour les investisseurs mondiaux.

À l’échelle mondiale, les investisseurs en capitaux propres et en capital-risque jouent un rôle important en contribuant à l’augmentation de la croissance et à la création d’emplois. On sait étonnamment peu de choses sur ces investisseurs en Éthiopie. Par exemple, la première société de capital-investissement du pays – la Schulze Global Ethiopia Growth (SGI) – est apparue en 2012. À l’heure actuelle, quelques-unes de ces sociétés exercent leurs activités, mais certaines n’ont aucun placement actif. Soit les sociétés de capitaux propres en sont à l’étape de la collecte de fonds, soit aucun accord n’a été conclu avec les sociétés.

L’initiative récente de l’Éthiopie visant à améliorer l’administration et la bureaucratie en matière d’investissement afin d’attirer les capitaux internationaux illustre la volonté du gouvernement de renforcer le secteur privé en facilitant les affaires et en améliorant le profil du pays auprès de la communauté des investisseurs.

Le gouvernement éthiopien devrait s’engager davantage à mettre en place les cadres politiques et juridiques adéquats pour faire du pays une destination privilégiée pour les investisseurs en quête de bénéfices attrayants et à long terme.

L’expérience du Kenya montre que l’ouverture du secteur financier joue un rôle essentiel pour attirer les investisseurs internationaux. En outre, la stabilisation de la macroéconomie (par exemple, la maîtrise de l’inflation croissante), la consolidation de la paix et de la sécurité, la réduction de la corruption, l’adoption d’un cadre réglementaire solide et la suppression de tous les obstacles qui entravent la libre circulation des échanges et des investissements privés placeront généralement le pays dans une position plus compétitive dans la région.

 

Muhammed A. Usman
Postdoctoral Research Fellow, University of Bonn