Comment rendre l’élaboration des politiques économiques plus inclusive et soutenir ainsi une croissance globale à long terme ? Cet article affirme que la promotion d’une politique économique inclusive commence par le processus politique : un modèle électoral plus inclusif.
Si les citoyens réagissent aux incitations, les politiciens ne sont pas en reste. La façon dont les élections sont conçues peut déterminer le programme et les politiques d’un candidat au même titre que d’autres facteurs. Grâce à ces programmes, les hommes politiques déterminent s’ils plaisent aux différents groupes d’électeurs et de quelle manière.
Les économistes évoquent le rôle essentiel des « institutions inclusives » – celles qui encouragent une large participation politique – dans la gouvernance et la croissance à long terme. Mais qu’est-ce que cela signifie en pratique ? Comment créer des institutions inclusives ?
Ici, l’argument central est que la structure électorale est un élément clé dans la création d’institutions inclusives et, par extension, dans le développement économique. Lorsque les élections encouragent les représentants élus à représenter un large groupe d’électeurs plutôt qu’un groupe restreint et spécifique d’électeurs, les politiciens sont alors incités à fournir des services publics qui profitent à un plus grand nombre d’électeurs une fois en fonction.
Les règles électorales façonnent les incitations politiques
Un aspect de la structure électorale lie directement la stratégie politique à la représentation : les règles électorales. Celles-ci définissent la manière dont les attentes des électeurs se traduisent en termes de représentation politique. Ces formules peuvent inciter les hommes politiques à s’adresser à des groupes d’électeurs plus larges.
Comment est-ce que cela fonctionne exactement ?
Comparons les systèmes à un tour et à deux tours. Dans un système à un tour, les électeurs votent une fois et le candidat ayant obtenu le plus de voix l’emporte. Dans un système à deux tours, les électeurs votent d’abord et si aucun candidat n’obtient la majorité, ils votent une deuxième fois entre les deux premiers candidats.
Cette distinction signifie que pour gagner dans un système à deux tours, les candidats doivent non seulement obtenir le plus grand nombre de voix (qui pourrait être de 30 % seulement dans un système à un seul tour), mais ils doivent également obtenir au moins 50 % des suffrages. L’idée est que pour un homme politique, chaque vote a plus de valeur et il devient difficile d’ignorer certains groupes d’électeurs. Pour gagner, les candidats doivent adopter des stratégies visant à attirer des groupes d’électeurs plus larges.
Cette logique peut être appliquée à d’autres règles électorales, telles que les systèmes proportionnels et les collèges électoraux. Par exemple, le collège électoral travaille contre la promotion de la représentation majoritaire : les candidats peuvent gagner avec seulement 25 % des voix (en remportant 50 % des voix dans 50 % des circonscriptions).
Des recherches théoriques suggèrent que les règles électorales ont une incidence sur les incitations et des conséquences sur la gouvernance. Plus récemment, des études empiriques ont constaté la même chose.
Étude de cas : systèmes à un et deux tours au Brésil
Diverses règles électorales sont utilisées dans le monde pour désigner les représentants politiques. Pour les postes de direction dans les systèmes présidentiels, on distingue généralement deux systèmes : le système à un tour et le système à deux tours.
Mes recherches portent sur les implications des systèmes à un et deux tours dans les élections municipales brésiliennes. Le Brésil applique une règle unique, selon laquelle les municipalités dont le nombre d’électeurs inscrits est inférieur à 200 000 élisent leur maire lors d’un seul tour, et celles dont le nombre d’électeurs inscrits est supérieur à ce seuil élisent leur maire sur deux tours.
Les politiciens qui participent à des élections à deux tours représentent-ils des groupes d’électeurs plus larges ? Le décompte des votes au premier tour dans chaque bureau de vote indique que les électeurs des municipalités à deux tours sont moins concentrés géographiquement (voir figure 1). Cette diminution ne se produit que chez les deux premiers candidats : le vainqueur représente en fin de compte une circonscription géographiquement plus large.
Figure 1: Concentration globale des électeurs pour des candidats spécifiques, mesurée par l’indice du coefficient de variation
Les élections à deux tours favorisent l’inclusion dans une autre mesure : les électeurs sont plus engagés dans le processus politique et déposent beaucoup moins de bulletins blancs et nuls.
Mais la structure électorale n’est pas un outil politique utile pour le développement économique si elle n’entraîne pas de différences dans la politique économique. Au Brésil, il semble que ces différences pendant les élections se traduisent effectivement en politique : une fois en fonction, les politiciens élus lors d’élections à deux tours allouent davantage de ressources aux écoles publiques (voir figure 2) et répartissent ces ressources plus équitablement entre les écoles. Cette inégalité réduite est due au fait que des ressources supplémentaires sont allouées aux écoles les plus pauvres de la municipalité.
Figure 2: Niveaux de ressources en équipements scolaires, mesurés par le rang centile national d’une école en termes de niveaux de ressources
Mais les politiciens ne font-ils que se plier aux exigences de groupes d’électeurs de manière insignifiante ? Les preuves suggèrent que non. Les municipalités à deux tours connaissent également une amélioration des résultats scolaires : les taux d’abandon scolaire sont plus faibles et les taux d’alphabétisation sont plus élevés parmi les groupes en âge d’aller à l’école durant le mandat électoral.
Comment aller de l’avant dans ce domaine ?
Les politiciens ont des convictions, mais ils réagissent aussi aux incitations. Une organisation réfléchie des élections peut rendre le système politique, et la politique économique qui en découle, plus inclusifs en incitant les responsables politiques à s’adresser à des groupes d’électeurs plus larges.
Les systèmes à deux tours peuvent conduire à une représentation plus inclusive. D’autres règles de vote qui s’en rapprochent en exigeant des majorités pour gagner peuvent conduire à des résultats similaires, comme le vote à choix multiples.
Mais la transformation du système politique exige une immense volonté politique. Face aux contraintes politiques, les pays ne doivent pas négliger les changements stratégiques plus modestes et progressifs. Les outils politiques qui rendent plus difficile la victoire des hommes politiques auprès de groupes d’électeurs restreints – comme ceux qui réduisent la politique de la personnalité ou limitent le nombre de candidats aux élections à un tour – peuvent générer des mesures significatives pour rendre le processus politique plus inclusif.